Encore deux trois jours de bricoles, notamment le changement complet du silencieux d’échappement qui s’avérait urgent, plein de gaz et d’eau minérale, réfrigérateur et congélateur garni, vérification de tous nos documents de routes, dernier coup de stress, nous quittons le garage pour gagner le parc public de la ville équipé pour le stationnement des camping-cars de passage. A pied, nous gagnons la ville pour trouver une montre, celle de l’équipière ne semble pas souhaiter collaborer davantage.
Adieux émouvants (très) en matinée à nos amis puis en petites foulées, nous quittons Rio do Sul pour faire route au sud. La première escale nous mène à Laguna, petite citée littorale qui avait fait l’objet d’un reportage télévisé. Ici, l’événement est créé par la présence de nombreux dauphins qui empruntent la passe d’entrée de l’immense lagune intérieure. Ainsi, il est admis par les pêcheurs locaux que certains dauphins en chasse feraient volontiers converger les bancs de poissons vers la rive. Ils sont donc postés là par dizaines à lancer élégamment leurs filets dans l’espoir d’une pêche miraculeuse. S’il est reconnu qu’il est des jours plus fastueux que d’autres, aujourd’hui, les prises restent bien présentes mais modestes. La presse locale a révélé qu’au cours du week-end dernier, dauphins et pêcheurs étaient à la fête. Camping bien ombragé et abrité d’un alizé puissant, nous faisons rapidement connaissance d’un couple brésilien en caravane. L’homme parle un peu français, professeur d’anglais et de littérature, il nous parle de Proust, Baudelaire, Malraux, etc… Fatima, sa fiancée dit-il, semble à des années lumières de cette brillante culture.
Néanmoins, nous voici invités pour un diner sous la grande salle commune, nos hôtes prévoient un poisson au barbecue. A vingt et une heure trente, Il manque tomates, oignons, salade et… poisson ! Une vague explication nous est donnée mais tout rentre dans l’ordre quelques minutes plus tard. Il est admis que les petits poissons seront grillés quand le gros sera fait en soupe…
… ???...
…dommage…
… admettons, Fatima, souriante, cool, peu scrupuleuse et pas super experte en cuisine, donne les directives tout en s’activant aux fourneaux. Françoise mise à contribution fera ce qu’elle pourra pour sauver la mise. Venu d’on ne sait où, un jus immonde apparaît dans un récipient…
…eau de vaisselle ???
… A priori…
…oui, mais…
…non, Fatima va s’affairer à passer les impuretés de ce jus puis, réchauffé, une sorte de semoule fine blanche y est plongée afin d’en sortir un semblant de « polenta du pauvre ». Il va sans dire que nous nous servirons plus abondamment dans le plat de crudités préparées par Françoise. La courtoisie nous invite à goûter aux plats de nos hôtes. Si les petits poissons grillés étaient satisfaisants malgré les abondantes arrêtes, le gros poisson découpé à la hache dans sa soupe restera mangeable avec précaution mais pour la « polenta du pauvre », la petite cuillère servie repartira discrètement avec peaux et arrêtes ! Deux grosses mangues excellentes coupées en tranches compenseront sans difficulté. Invoquant l’heure tardive après une journée de route, nous nous retirons pendant que Fatima termine de s’empiffrer les reste de petits poissons et quelques dés de fromage l’ensemble mêlé aux tranche de mangue ! La décence m’invite à passer sous silence le « calibre » (oh, quel vilain mot) de Fatima en tenue…brésilienne !
Le lendemain, retour en observation des pêcheurs et leurs complices les dauphins qui, à plusieurs reprises vont faire quelques approches spectaculaires voire plusieurs sauts périlleux comme à la parade que malheureusement nous ne parviendrons pas à immortaliser. A nouveau, quelques poissons sont capturés au grand bonheur des pêcheurs qui patientent là des heures durant. Pour le repas, l’équipière suggère de prendre le bateau traversier ; le quai d’en face affichant quelques restaurants proprets. Crevettes calamars et moules se dégustent en terrasse au regard des imperturbables cétacés. Une balade d’observation de la pleine mer particulièrement agitée au phare du cap assure la digestion. Au village, une ambiance de communauté hors du tumulte moderne prédomine, çà et là, quelques maisonnettes sont reconditionnées en résidences secondaires. Attention que l’âme de ce quartier en marge ne se perde pas ainsi.
La complicité des dauphins et des pêcheursLe lendemain, nous faisons route au sud, l’Uruguay se profile à plus ou moins mille cinq cent kilomètres. Ce sera parmi ces milliers d’hectares de riz de soja ou plus loin les estancias démesurées qui annoncent déjà, plus au sud encore les immensités patagoniennes. Une nuit ou deux en stations-services, dépenser nos derniers reals en supermarché et la frontière se profile sous une pluie battante. Parking mal aisé, Françoise de l’eau jusqu’aux cheville me guide comme elle peut. Je n’y vois rien dans les rétros et stoppe à quelques centimètres d’une voiture passée inaperçue, grise comme le rideau diluvien qui s’abat sur le Rio Quarai qui matérialise cet extrême sud du Brésil. Les formalités s’effectuent sans difficultés dans le même bâtiment. Dès l’accalmie, nous reprenons la route pour la ville frontalière d’Artigas, but de notre itinéraire des jours passés.
C’est là que notre compagnon GPS décide de s’endormir du sommeil du juste. Pointe de stress pour trouver le camping avec juste ses coordonnées cardinales comme info. Un office du tourisme bien mis nous fournit un plan de la ville. Comme à l’accoutumé, première démarche, une banque, afin d’y prélever de la monnaie locale. Curieusement, en Uruguay, ont cours, le peso uruguayen ainsi que le dollar US. Le distributeur proposant les deux, nous achetons des pesos mais aussi quelques dollars sachant que ceux-ci peuvent se trouver fort utiles en des lieux dépourvus de distributeurs. Nous pensons que peut être en Patagonie argentine ou chilienne par exemple, ça peut dépanner.
Rappelons que le grain tropical a repris de la vigueur de plus bel, à vingt à l’heure, nous approchons de l’entrée du camping qui disparaît sous un fleuve d’eau boueuse échappé du ravin encombré de végétation et débris divers. Il est rapidement décidé de faire marche arrière pour aller nous stationner dans une rue haute et transversale face à une station-service. Renseignements pris auprès des habitants, rien à craindre la zone est parfaitement sûre. Un wifi anémique nous permet juste de vérifier succinctement si rien de grave sur la messagerie. Nuit calme, le matin, à pied, nous nous rendons au camping manière d’évaluer la situation. Allée goudronnées, emplacement pavé, entre les marre d’eau restantes, on devrait pouvoir s’installer. Lessive, courrier, bricoles diverses compléments d’eau et de gaz meublent la journée ainsi qu’une réparation de la moustiquaire de la porte. A tout hasard, j’ouvre le boitier du GPS précautionneusement pour exposer ses organes vitaux au soleil revenu. Par le passé, une opération similaire lui avait redonné vigueur suite à un premier coup de blues. Le soir, la jeune femme nous ré adresse la parole au travers d’un écran clinquant. Soyons lui reconnaissants.