SOUS LES ETOILES DU MONDE
                                                  ou les voyages de Françoise et Jacky sur la planète bleue

 
 
Le soir, toujours en route côtière, nous atteignons  Playa Cocos. Un hôtel noyé dans la végétation propose des emplacements pour camping car. Allée en angle droit, le négoce en  sera délicat. En deux reprises, Franky se faufilera. Rétros, antennes et climatiseurs se feront plus que caresser par les palmes, les bougainvilliers et autres feuilles de bananiers. Finalement installés en front de mer avec eau électricité, tout à l’égout et piscine, que demander de mieux. Une connexion internet  est disponible sur la terrasse de l’hôtel à l’ombre d’un toit de palmes.  Avant le repas, une ballade sur la plage nous dégourdit les jambes. Nombre d’abris de palmes sont installés à disposition des gens de passage.  C’est ainsi que, tout à coup, nous nous faisons héler par José. Facile de deviner que nous venons d’ailleurs, il s’informe, nous présente sa famille et nous invite à partager une délicieuse paëlla aux crabes bleus. Femme fort avenante, la conversation s’engage tant bien que mal,  guitariste, chansonnette et photos souvenirs pour chacun seront de rigueur. Nous rentrons à la nuit tombante, cœur léger et contents de commencer à mieux connaitre ce peuple mexicain.
 
Invités à une soirée paella sur la plage
Endroit calme et sympa, super piscine à disposition (les énormes rouleaux du Pacific rendent la baignade dangereuse), nous passerons une deuxième journée à Playa Cocos.


                                 Un soir sur le rebord du monde…

Mise à jour du courrier, lessive et bricolage. Il est urgent de poser sur le toit ces profilés auquel je pense depuis plusieurs jours. Profilés plastiques fixés des climatiseurs au toit destinés à empêcher les câbles électriques publics de se coincer dessous. Nous en avons un souvenir cuisant en 2011 où Franky avait vaillamment arraché électricité, téléphone et vidéo surveillance d’un lotissement chicos ! 
En campagne, ces câbles sont souvent pendouillant bien bas dans les ruelles secondaires des hameaux traversés. Un matin, c’est une banderole de fête locale qu’il m’a fallu faire passer par-dessus en montant sur le toit circulation bloquée quelques minutes. A noter qu’un mexicain ne sait pas s’énerver. C’est toujours avec le sourire et un  geste d’amitié qu’il saluera un petit instant d’attente lors d’une manœuvre longue et délicate. Un moment plus tard, souhaitant nous stationner le long d’une place publique, sur un emplacement un peu juste, le vendeur de CD installé au coin viendra, tout sourire, spontanément déplacer son pick up pour nous faciliter la tâche.
               Jours après jours, souvent en route de moyennes montagnes, nous descendons vers le sud et malgré cela, dans l’arrière pays, nous regrettons être toujours au milieu d’une végétation desséchée, arbres dénudés et broussailles grisâtres. Seules vallées et oasis humides où coule une rivière généreuse affiche un caractère tropical. Ainsi, nous traversons une zone de production fruitière assez extraordinaire. Bananiers, manguiers, papayers, s’alternent  entre cocoteraies, champs d’ananas et d’agaves (des producteurs de Téquila apparaissent). Les étals le long de la route sont légions. Un gamin au chapeau style « Hé Pepito » invite les voitures à s’arrêter, nous ne manquons pas d’obtempérer avec intérêt. 

  
                                                   Hé Pepito !!!
                         
                                                 
 Multicolores et appétissants, nous élargissons nos connaissances en fruits exotiques et nous nous risquons à toutes ces nouveautés gustatives. Plus tard, en contre bas d’un talus couvert de rejets de bananiers sauvages se dissimulent quelques superbes musacées, fleurs tropicales de la famille des strelitzias, puis en lisière de verger,  apparaissent d’énormes fruits pendus en nombre à leur arbre. Oblongs de cinquante centimètres sur vingt, ces fruits bizarres nous interpellent par leur monstruosité. Une femme sur son petit étal en propose prêts à consommer. L’essentiel du fruit n’est que fibre sans intérêt, seuls se consomment les cœurs renfermant les graines. Consistance souple juteuse et bien parfumé, rappelant le melon, on s’en régalera pour une pincée de pesos.  
 
                                  L’énorme fruit du jacquier  et le corossol

            

                               En bordure de route, belles musacées libres                  
               Puerto Vallarte, ville moyenne au développement balnéaire assez réussi est atteinte le trente avril. Notre bouquin indique un camping dans le quartier de Pitilla. Sans trop y croire et après quelques hésitations et erreurs de trajectoires, la grille monumentale de cet immense RV. Park se présente. Sûrement prés d’une centaine de place parmi les frondaisons, chants d’oiseaux et piscine rien que pour nous ! Saison passée pour les canadiens et autres états-uniens du nord qui viennent encore passer un hiver au chaud, plus personne pour occuper les lieux avant l’automne prochain. Un couple de gardien et quelques salariés vaquent à l’entretien…
…entretien …
…à la mexicaine ! Je n’en dirais pas plus.
Lieu agréable et sûr, nous y laisserons Franky et prendrons le bus pour passer la journée à découvrir la ville. Fort pratique, les bus locaux affichent grossièrement à la peinture blanche sur leur pare brise leurs destinations. Il suffit d’un simple signe de la main, il te charge où que tu sois. Seul bémol, c’est tape cul assuré. Plan succin en main, nous postons du courrier urgent et gagnons la balade littorale. Sur la plage, des locaux présentent des châteaux de sable monumentaux aux sculptures magnifiques. Les touristes sont invités à déposer quelques pesos bien mérités pour prendre leurs photos souvenir.
   
                                 Châteaux de sable à Puerto Vallarte

 Piétonnier, l’endroit est ponctué de nombreuses reproductions de barques anciennes. Celles-ci sont décorées  de multiples thèmes colorés en hommage au passé de cet ancien village de pêcheurs. 
L’église de Puerto à l’architecture toute espagnole est coiffée par une reproduction géante de la couronne d’une certaine impératrice Charlotte. (Désolé, je n’ai pas bien connu)
                                                           Dans les rues de Puerto Vallarte

Le marché artisanal à deux pas présente un bel inventaire des spécialités locales. L’équipière va craquer devant une céramique déjà repérée à Creel et Mazatlan. Son poids et sa fragilité nous avaient retenus jusque là. Aujourd’hui, la voici à bord, il faudra bien qu’elle prenne l’avion un  jour !
Nous sommes premier mai. C’est entre autre la fête de l’auteur. Il est convenu que ma voisine casse sa tirelire pour un bon restaurant local. Notre guide préféré nous conduit chez « Pipi’s ». Bon choix, petites amuses gueules piquantes, guacamole faite devant toi, poilée de gambas et poissons en version mexicaine et coupe glacée plus que généreuse. Un verre de blanc bien frais le tout égayé  par un trio de mariachis endiablé. Les mariachis sont de petites troupes de musiciens locaux qui animent ça et là une allée, une placette ou la rue centrale du lieu, ceci même dans de petites citées anodines. Il va sans dire que quelques pesos sont toujours bien venus. Nous terminerons la visite par quelques ruelles hautes offrant un panorama interressant sur la baie.
   
                                    Mariachis locaux                           Commerçant ambulant
Nous poursuivrons notre route littorale tortillarde vers le sud en direction de Manzanilla. Au hasard d’une incursion en arrière pays, sans trop le savoir, nous longeons une réserve de la biodiversité locale. Manque d’infos et pistes de montagne défoncées nous interdisent de fouiner davantage. Il nous sera néanmoins permis d’observer nombre de plantes épiphytes inattendues dans un décor si desséché. Un énorme plant d’orchidée est aussi découvert agrippé à un tronc torturé. L’absence de fleurs durant cette saison sèche nous frustre grave.  On espère faire mieux plus tard.
                           
                                               Comme tous les enfants du monde…
A Baja de Navidad, petite localité côtière bien vivante, escale sur le parking d’un bel hôtel, deux gardes seront en faction en 24/24. En cours de balade, devant l’église on assiste à la sortie d’un mariage. Au regard des toilettes présentes, il n’y a pas d’équivoque, c’est du beau monde. Beau monde certes, mais avenant, proche, agréable et ouvert à tous. Ainsi, une jeune fille tenant un très jeune chien, lui aussi en tenue de cérémonie, nous remarque. Apprenant que nous sommes français, tout sourire, elle confie spontanément son très cher chien-chien à Françoise pour une photo souvenir. Elan du cœur, déclaré et sincère, toi, étranger de passage, occidental souvent sur ta réserve, ne t’étonnes tu pas d’un naturel si beau ? Plus tard, ce sera un jeune homme du cortège qui viendra nous dire quelques mots. Aujourd’hui nous regrettons vraiment notre absence de vocabulaire… mais il est ainsi.
De ruelles en arrière ruelles, nous découvrons un modeste resto de poissons, terrasse sur la lagune, noté sur le Routard qui nous tente. Tous les plats étant à prix (mexicains) quasiment uniques, ce sera brochettes de gambas grillés pour ce soir.
   
                                            L’océan Pacifique
 
                                          
               Longue route tortillarde à nouveau, travaux en cours et absence de détails sur notre carte ajoutent quelques difficultés pour atteindre Playa Maruata. Aucun macadam à Playa Maruata. Au pas on s’aventure dans la première ruelle qui semble se diriger vers la mer. Par deux fois nous demandons aux autochtones le meilleur passage. A travers palmiers, bananiers, bougainvillées et gué, (il n’y à pas de pont sur le petit cours d’eau qui traverse Playa Maruata) Franky pointe son museau face à un petit coin de paradis. Une famille à installé là une guinguette et quelques paillottes à l’ombre d’une verdure généreuse. Quelques hamacs se balancent, le patron prépare le poisson, les petites filles en robe rose s’étonnent. Nous demandons l’autorisation de passer une nuit ou deux ici et manœuvrons avec prudence sous les fils électriques. Le cours d’eau passe en voisin avec sa suite d’oiseaux et de papillons. L’océan est là, tout juste dissimulé en arrière des palmiers, des paillottes et d’un dernier relief rocheux. Juste ce qu’il faut pour amortir le bruit assourdissant des énormes rouleaux du Pacific.
  
                                              Playa Maruata
   

                                                            Notre voisinage a Maruata 
Nous découvrons sur place quelques mignonnes plagettes immaculées puis plus loin une immense plage déserte sur plusieurs kilomètres en avant d’une forêt vierge. Autant dire une scène d’un matin du monde. Passé la première découverte, le patron nous explique que sur la grande plage voisine, les tortues marines viennent pondre chaque année depuis la nuit des temps durant les nuits de mai à août. Nous prenons bonne note. Pour l’heure on commande un petit repas à l’épouse. Le jour s’assoupi, les palmes ondulent sous une brisette bienvenue. Les enfants chahutent avec quelques ballons offerts. Pour une cuisine aussi simplette, nous trouvons les minutes un peu longuettes. Il semble que la priorité soit accordée au repas familial à la table voisine où règne une bonne humeur insouciante. Un moment, las, je me lève et risque un œil en cuisine ou officie l’indolente belle sœur. Sourire chocolat, nous voici rassurés, nous ne sommes pas oubliés. C’est au terme de trois quart d’heure que la toute gentille Conchita nous servira nos assiettes avec cette petite phrase « paldonn’ poul la taldé ! »(Traduit : pardon pour le retard !). Dans le crépuscule à peine troublé d’une vieille ampoule jaunie, ses yeux brillaient d’une telle sincérité que tu te félicites presque d’avoir attendu autant. Excellente cuisine, rarement nous dégusterons meilleur poisson.
En matinée du lendemain, l’abondance de petites fleurs inconnues et de papillons furtifs nous invite à une petite séance photos. Puis nous partons en reconnaissance de cette grande plage voisine où, les nuits,  devraient venir pondre les tortues. Pas tout facile d’accès, nous parcourons longuement le sable pour découvrir bientôt des traces fraîches sans équivoques. Deux tortues sont bien venues la nuit passée. Le grand trou où reposent les œufs est consciencieusement rebouché. La bête, devoir accompli est repartie dans le grand océan.
  
 
        2 tortues sont venues pondre cette nuit            Le lavoir de Maruata
 
Le soir venu, casse croute, appareils photos, accus, et lampes électriques, dans le sac à dos, nous quittons Franky avant la tombée du jour. Je disais bien…
…Pas facile d’accès…
…pour faire court : déjà franchir un premier bras ensablé du cours d’eau local. Si la marée remonte au retour, qu’en sera-t-il ? Puis, pantalons relevés, l’estuaire lui-même de ce cours d’eau, de préférence à l’endroit le moins profond. Même question pour le retour. Le positionnement de plusieurs  barques de pêche est mémorisé tant bien que mal. Puis vient, un début de  plage. Dépasser les paillotes alignées par les villageois où séjournent aujourd’hui quelques hippies. Au passage, nous déclinons l’offre d’un couple allumé pour un « billet d’entrée au paradis», comprend mieux « un pétard ! »Pour enfin longer mer et forêt à perte de vue. Ma compagne jugera que cinq cent mètres seront suffisent comme éloignement. Camp de base établi (petite chaise et sac à dos) dans la pénombre grandissante, pose casse croute.
La première heure de nuit noire sans lune passe…
…sortie de la forêt, la silhouette d’un un homme s’approche … ???
… visage buriné guenilles et pieds nus…
…deux mots incompris, il se défile…
… l’écrin noir se referme jusqu’à ce que deux yeux brillants d’un chien errant  nous observent et disparaissent. Le lugubre fracas des rouleaux déments et invisibles, à quelques mètres,  ajoute sa note menaçante. Lampe en main nous décidons d’arpenter un peu le rivage à l’affut de toutes masse noires suspectes sans grand succès. Retour au camp de base. Dans le lointain, subsistent encore cinq lumières anémiques,  seuls points de repères pour notre retour. Deux s’éteindront bientôt. Durant un long moment, nous scrutons autant que faire se peut le rivage toujours sans succès. Tout début de saison et immensité des plages feront que nous commençons à douter. Le pourcentage de chance de croiser une tortue dans cette obscurité absolue paraît faible. Légitimement, Françoise angoisse. Le vacarme de la mer couvre les éventuels petits bruits de la grande forêt voisine, sentiment d’être sourd et aveugle dans un milieu inconnu au bout du monde. Arrivé un moment, je propose de marcher à nouveau un peu. Seul moyen de d’étendre notre rayon d’observation…
… d’un petit oui qui veut dire non, je sens bien que l’équipière est mal… 
…On peut comprendre…
…sans insister, nous prenons le chemin du retour, suivant la plage en direction des trois loupiotes vacillantes. Curieusement, encore en lisière de forêt, apparait dans le faisceau de ma lampe frontale, la silhouette d’un homme qui semble se cacher dans les broussailles. Bientôt face à face, il paraît tout de même un peu bizarre. Torse nu, pantalon trempé, encore quelques mots banals, ébloui t, il se crispe un peu. Françoise me tire par la main. L’homme nous rappelle, il en veut à ma lampe frontale prétextant que nous avons deux lumières et lui aucune. Au final, nous reprendrons notre chemin d’un bon pas. Bien repérés, gué et estuaire sont franchis sans encombre et nous retrouvons la quiétude de notre home. Se disant que, si un peu déçus aujourd’hui, d’autres tortues croiseront bien notre route un autre jour.
               Reste de nuit paisible, le matin, je parts en reconnaissance sur la piste qui conduit à la route principale car hier nous y avions observé des travaux de réfection qui interdisaient la seule sortie du pays praticable pour nous. Effectivement, une douzaine d’ouvriers sont à l’œuvre pelles et pioches en mains. J’explique que nous devons ressortir dans une quinzaine de minute avec un « big car »…
__ …no problèma, répondent ils en cœur
__ Coca cola, Coca cola, précise l’un d’entre eux et repris par tous !
J’ai vite compris que pour passer sans encombre, une ou deux grandes bouteilles du fameux breuvage seraient salutaire.
On s’enquiert chez notre hôte de deux maxi s de deux litres et demi bien glacés et approchons du chantier. Vite reconnu, la troupe dégage à vive allure un passage pour Franky. A la vue des deux Coca, chacun va redoubler d’énergie et le tas de gravier est pelleté vigoureusement en quelques minutes. (Pas de tractopelle ici, c’est pelles, pioches et sueur.)Au travers du pare brise, Françoise prend une photo de l’événement, aperçue, ils veulent tous être dans l’objectif !  A cinquante mètres, un homme dégage les grosses pierres faisant barrage aux véhicules venant de la nationale. Grand geste et puissant klaxon d’adieux ! Merci encore à tous. Nous garderons longtemps le souvenir de ces moments fugaces offerts journellement par le peuple mexicain.
                                     La bonne humeur des ouvriers qui nous ouvrent la route
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