Longue route tortillarde à nouveau, travaux en cours et absence de détails sur notre carte ajoutent quelques difficultés pour atteindre Playa Maruata. Aucun macadam à Playa Maruata. Au pas on s’aventure dans la première ruelle qui semble se diriger vers la mer. Par deux fois nous demandons aux autochtones le meilleur passage. A travers palmiers, bananiers, bougainvillées et gué, (il n’y à pas de pont sur le petit cours d’eau qui traverse Playa Maruata) Franky pointe son museau face à un petit coin de paradis. Une famille à installé là une guinguette et quelques paillottes à l’ombre d’une verdure généreuse. Quelques hamacs se balancent, le patron prépare le poisson, les petites filles en robe rose s’étonnent. Nous demandons l’autorisation de passer une nuit ou deux ici et manœuvrons avec prudence sous les fils électriques. Le cours d’eau passe en voisin avec sa suite d’oiseaux et de papillons. L’océan est là, tout juste dissimulé en arrière des palmiers, des paillottes et d’un dernier relief rocheux. Juste ce qu’il faut pour amortir le bruit assourdissant des énormes rouleaux du Pacific.
Playa Maruata
Notre voisinage a Maruata Nous découvrons sur place quelques mignonnes plagettes immaculées puis plus loin une immense plage déserte sur plusieurs kilomètres en avant d’une forêt vierge. Autant dire une scène d’un matin du monde. Passé la première découverte, le patron nous explique que sur la grande plage voisine, les tortues marines viennent pondre chaque année depuis la nuit des temps durant les nuits de mai à août. Nous prenons bonne note. Pour l’heure on commande un petit repas à l’épouse. Le jour s’assoupi, les palmes ondulent sous une brisette bienvenue. Les enfants chahutent avec quelques ballons offerts. Pour une cuisine aussi simplette, nous trouvons les minutes un peu longuettes. Il semble que la priorité soit accordée au repas familial à la table voisine où règne une bonne humeur insouciante. Un moment, las, je me lève et risque un œil en cuisine ou officie l’indolente belle sœur. Sourire chocolat, nous voici rassurés, nous ne sommes pas oubliés. C’est au terme de trois quart d’heure que la toute gentille Conchita nous servira nos assiettes avec cette petite phrase « paldonn’ poul la taldé ! »(Traduit : pardon pour le retard !). Dans le crépuscule à peine troublé d’une vieille ampoule jaunie, ses yeux brillaient d’une telle sincérité que tu te félicites presque d’avoir attendu autant. Excellente cuisine, rarement nous dégusterons meilleur poisson.
En matinée du lendemain, l’abondance de petites fleurs inconnues et de papillons furtifs nous invite à une petite séance photos. Puis nous partons en reconnaissance de cette grande plage voisine où, les nuits, devraient venir pondre les tortues. Pas tout facile d’accès, nous parcourons longuement le sable pour découvrir bientôt des traces fraîches sans équivoques. Deux tortues sont bien venues la nuit passée. Le grand trou où reposent les œufs est consciencieusement rebouché. La bête, devoir accompli est repartie dans le grand océan.
2 tortues sont venues pondre cette nuit Le lavoir de Maruata Le soir venu, casse croute, appareils photos, accus, et lampes électriques, dans le sac à dos, nous quittons Franky avant la tombée du jour. Je disais bien…
…Pas facile d’accès…
…pour faire court : déjà franchir un premier bras ensablé du cours d’eau local. Si la marée remonte au retour, qu’en sera-t-il ? Puis, pantalons relevés, l’estuaire lui-même de ce cours d’eau, de préférence à l’endroit le moins profond. Même question pour le retour. Le positionnement de plusieurs barques de pêche est mémorisé tant bien que mal. Puis vient, un début de plage. Dépasser les paillotes alignées par les villageois où séjournent aujourd’hui quelques hippies. Au passage, nous déclinons l’offre d’un couple allumé pour un « billet d’entrée au paradis», comprend mieux « un pétard ! »Pour enfin longer mer et forêt à perte de vue. Ma compagne jugera que cinq cent mètres seront suffisent comme éloignement. Camp de base établi (petite chaise et sac à dos) dans la pénombre grandissante, pose casse croute.
La première heure de nuit noire sans lune passe…
…sortie de la forêt, la silhouette d’un un homme s’approche … ???
… visage buriné guenilles et pieds nus…
…deux mots incompris, il se défile…
… l’écrin noir se referme jusqu’à ce que deux yeux brillants d’un chien errant nous observent et disparaissent. Le lugubre fracas des rouleaux déments et invisibles, à quelques mètres, ajoute sa note menaçante. Lampe en main nous décidons d’arpenter un peu le rivage à l’affut de toutes masse noires suspectes sans grand succès. Retour au camp de base. Dans le lointain, subsistent encore cinq lumières anémiques, seuls points de repères pour notre retour. Deux s’éteindront bientôt. Durant un long moment, nous scrutons autant que faire se peut le rivage toujours sans succès. Tout début de saison et immensité des plages feront que nous commençons à douter. Le pourcentage de chance de croiser une tortue dans cette obscurité absolue paraît faible. Légitimement, Françoise angoisse. Le vacarme de la mer couvre les éventuels petits bruits de la grande forêt voisine, sentiment d’être sourd et aveugle dans un milieu inconnu au bout du monde. Arrivé un moment, je propose de marcher à nouveau un peu. Seul moyen de d’étendre notre rayon d’observation…
… d’un petit oui qui veut dire non, je sens bien que l’équipière est mal…
…On peut comprendre…
…sans insister, nous prenons le chemin du retour, suivant la plage en direction des trois loupiotes vacillantes. Curieusement, encore en lisière de forêt, apparait dans le faisceau de ma lampe frontale, la silhouette d’un homme qui semble se cacher dans les broussailles. Bientôt face à face, il paraît tout de même un peu bizarre. Torse nu, pantalon trempé, encore quelques mots banals, ébloui t, il se crispe un peu. Françoise me tire par la main. L’homme nous rappelle, il en veut à ma lampe frontale prétextant que nous avons deux lumières et lui aucune. Au final, nous reprendrons notre chemin d’un bon pas. Bien repérés, gué et estuaire sont franchis sans encombre et nous retrouvons la quiétude de notre home. Se disant que, si un peu déçus aujourd’hui, d’autres tortues croiseront bien notre route un autre jour.
Reste de nuit paisible, le matin, je parts en reconnaissance sur la piste qui conduit à la route principale car hier nous y avions observé des travaux de réfection qui interdisaient la seule sortie du pays praticable pour nous. Effectivement, une douzaine d’ouvriers sont à l’œuvre pelles et pioches en mains. J’explique que nous devons ressortir dans une quinzaine de minute avec un « big car »…
__ …no problèma, répondent ils en cœur
__ Coca cola, Coca cola, précise l’un d’entre eux et repris par tous !
J’ai vite compris que pour passer sans encombre, une ou deux grandes bouteilles du fameux breuvage seraient salutaire.
On s’enquiert chez notre hôte de deux maxi s de deux litres et demi bien glacés et approchons du chantier. Vite reconnu, la troupe dégage à vive allure un passage pour Franky. A la vue des deux Coca, chacun va redoubler d’énergie et le tas de gravier est pelleté vigoureusement en quelques minutes. (Pas de tractopelle ici, c’est pelles, pioches et sueur.)Au travers du pare brise, Françoise prend une photo de l’événement, aperçue, ils veulent tous être dans l’objectif ! A cinquante mètres, un homme dégage les grosses pierres faisant barrage aux véhicules venant de la nationale. Grand geste et puissant klaxon d’adieux ! Merci encore à tous. Nous garderons longtemps le souvenir de ces moments fugaces offerts journellement par le peuple mexicain.
La bonne humeur des ouvriers qui nous ouvrent la route