SOUS LES ETOILES DU MONDE   
      ou les voyages de Françoise et Jacky sur la planète bleue


 
 

 

Ces pages sont le récit de notre voyage de 2004 en campig car vers Grèce et Turquie afin de rejoindre et naviguer comme chaque année sur notre voilier "KYF"en mer Egée

Sans appareil numérique à l'époque, pour l'heure,l'intégralité des photos ne sont pas incluses dans ce texte. (seules en apparaîssent quelques unes de temps à autres, merci d'être indulgent pour leur piêtre qualité.

 

 

Préface

Salut et bienvenue.
Toi… Ami que nous avons choisi… entre tes mains, voici notre carnet de voyage 2004. Un récit tout simple qui te traduit aussi vrai que faire se peut nos aventures vécues. Au risque de se répéter, toujours aucun exploit… ! Simplement des moments anodins mais aussi des temps forts ou simplement des instants d'émoi pur, au contact de ces populations qui totalement désintéressées nous ont gratifiés si souvent d’un accueil si attentionné. Ces peuples ont-ils dans le cœur de chacun de nous la couleur de l’arc-en-ciel ? Sans prendre parti, sans prétendre détenir une absolue vérité, je crains deviner une prédominance de grisaille. Bien sûr, personne n’est parfait. Ai la constance de lire ce mémoire et ajoute quelques pastels.
 

                                                                                                                                                            Merci pour eux.   

 

   

 Si la Terre est ronde...
 
 
 
 
                                                                                                                                                                     Françoise & Jacky Rose
 
Quelques jours plus tôt, c’était les adieux. Alain et Marlène préparaient une croisière Tunisie-Malte. Anne et Jean-Claude achevaient la construction de leur voilier avant un grand départ pour l’Afrique et plus si affinité ! Hélène avait donné congé et Jean-Claude réglait encore quelques tic-tac*.Jean et Marose attendaient consciencieusement la période des congés scolaire quand-aux « Fouillac », c’était un peu la ruche …Monique planifiait scrupuleusement son affaire Jean-Claude (encore un !) reconditionnait dans le moindre détail leur voilier « Cers ». Une transatlantique est envisagée. Joli programme…Bref, apéro, petites bouffes, échanges des derniers bons tuyaux et … Bon voyage à tous !
 
 
MERCREDI 7 AVRIL 2004
La France toujours coupée en deux, au sud soleil au nord giboulées. C’est vers les giboulées qu’il nous faut faire route. Quelques petites affaires courantes à régler dans l’Est.
Petites foulées habituelles nous voici en route pour cinq à six mois, sans objectif très précis chose salutaire vers l’esprit cool de l’équipage.
                Tiens… Un hélico sur la route…
                Sympa le gars… Derrière sa berline, remorque trois essieux avec dessus son petit hélico perso. Petite merveille de technologie qui doit valoir son pesant d’euros.
                Environs dix huit dix neuf heures…
 Françoise :
_ Tu ne vas pas rentrer là !!!
Pas mal la cour du château de Sennecy-le-Grand. Ensemble de monuments historiques rénovés abritant hôtel de ville, office du tourisme, salle paroissiale.
J’argumente l’absence d’interdiction et nous passerons une nuit royale.
 
JEUDI 8 AVRIL
Ciel plombé, il pleut, les pavés luisent, la boulangère est soucieuse…
Un peu d’optimisme au défilé des vignobles prestigieux de la Côte D’or ; Chassagne-Montrachet, Gevrey-Chambertin, Pommard, Hautes Côtes etc… j’en passe et des meilleurs. Les vignerons sont à l’ouvrage. A ce stade, n’est-ce pas un art ? 
 
Nancy, Stanislas Leksinsky. Quelle histoire!
 
Passons sous silence environs trios semaines de chantier de remise en état d’un appartement locatif. Nerf de la guerre oblige…
 
SAMEDI 1er MAI
 
Etape à Besançon.
Sébastien et Séverine offrent le muguet de leur jardin.
Dernière mise au point pour le suivi du courrier.
Derniers adieux
Contact à seize heures.
A dix sept heures 1er arrêt ! Des hectares de jonquilles. Une petite halte-cueillette est incontournable ma voisine serait-elle déjà en manque de ses fleurettes du jardin ? Il est à noter qu’un pot de bégonia embarqué à St Cyp survivra joyeusement jusqu’en Turquie !
Escale au bord de l’eau à Neufchâtel puis Berne, Luzerne etc…
Mais où se cache donc le Liechtenstein ? Comme tout paradis, fût-il fiscal, il faut le mériter. Pour nous, pauvres pêcheurs se sera plutôt l’enfer de la neige.
* Voir glossaire en fin d’ouvrage.
 
Un peu plus tard, spectacle irréel de milliard de crocus dans les prairies rases. En variante, le soir à l’étape, il nous sera offert un parterre de petits pensées cornutas. Au réveil, une infime mousseline de brume illuminée des premiers rayons de l’astre levant nous enchante.
Préconisant toujours les chemins de traverses notre itinéraire nous conduit à franchir le « Julierpass » col à 2285m. d’altitude. La neige, la neige. S’il le fallait, nous avons les chaînes à bord. Tiens…des skieurs de rando…
Deux belles marmottes se réveillent et saluent la vie.
L’altitude s’amenuise rapidement, changement brutal de décor à l’approche de l’enfer de Milano. Circulation surchargée, poids lourds en folie, pluie grise des mauvais jours.
 
A l’horizon du trois mai, Venise est attendue. Curieusement, se profilent dans le paysage zone industrielle et raffinerie de pétrole aux cheminées gigantesques vomissant leurs rejets noirâtres. Perplexe, nous nous recalons avec précision sur la carte et rectifions la trajectoire vers cette digue d’accès qui nous conduit au parking à deux pas de la vielle ville. Un peu tard et fatigué, nous nous accordons une courte balade dans les premiers quartiers historiques manière de voir.
Demain matin, de bon matin…
 
Six heures debout.
Il pleut.
Il pleut fort.
Pti déj. à rallonge il pleut toujours fort impossible de mettre le nez dehors.
Nous hésitons, le parking coûte cher…
Un peu de courrier, une affaire juridique un peu lourde à traiter à distance et la matinée s’effrite ainsi.
Des jeunes regagnent en courrant leurs bus trempés à souhait
Prêt à quitter le parking payant, nous mangeons là puis le ciel se déchire un peu. Quelques rayons apparaissent.
Afin de gagner le centre, nous embarquons sur le « vaporetto* »
Cent balles ! Un peu chaud le billet…Mais finalement sans regret, il nous fait faire le tour complet de la lagune et nous dépose place saint-Marc. Nous découvrons les passerelles prévues lors des fréquentes inondations d’ailleurs la sirène retentira plusieurs fois par jour. Nous admettrons qu’il ne s’agit que d’un détail devant l’émerveillement du palais des Doges, la basilique St-Marc et tout cet environnement extraordinaire de somptueuses demeures anciennes.
Place St Marc :Deux cent grammes de maïs et nous voici assaillis par des centaines de pigeons!…et un sur le bras et un sur l’épaule et un sur la tête… de la folie. Des dizaines s’agrippent à nos vêtements, le maïs disparaît… les volatiles s’adressent ailleurs.
Nous voici à découvrir l’intérieur de la basilique St-Marc, des mosaïques dorées partout, des statues de marbre des décors magnifiques. Un détail dérisoire retient notre attention :Les multiples faux niveaux au sol ! Bâti sur pieux de bois immergés, force est de constater que le sol à sérieusement bougé au fil du temps. Ce seront jusqu'à dix bons centimètres de différence qui apparaîtront localement. La structure de cet énorme et magnifique édifice ne semble pas affecté par le phénomène et c’est tant mieux. Cela-dit, de splendides mosaïques anciennes parsèment ce sol bizarre.
 VENISE

VENISE sans gondoles, ce n’est pas VENISE ! 

 

Trente-quatrième anniversaire de mariage plus saint JACKY égal quarante minutes romantiques avec ce gondolier qui poussera la romance en douceur parmi le dédale de petits canaux secondaires et ponts sculptés. Moment inoubliable dans une vie notamment lorsque la pluie se joint à l’événement ! La journée s’achève par un peu de flânerie parmi les ruelles et canaux moins fréquentés.

 
 CIRCUIT 2004
Itinéraire 2004

Bleu pâle
Itin. KYF
Bleu foncé
Itin. c. car aller
 
Rouge
Itin. c.car retour

 
 
MERCREDI 5 MAI
Nous quittons cette ville légendaire et assurons un ravitaillement assez complet au super marché du coin afin de franchir bientôt plusieurs des pays sur l’itinéraire sans obligation d’effectuer trop d’opérations de change successives. Une bonne route nous mène en SLOVENIE. Pays de forêts que nous quittons déjà après quelques centaines de kilomètres. Voici maintenant la CROATIE aux noms de villes et villages imprononçables et une langue incompréhensible ! Début de soirée, il est temps de choisir un lieu d’escale pour la nuit. RIDSEKA, ville côtière moyenne nous déçoit. De vieux immeubles de l’époque de TITO tagués de toute part nous inquiètent un peu. Il est prudent de s’éloigner de là. A courte distance, un CROATE nous indique au bas d’un village des parkings de plages. Nous passerons la nuit devant l’école maternelle d’un quartier résidentiel. Nuit, moyen, moyen, un orage violent tambourinera plusieurs heures.
Au matin, une route de montagne nous hisse en CROATIE du Nord, il pleut depuis la SUISSE voici maintenant en altitude un brouillard, genre Nord-ECOSSE des mauvais jours ! Pour agrémenter l’ambiance, des panonceaux signalent la présence d’ours bruns dans la zone. Redescendu en vallée, quelques tronçons de pseudo-autoroute nous réservent la surprise d’un poste de péage en sortie. Jusque là, on peut admettre mais sans monnaie Croate et sans acceptation de carte bancaire, la situation se complique un instant. Ce sont finalement les euros qui dénoueront la situation. A de nombreuses reprises, nous constaterons qu’il est intéressant d’avoir en poche une petite poignée d’euros, ceux-ci étant très appréciés au même titre que les dollars.
Poste frontière CROATIE, HONGRIE sans histoires. Le proche passage de ces deux nations dans la C.E.E. y est peut être pour quelque chose.
Il pleuvait toujours néanmoins une discrète échancrure dans l’épaisseur grise atteste qu’il existe un ciel.
La campagne se fait « bon chic-bon genre » proprette et agréable à souhait. Nous cherchons en vain oies et canards qui nous conduiraient peut être a quelques producteurs sympa de foie gras et autre cajoleries du même acabit à prix Hongrois. A défaut, un passage au super marché du coin laisse apparaître un coût de la vie modéré sans plus. Achats de spécialités vins locaux et très bon pain mais pas la moindre lichette de canard !
J’adooorrre le canard !!!
Tient, quelques filles aux bords des routes…
En fin de journée, nous quittons la nationale pour un petit village à l’écart. La place de l’église nous convient, nous voici installés.
 Plusieurs passants commentent…
Au réveil, c’est le défilé des ouvrières à bicyclettes ou en bus ; un atelier de confection est installé dans un vieil édifice voisin. Nous supposons des salaires et des conditions de travail assez éloignés de la France. Néanmoins, nous ne passons pas inaperçus.
Les ouvrières commentent…
La pluie a cessé, la route défile gentiment, l’agriculture prédomine, le paysage rappelle les racines Autrichiennes passées.
La ROUMANIE est proche.
Quelques kilomètres plus tard, une file interminable de véhicules attendent au poste frontière. Durant ce temps, il nous sera permis d’assister au balai de berlines occidentales transitant sur remorques roumaines l’ensemble tracté par de vieilles guimbardes bulgares. Tout cela renifle le trafic. Les poids-lourds sont invités à passer dans une sorte de fosse de désinfection ce qui nous fera doucement sourire bientôt.
Enfin, c’est à nous, passeport, assurance, tampons et re-tampons etc…
__ Ah vous êtes Français ? Bienvenue en ROUMANIE.
__ Merci
Dés les premiers kilomètres, LE CHOC ! Déjà, le change : pour 50 Euros, la caissière me remet 2 000 000 de Lei ! Impressionnant. Après, apparition des nids de poules par milliers, l’absence de circulation permet d’en éviter certains. Quelques fermes isolées misérables donnent le ton.
A nouveau sous la pluie, nous voici à ARAD bourg moyen du nord ouest. Les rues boueuses sont bordées de quelques épaves rouillées, les habitants ont oublié l’entretien des habitations.
Centre ville, un carrefour, une population un peu insolite, un monde d’ailleurs, un panneau indicateur rouillé et illisible, quelle rue prendre pour la direction de TIMISOARA ? A droite, c’est impensable, une majorité de pavés manquent, l’eau limoneuse les remplace, du bétail apparaît au loin. A gauche, même bourbier avec en prime émergeant dangereusement les rails d’un tramway antédiluvien.
__ S’il vous plait, la direction de TIMISOARA ?
__ Par-là … oui oui, par-là …nous répond la femme Tzigane
Impossible pensons-nous.
Nous réitérons notre question à cet homme qui saute de son vélo pour nous aider. Il confirme.
C’est impensable, c’est défoncé comme il n’est pas permis, il manque la moitié des pavés, les rails débordent avec une proéminence affolante, les ornières gorgées de boue cachent leur réelle profondeur, il pleut à saut, il faut y aller le tramway arrive ! Quelques centaines de mètres plus tard, nous nous garons entre deux épaves de camions en ruine pour laisser passer. Avoir ce type d’engin à ses trousses n’est pas très rassurant. Tant bien que mal, nous poursuivons au pas. Quand Françoise me hurle :ATENTION  le tram s’arrête !!!
 A vingt à l’heure, je pile et attends derrière, il n’y a plus de pavés sur les côtés et j’ignore la profondeur de l’eau brune.
Un ou deux kilomètres ainsi, ça laisse le temps de se demander ce qu’on fout ici !
 Si c’est ça la ROUMANIE, nous ne sommes pas rendu à notre KYF (env.4à500 km dans ce pays). Peu d’alternatives nous sont offertes hormis une route inverse vers l’Italie du sud et prendre le ferry pour la Grèce soit deux mille kilomètres à revenir sur nos pas…
    Pas farouche l’ambiance…
Enfin, nous rejoignons bientôt quelque chose qui ressemble un peu mieux à une route. Des vélos, quelques voitures, des piétons, des charrettes à chevaux, tout ce petit monde s’ébroue en tout sens sur la chaussée.
 Les priorités semblent mal définies…
Peu importe, nous sommes bien dans la direction de TIMISOARA.
 Néanmoins, nous nous garderons de prendre trop de photos tant nous sommes attristés, les immeubles sont gravement délabrés, la végétation à envahi les vieilles usines que la rouille ronge inexorablement. Nous observons sans comprendre de somptueuses demeures délaissées, des châteaux à l’abandon voisinent avec ces restes de citées à bout de souffle.
La moyenne horaire plafonne à trente à l’heure.
Un peu plus tard, nous traversons des villages agricoles, c’est un peu le moyen-âge. Sur la route, pêle-mêle, ce sont canards, oies, poules canetons et poussins ; la vache, son seul bien que la mémé tient en laisse, le cheval qui broute sur le bas côté…
__ ATTENTION…
…A gauche, ce cheval, il traverse …
Seules les rues principales sont à peu prés carrossables avec toujours la boue, le bétail, les charrettes.. sans roues…à réparer …un jour …
C’est vrai, ici ou là, une enseigne minable « auto-récup » ou « okas-pneu ». Le pays de la débrouille.
En fin d’après-midi, TIMISOARA est atteint.
Toujours un peu le même scénario, le vieux tramway, les nids de poules, les vieilles Renault 12 renommée Dacha ! et autres Lada ou Skoda d’un autre âge qui crachotent leurs gaz mal brûlés.
Bientôt l’heure de l’escale. Françoise s’inquiète de savoir où passer la nuit avec un minimum de quiétude. Nous ignorons beaucoup de ce pays. Les Roumains exilés en France n’ont-ils pas mauvaise presse ? Sont-ils tous ainsi ? Très sincèrement, nous ne le pensons plus aujourd’hui.
Le Routard était assez perplexe sur les possibilités de camping en Roumanie indiquant la quasi-inexistence de terrains et souvent l’absence des plus élémentaires conditions d’hygiène. Sauf peut-être disait-il dans les quelques campings dits « internationaux ». Habituellement, nous fréquentons rarement les campings sauf lorsque la lessive s’amoncelle ou que l’envie de se doucher sans compter l’eau se manifeste. En effet, nous utilisons volontiers la douche du bord lorsqu’il est possible de compléter la réserve d’eau à une fontaine, une source ou une station service. les douches des plages ne sont pas à négliger lorsqu’elles existent voire même ce morceau de tuyau d’arrosage avec sa pomme d’arrosage qui assorti de tous les raccords possibles nous permet de nous brancher en direct sur tout ce qui coule !
Mais ce soir…
C’est en sortie sud de TIMISOARA, toujours à trente de moyenne, que très furtivement, l’espace d’une fraction de seconde mon attention est attirée par un panonceaux « Camping international ».
Je bloque !
Françoise exulte
Nous sommes, il est vrai dans la troisième ville de Roumanie
Très bon accueil, le jeune responsable est plaisant et ne sait que faire pour nous satisfaire.
Une bonne douche bien sur mais dans des installations … sommaires. La borne électrique sera utilisée avec une certaine prudence. Nous serons les seuls clients avec un autre camping-car allemand.
Avant le repas, nous nous dirigeons à pieds visiter le centre ville, nous abandonnerons rapidement, la pluie redouble, le parapluie est par deux fois retourné.
Le début de soirée se passera à rédiger un peu de courrier.
 En Roumanie

En Roumanie
          

SAMEDI 8 MAI
Départ matinal car quatre à cinq cent kilomètres ici ça peu être long.
Chaque hameau apporte son lot d’étonnement. Les villageois vont aux champs la houe la binette ou le râteau sur l’épaule exploiter leur lopin de terre d’autres partent garder une vache ou deux ou encore quelques oies, moutons ou chèvres. Il apparaît que la notion de propriété privée est encore dans ces campagnes peu rependue, il n’existe pas de parcs clôturés les terres semblent encore être à tous et chacun garde son troupeau en bonne harmonie.
 
 Néanmoins, aujourd’hui, toi, mon lecteur qui tient ces quelques pages entre tes mains, dans ton fauteuil douillet merci d’accorder un instant de compassion à ces pauvres bougres qui ont confectionné leurs impers avec des sacs plastiques et qui passent ainsi une partie de leur vie à garder leur trésor, leur raison de survivre : leurs quelques bêtes.
 
Voici un peu de relief, la forêt prédomine, une chaîne de moyenne montagne, ce sont les contreforts du massif des Carpates. Des loups et autres ours bruns abondent encore nous dit-on mais notre chemin se glisse dans des vallées de basse altitude, habitées de temps à autre, ces grands prédateurs sont souvent absents …Supposons-nous… !
__ Que la route est mauvaise !
La suspension du camping-car est soumise à rude épreuve, la vaisselle aussi !
La circulation se limite à des charrettes à chevaux ou ânes et quelques camions modernes qui relient la Turquie à l’Occident
Route de montagne, difficile de trouver un endroit plat pour le repas de midi. Sans prêter très attention à cette femme, la table est dressée, Françoise popote.
Mais dehors, ça bouge. Sur le parking, la femme quand même un peu courte vêtue s’intéresse particulièrement a ces beaux camions modernes cités plus haut. Bientôt, les voici à trois a proposer leur charmes (assez absent d’ailleurs). Un chauffeur allemand va donner « suite favorable » !
Bonjour l’ambiance !!!
A plusieurs reprises, toujours sous la pluie, sur cet axe routier, le plus direct pour joindre le Proche-Orient et l’Europe Occidentale, des jeunes femmes préfèrent ce boulot au travail des champs.
Qu’en penser ?
Les kilomètres s’additionnent, nous suivons les rives du Danube et quittons bientôt cet axe pour une route secondaire. Françoise se chagrine un peu mais la chaussée et un peu meilleure. L’humble agriculture encore une fois est la seule source de vie. Les faucheurs mènent un peu d’herbe pour leurs bêtes exclusivement coupé à la faux, femmes et enfants butent les pommes de terre, aucune aide mécanique, les très rares tracteurs sont des antiquités dignes des musées. Tout ceci est fort vivant et le soir, la petite route est encombrée de tout ce petit monde rentrant à pied ou en charrette en palabrant. La prudence est de mise. D’ailleurs, nous voici bloqué par un troupeau d’ … une centaine de canetons au duvet blond se dandinant impassibles en traversant la route !!!
Le Danube n’est jamais très loin, deux villes moyennes sont traversées, avec ces horreurs industrielles abandonnées, elles respirent davantage la misère. La carte indique bientôt un poste frontière Bulgare là où la route franchit le grand fleuve. Suivant les rares indications, nous approchons. Une chaîne est tendue en travers quelques képis sont là, pas d’erreur nous y sommes.
Mais quelque chose nous échappe…
…La Roumanie s’achève, la Bulgarie débute là juste de l’autre côté du fleuve mais
 IL N’Y A PAS DE PONT !!!
                On demande,
                Ils expliquent…
                __ There a boat
                Qu’est ce qui dit ?  
               __Ah ! yes,
 Effectivement il confirme qu’il n’y a pas de pont c’est un bac, faut voir le bac !
 Un truc rouillé chargé à ras bord qui flotte mais tout de même, vu de la rive, « moyen, moyen » !Tu le sens lutter péniblement contre le courant avec son chargement de camions.
Le doute s’installe.
A l’approche, sans complexes, on se fait taxer pour le service de désinfection et divers autres services qui nous échappent, on paie le bac 80 000 lei* mais, les enfoirés, ils refusent leur monnaie en exigeant des dollars ou des euros !
Cela respire l’arnaque
Pas vraiment le choix,
 Bonne étoile peut-être, c’est une autre barge qui se présentera à notre embarcadère. Pas beaucoup mieux mais d’un tonnage plus sérieux. Embarquement au milieu d’une dizaine de poids lourds de toute nationalité, nous serons les seuls touristes. 
Le fleuve débite fort, notre barge travers au courant nous paraît être à la dérive mais le pilote du pousseur assure et finalement, nous débarquons en pleine nature mais les grillages et autres barbelés nous rappellent que le poste de douane Bulgare est proche.
Un officier nous salue et nous indique de quitter la file des camions. Sympa, on ne va peut-être pas perdre trop de temps. Il nous prélève nos passeports, carte verte, grise et autres…Une bonne heure passe, les camions aussi ! avant leur restitution,
 Nous sommes quitte pensais-je.
 C’était sans compter la guérite du service de désinfection ( toujours là celui là) dix euros, la suivante du service des routes et des ponts (qui sont absents sur le Danube !) dix euros, la troisième guérite d’une jeune punaise qui n’a toujours pas admis aujourd’hui que nous ne parlions pas sa langue et ne comprenions pas l’anglais d’une jeune teigne Bulgare excitée et agréable comme un mirador Russe ! dix euros ! Enfin sa voisine légèrement plus sympa pour je ne sais plus quel service, mais dix euros encore!
Comment expliquer qu’une voiture norvégienne qui passait n’a payé nulle part ?
La taupe…elle lui à rien dit ?!!!

 GRR KHRRR !!
 


__
Enfin, nous voici « libre » de circuler en Bulgarie.
Le jour baissait, nous voici sans gasoil, sans monnaie, sans carte ! Le premier bourg était attendu.
Les deux premières stations étaient rongées par la rouille et les broussailles
Un faubourg se profile. D’une laideur, de sinistres immeubles pitoyables en état de délabrement avancé, numérotés et impersonnels nous accueillent.
 Pas folichon l’ambiance à cette heure.
Un pompiste n’accepte pas les cartes de crédit, nos euros s’épuisant, nous décidons de poursuivre ainsi, il doit bien rester un verre ou deux de carburant dans le réservoir et de toute façon, il nous reste encore notre jerrican de secours.
Cette ville patibulaire nous incite à chercher un camping pour la nuit.
UTOPIE !!!
Nous admettons qu’il faut rejoindre une zone rurale pour nous sentir mieux. Peu importe la direction puisque ce soir, nous n’avons pas de carte et de toute façon les quelques indications sont rédigées en alphabet cyrillique. Pour l’heure, ces caractères Russes ne nous inspirent guère.                                               
Un halo de lumière attire notre attention. Une station service accueille pour la nuit les poids lourds T.I.R. ( transport international routier) sur un parking clôturé. Sans trop se poser de questions nous entrons. Un homme armé s’approche…
__ ???
Aimable, il nous indique une place, nous propose de passer la nuit, nous explique qu’il est le gardien et nous assure de sa surveillance jusqu’au matin.
 Surtout dit-il :
__ Vous pas fumer. Ok ?
__Yes, no problem !
__ Hier, kérosen truk !
__ Ah !Ici, les camions transportent du kérosène, ho yes !
 Il nous en coûtera trois euros. (Encore une fois, toujours avoir quelques euros en poche) Françoise est tranquillisée sachant que la nuit pourra être entrecoupée par les mouvements des camions, en fait chacun dormira sagement jusqu’au jour.
                Un restaurant était installé en premier étage.
                Nous n’avons pas dû très bien interpréter le discours du garde qui dans son Anglais-Bulgare semblait nous dire que si nous mangeons, le parking serait gratuit.
                Erreur !
                Mais peu importe, nous voici installé à une table. L’établissement était très propre et coquet.
                Une jeune serveuse souriante et courte vêtue nous présente la carte.
                Pas triste ! (la carte !)
                Tout en cyrillique…
                Devant notre mine déconfite, la jeune personne nous présente un menu en Anglais, ça va déjà mieux. N’ayant aucune idée de la parité monétaire, nous choisissons dans les chiffres les plus modestes et commandons deux crudités et deux omelettes, de l’eau et un quart de vin. L’addition nous paraît ridicule : cinq euros, vingt centimes pour deux !
                Suite aux taxes douanières diverses, la jeune et sérieuse serveuse court vêtue ainsi que l’addition nous réconcilie avec la BULGARIE.
                Le Routard conseillait vivement une carte routière en cyrillique. Effectivement, tous les panneaux indicateurs sont rédigés dans cet alphabet. Absolument démuni, la station nous propose un mini atlas Bulgare affiché quatre leiv*. En attendant, nous sommes prêt à nous en contenter pour les premiers kilomètres. La caissière, me demandera quatre euros ce qui, après hésitation et vérification représente le double du prix indiqué en leiv
                C’était ça ou rien, 
                Je pense non et dit OK.
                A présent, nous regagnons le centre afin de nous munir de devises locales. Un peu perdu, nous demandons à une brave passante qui essaie de nous expliquer. Rien à faire, la langue « popoff » nous échappe complètement. Nous finirons par l’inviter à monter à bord ainsi elle nous guidera fort aimablement. Dans la foulée, nous rachetons une carte Bulgare grand format.
                Enfin en route à travers la campagne Bulgare.
                Ce sera l’égal de la ROUMANIE à un degré un peu moindre. Quelques usines survivent, moins de charrettes, quelques voitures modernes.
                Bientôt SOFIA la capitale que nous traversons sans nous attarder. Sa banlieue est déplorable, des bidonvilles partout, la communauté Roms survit dans de vieilles roulottes du siècle dernier munies du coutumier corps de fourneau mélancolique fumant néanmoins le bon feu de bois
                Il pleut à saut !
                Direction Istanbul !
                On à dû rater un épisode !
                Demi-tour, l’intersection menant au sud du pays, vers la GRECE nous a èchapé. Je m’informe auprès des gendarmes et retrouvons ainsi la campagne.
                Le soir, les campings indiqués sur la carte brillent par leur absence. Françoise dégotte une station service qui nous accepte sur son parking arrière. La nuit sera un peu bruyante et le lendemain, après une dernière chaîne de montagne, le soleil souligne notre passage en GRECE.
                Une grande route nous mène rapidement à Halkoutsi où nous retrouvons tout émus notre vaillant KYF. Bien calé sur son ber, tout est normal, le « déshivernage » peu débuter. Quantité de menus travaux vont nous occuper durant une semaine. Il est notamment prévu l’installation d’un réservoir à « eaux noires » en prévision de la TURQUIE. Les éléments de menuiserie confectionnés à ST CYP conformément aux mesures prises en septembre dernier devraient s’adapter sans difficultés. Le troisième jour, un repas à l’initiative de Yvon et « Gibus »,deux joyeux lurons bretons réunira la quasi totalité des clients présents sur le chantier dont une majorité de Français.
                La soirée sera agréable.
 Mise à l`eau en grèce

Mise à l’eau en Grèce
               

 
                Vient enfin le jour de la mise à l’eau. Toujours folklorique chez Zacharias, un peu à l’Africaine, sur la plage du village mais il sait être prudent et tout se passera bien.
                Nous ne traînons pas trop, un pont mobile à Kalkis l’endroit le plus resserré entre l’île d’Eubée et le continent est fermé le vendredi et les droits de passage sont majorés de 75% le week-end. Ce passage mérite une attention particulière car du fait de l’étroitesse du passage, un fort courant dépassant parfois dix nœuds est chose courante. Ce pont ne s’ouvre donc qu’a l’étale de marée et seulement la nuit pour éviter les embouteillages routiers en journée.
                Pour l’heure, nous rejoignons Népenthés, un voilier suisse au quai d’attente. Nous retrouverons les deux compères Yvon et Gibus plus tard sans doute attardés par une « risée Ouzo » !
                L’équipage Suisse et nous même nous enquérons des autorités pour la demande de passage. Notre Anglais déglingué nous autorise à comprendre que vers vingt deux heures il faut rester en veille V.H.F.canal 12 pour avoir l’autorisation. Nous serons appelé bateau par bateau.
                C’est Yvon, resté à terre qui nous avisera de faire promptement, le passage est libre pour quelques minutes.
                Instamment, moteur, larguer les amarres, se dégager, et nous voilà à dévaler ce tapis roulant entre les piles du pont propulsé par le courant du début de renverse.
                IMPRESSIONNANT !!!
                En pareil cas, il vaut mieux que tout se passe bien, à la barre, on ne contrôle pas vraiment tout !
                L’appel V.H.F., nous l’attendons encore.
                C’est la GRECE !
                Un quart de mille plus tard, nous voici amarré au quai nord pour terminer la nuit. Il est tard, les terrasses des cafés se calment progressivement.
                Le lendemain, un tour au marché fort bien achalandé, achat aussi d’une cartouche pour l’imprimante Canon, finalement, vive les multinationales cela a du bon de temps à autre.
                L’endroit n’étant pas particulièrement paradisiaque, Népenthès et Kyf font route au nord sans attendre. Le premier mouillage du repas ne nous satisfait guère pour y séjourner la nuit. Le copain d’un copain avait informé Michel de la présence à dix milles au nord d’ici d’une toute petite crique bien abritée par un îlot. Fallait voir…
                Deux heures de route plus tard, a vitesse réduite, les yeux rivés au sondeur, nous contournons précautionneusement cet îlot bas et ses cailloux sournois et trouvons l’eau calme d’un abri parfait. L’ancre plonge, Kyf est en sécurité, Népenthés aussi.
                L’annexe est à flot et nous débarquons après la remontée d’une petite rivière. Une balade dans les hauteurs du maquis nous fait découvrir cent mètres plus bas nos deux voiliers posés sur l’onde claire.
                Joli panorama, dommage, la présence de cette ferme marine et dans le lointain, vers l’ouest, cette usine de cupronickel, véritable verrue dans ce décor sauvage.
                Nuit paisible.
 Itinéraire en mer Egée 2004
                De nouveau, nous faisons route ensemble vers le nord. Un bon mouillage abrité par un relief nous accueille pour midi. L’endroit est sympa, les deux voiliers compères semblent ronronner secrètement. Petite étape, en fin de journée, un simple quai de pêcheur au village d’AY YEORIOS nous convient parfaitement. 
                  Petite balade dans le modeste hameau quand, devant un petit kiosque, une femme posant son vélo échappe un vague et discret « bonsoir »…
                __ Vous êtes Française ?
                __ Non, je suis Suisse.
                Tout naturellement, entre Michel, Jo, nous et elle, la conversation s’engage. Elle regrette l’absence de son mari et promet de revenir bientôt avec lui.
                Sans plus tarder, du bout du quai voici Stéphano descendu en mobylette qui nous apprend avoir tout quitter en Suisse il y a quinze ans de cela pour s’installer un peu à l’écart du village, construire de ses mains sa maison, au milieu des oliviers, vue sur la baie et vivre ainsi en quasi-autarcie produisant ses fruits, ses légumes, son huile, son vin, ses volailles et que sais-je encore. Tout deux ont façonné leur petit paradis jour après jour, creusant un puit, installant un groupe électrogène vu l’absence d’eau, d’électricité et de téléphone.
                Très gentiment, il nous offre à chacun un litre de son huile d’olive. Un apéro est vite improvisé à bord de Népenthés, la soirée sera plaisante.
                Dés le matin du lendemain, Stéphano nous apporte de très jeunes courgettes de son jardin et nous propose sa table pour le midi si nous ne partons pas aujourd’hui. Il va sans dire que l’invitation est retenue avec beaucoup de plaisir.
                Quatre kilomètres à travers la campagne ou nous observerons à plusieurs reprises ces énormes arums grenat sauvages nous mènent à leur petit domaine.
                Accueil chaleureux de Dora et Stéphano qui nous fait faire le tour du propriétaire. Au milieu des arbres et du potager dans leur coquette maison, le couple semble jouir d’une vie paisible et calme. Avec passion, ils nous dévoilent quelques bribes de cette aventure, quitter leur travail, le confort de leur Suisse natale pour s’installer ici au milieu des oliviers en pleine nature.
                Stéphano, un peu de nostalgie dans le regard nous apprend avoir rêver longtemps dans sa jeunesse de construire son voilier et partir découvrir le monde. La vie en a décidé autrement mais secrètement, il a lu tout les ouvrages qui sont parus sur ces navigateurs bourlingueurs des années soixante dix qui un jour ont levé une ancre pour vivre autre chose. Aujourd’hui, son petit domaine est relié au différents réseaux publics et Stéphano voyage sur Internet quand ses occupations lui laissent quelques moments. Dora apprécie beaucoup également ce choix néanmoins ses yeux larmoient doucement quand elle explique que, le temps passant, ils n’ont plus tellement de choix pour leurs vieux jours, un éventuel retour en Suisse n’est guère concevable.
                Avec amour, Dora nous sert un authentique repas Grec de fête avec notamment la moussaka, les feuilles de vigne farcies et les fraises du jardin le tout accompagné d’un excellent vin blanc de leur vigne qui rivalise sans complexe avec certains crus renommés Français. Quelques pâtisseries et autres douceurs soulignèrent harmonieusement l’ensemble.
                Nous garderons le meilleur souvenir de cette journée offerte si spontanément au quelque passager d’un jour que nous sommes.
                Il fût difficile de nous quitter.
 
                LUNDI 25 MAI
                Au petit matin, Jo et Michel, réveillés par la houle depuis quatre heures larguent tôt les amarres. Peut être étions-nous mieux protégés de l’autre coté de la digue.
                Passant très prés de côte, nos amis de la veille nous envoient des signaux lumineux par la réflexion du soleil dans un petit miroir. Nous leur répondons joyeusement et leur petit domaine s’efface déjà dans le sillage.
                Nous ferons escale à Orei petit port sympa et vivant. A notre arrivée, Népenthés et ce couple d’Allemand déjà rencontré lors du passage du pont de Kalkis sont amarrés et il nous reste « au pif  » environs onze mètres pour y loger les dix mètres cinquante de notre Kyf. Un énorme navire à passagers est en attente et occupe tout le quai.
                Pointue la manœuvre !
                Autant dire un créneau en bateau !
                Vitesse réduite, anticiper la dérive due au vent, éviter le béton du quai, enfiler notre panneau solaire sur son mâtereau quelques centimètres sous la passerelle du monstre, nous voici en place.
                Belle manœuvre, l’équipage est digne !
                Le lendemain, le grand navire s’en va, Kyf est plus à l’aise.
                Les bateaux sont en sécurité, nos amis et nous même partons en ballade au village voisin. Nous profiterons d’une modeste taverne locale pour nous restaurer d’une salade grecque de sardines grillées et quelques brochettes pour seize euros à quatre vin compris.
                Le lendemain, Kyf rejoindra seul le petit îlot de Skala avec son minuscule hameau sans voitures blotti derrière son petit quai. Juste plusieurs barques de pêche de-ci de-là. Une barge amarrée là nous servira de ponton pour la nuit en compagnie de l’équipage Allemand retrouvé par hasard ici.
                Dix huit heures, le soleil décroît, un rafraîchissement sous la treille…
                Le soir venu, en ce paisible endroit, la petite taverne installée sous les figuiers nous inspire. Comme le veut la coutume Grecque, le patron nous invite à choisir notre menu de visu à la cuisine en fonction des plats qui mijotent.
                Ce matin, longue balade par les sentiers de l’île, un très beau monastère au sommet nous ouvre ses portes, la fraîcheur de la cour intérieure, la verdure, les arbres fruitiers, les voûtes alignées, ces pierres séculaires cette sérénité régnante…
Ecoute ce papillon, volatile éphémère…
…Il est cet instant…          
 Retour à bord par les criques nord. Kyf est un peu coincé par le voilier arrière et cette goélette énorme sur l’avant et le vent nous scotche au quai. C’est le moment de tenter de mettre en œuvre cette manœuvre encore jamais beaucoup expérimentée destinée, au moteur, à écarter du quai l’arrière du bateau en conservant une amarre avant. Mise en place réfléchie des protections, de l’amarre tribord, larguer les autres, moteur en avant, Françoise à son poste, imperceptiblement le bateau pivote, écrase le petit pneu mis en appui, Kyf répond docilement et là, proche de la perpendiculaire, marche arrière, Françoise largue le dernier bout’ est c’est parti non sans une certaine satisfaction.
                Le guide nautique indique à six milles un bon mouillage tout temps au milieu des oliviers. C’est Vathoudhi une très belle et grande baie profonde fermée par un île verdoyante, un lieu comme on en rêve, une sécurité à toute épreuve, d’ailleurs, des voiliers hivernent ici en tout quiétude et à bon compte.
                Vu la sérénité du lieu nous envisageons de nous y attarder quelques jours. J’en profite pour me mettre à jour dans du courrier d’affaire en instance depuis la mise à l’eau ! Les courses se font en sac à dos au petit village voisin de trois kilomètres et des balades à pied nous occupent plusieurs jours. Un soir Népenthés apparaît en contre-jour, c’est les retrouvailles au cours d’une soirée crêpes avec Michel et Jo.
                Un matin, Népenthés doit gagner le grand port de Volos, les cousins arrivent bientôt.
                Adieu…A plus peut-être ? nos routes ont des points communs alors qui sait ?
                Kyf, lui sous un ciel d’ardoise vise le port de pêche de Pefki. Dés la passe franchie, nous constatons qu’une flotte de chalutiers occupe tous les quais. Un gros corps-mort au milieu du bassin nous convient. Nous sommes protégés des vents dominants, juste un brin ouvert à l’ouest. Pas très grave, l’ouest est rare dans ces régions.
                Au retour d’une longue promenade sur la grève, depuis le bord, nous apercevons sur la petite route du rivage, une camionnette qui klaxonne à tout va… Puis voilà que ça bourdonne autour. Je saisis les jumelles…
                __ C’est des cerises !!!
                Françoise, regarde là-bas la vieille guimbarde c’est un marchand de cerises !!!
                Dans l’instant, je saute dans le zodiac enfourche les avirons et en trois coups de rames me voici de retour avec un gros kilo de magnifiques cerises en direct du verger. Un vrai régal.
Les cerises sont assez rares en Grèce, la production est modeste.
                Le soir, repas tranquille, la mer est calme, les chalutiers partent tour à tour. En début de soirée, pour la digestion nous débarquons à nouveau, la nuit vient lentement.
Deux gros chalutiers moderne d’une autre flotte accostent est débarquent leurs prises riches et variées. Dorades seiches encornets mais aussi gambas et langoustines défilent sous nos yeux. Les acheteurs sont là, des voies fortes s’élèvent, des pick-up réfrigérés, des caisses de glace, des liasses de billets s’échangent en quelques instants, les factures…
__ Hein ! Les factures, quelles factures ? !!!
Les bateaux sont nettoyés l’ambiance s’apaise, il est bien tard, retour à bord.
Endormi depuis peu, Françoise me secoue…
__Queeeskiiaaa ???… Tu dors pas ???
__Tu sens pas comme ça bouge ?
__Ooouais…Un peu…
En fait, nous voici sur le pont réveillé par le mouvement de yo-yo de la cabine avant. La mer s’est formée et rentre par l’ouest, nous sommes en sécurité sur ce gros corps-mort mais l’inconfort est manifeste.
Mon second n’est pas brillant…
A faible distance, à l’abri les quais sont libres.
Moteur, à larguer l’amarre, nous accostons, il est une heure du mat’.
Françoise a besoin de marcher un peu quand deux nouveaux chalutiers s’amarrent à notre arrière et débarquent leur pêche ; un peu plus uniforme(beaucoup de dorades). Et c’est moteurs diesels, voies fortes, pick-up et camions sur le quai de quatre à six heures du matin !
Pas farouche la nuit !
Un point d’eau au bout du quai, avant d’appareiller pour l’archipel des Sporades, il est prudent de compléter les réserves.
Cap sur Skiatos, la première des Sporades du Nord. Un mouillage un peu ouvert est indiqué mais, au regard de la dernière nuit, nous choisissons un petit quai à l’écart de la route et de la ville.
Séverine nous avait expédié notre courrier depuis plusieurs jours. A la poste, la préposée examine mon passeport et déclare : « no mail for you, Mister ».
__ah-bon, excusez-moi, à demain.
Un petit tour en ville, divers souvenirs originaux, de belles factures retiennent notre attention et nos euros ! Nuit calme, on récupère un peu
Le lendemain, « no mail for you, Mister »
Je profite de cette escale pour perfectionner le positionnement du sondeur dans le cockpit sous les yeux du barreur.
Le jeudi, « Mister Rloze… no mail ,i’m sorry ! » la postière, gentille comme tout, nous connaissait bien maintenant mais…bon…Où pouvait donc bien vagabonder notre courrier ?        
               Nous décidons de traverser l’île à pied du sud au nord. Paraît-il qu’une ancienne piste pédestre mènerait au vieux village abandonné de Kastro sur un éperon rocheux remarquable.
Six heures de marche aller et retour, sept cent cinquante mètres de dénivelé, sympa mais un peu à court d’entraînement et sous le soleil Grec c’est « chaud » ! Au passage, nous aurons sonné à la cloche du pèlerin, porte bonheur assuré nous dit-on ! Casse croûte sommaire sur le vieux banc devant la chapelle « blanc-bleu » face à une mer Egée turquoise en contre-bas. Sur le retour à deux heures de marche, une taverne fraîche engloutie sous les figuiers, à la source mélodieuse nous sert un délicieux tzatsiki, une omelette, une salade verte, de quoi nous réconforter un moment.
                Retour vers dix huit heures usés mais content.
Mais là…Moins sympa, la mer rentre et contre le quai, un fort ressac se forme, Kyf joue à saute mouton !Nous avions prévu une douche. Les hôtels locaux ont l’habitude d’ouvrir leurs installations aux navigateurs de passage moyennant quelques euros.
                Au retour, le ressac semble faiblir.
                Allons faire un tour sur cette agréable presqu’île ombragée, le temps de boire un verre et ça ira mieux.
                Erreur en rentrant c’est pire, le quai est intenable.
 Un couple Anglais intéressé par les voiliers de construction amateur m’interpelle et s’informe. Ils ont un bateau acier en chantier, et c’est avec beaucoup d’intérêts qu’ils se seraient attardés mais, eux sur le quai, moi sur l’étrave aux prises avec un mouvement de yo-yo d’un mètre cinquante voire plus, nous prenons congé, le danger est réel il faut déguerpir au plus vite.
Nous approchons bientôt du mouillage voisin…Quand ma vaillante équipière HURLE 
__ ATTENTION L’AVION !!!
Quelques mètres au-dessus du mat, un appareil fond sur le rivage dans un vacarme d’enfer. L’aéroport est juste là, derrière ces modestes buissons ! Par chance il n’y aura que peu de fréquentation à cette époque.
Soirée paisible, la mer s’inonde d’un soleil ambré qui s’alite à nos cotés. De-ci de-là, un voilier s’endort, nuit et abysse se fondent.
C’est vers vingt trois heures que, du rivage les deux discothèques nous vomissent leurs décibels…Une horreur !!!
Toute la nuit, techno…techno… techno...
Boum… boum…boum…boum…
Nous dormirons un peu de quatre à sept heures
C’est ça aussi la croisière.
Les yeux en deuil, Zodiac, et direction la poste.
__Mister Rloze, yes, for you !!!
Bien connu maintenant, la postière nous remet notre courrier avec un agréable sourire. Quelques achats, pain, fruits et légumes à prix pour touristes huppés, nous levons l’ancre et quittons sans trop de regrets l’île de Skiathos ex-repaire d’une jet-set disparue.
L’ancre remonte sur le pont, tour à tour, deux boeings frôlent notre girouette, L’équipage verdit !
Un nordet établi nous pousse rapidement vers Skopelos, l’île voisine. Petit port de pêche de Loutraki. Malgré l’autorisation de l’autorité de service, le soir un autre gradé nous invite avec insistance à changer de place et nous voici à manœuvrer avec un voilier Suédois qui vient d’arriver.
Nuit réparatrice.
Un village s’étage sur la colline qui nous domine. Une balade découverte s’impose. Les mollets à peine remis de la traversée pédestre de Skiathos, nous voici gravissant l’ancienne route romaine menant à ce charmant hameau fait d’escaliers et venelles étroites et proprettes d’un calme olympien.
Nous saluons un papy dans son jardin. Heureux, il nous invite à déguster des mûres de platanes délicieuses. Il nous fait voir sa maison natale qu’il restaure de ses mains avec goût. Il nous raconte sa vie (en Grec !) . Nous nous expliquons tant bien que mal grâce à quelques dessins, nous le sentions heureux de communiquer. Avant de nous séparer, il nous offre deux roses de son jardin, je le photographie, ses yeux scintillent.
Une taverne sympa nous interpelle. Poulet au citron, moussaka au thon, délicat sorbet melon maison, petit blanc Grec. Une adresse à retenir.
Fin d’après midi, l’orage menace puis se défile nous léguant au couchant une étrange lumière rasante jaune paille d’été orné d’un arc-en-ciel sur toile d’ardoise.
  
LE 06 06 2004 Fête des mères
Avant le départ, nous nous apercevons de la présence d’un robinet à proximité. A nouveau, complément des réserves, petite lessive de mise à jour. Un peu attardé, nous larguons les amarres vers onze heures, contournons l’île pour atteindre le port principal de Skopelos.
Il est quinze heures trente, peu importe, repas de fête improvisé. Sort de la cambuse :
La ballottine de foie gras 
Salade mixte cœurs de palmiers / crabe Chatka
Civet de canard
Pâtisseries Grecques
Le soir, la tradition du bord veux que le resto soit de mise à la fête des mères.
No problem !ce sera à la terrasse de la « Sirena » pour des gambas grillés
Quel panache !!!
Le lendemain matin nous conduit dans les ruelles abruptes du vieux village. Il est écrit que cent vingt six églises sont ici construites. Nous observons effectivement quasiment une chapelle à coté de chaque maison toute aussi éclatante de blancheur. Cascade de fleurs et étroitesse des ruelles grimpantes apportent un charme fabuleux à ce lieu.
Dans l’après-midi, j’intercepte le petit camion citerne afin de compléter nos réserves de gasoil.
Le 08 juin, le départ prévu est différé. Mer formée, vent déjà vif dés le grand matin. Les voisins de pontons imitent.
Finalement, observant un début d’accalmie après le repas, à tour de rôle chacun quitte le quai. Nous n’avons guère que huit à dix milles à couvrir pour atteindre Patitiri sur l’île d’Anolisos.
Un détroit entre deux îlots est à négocier avec prudence. C’est là qu’un mastodonte de ferry en profite pour nous talonner et nous dépasser dans le goulet. Prudent, même par petit temps, nous arrimons toujours tout ce qui pourrait valser en cas de mer agitée. Le sillage du monstre est impressionnant.
Nous pénétrons bientôt dans ce petit port de pêche. Une goélette ancienne énorme nous avise par un coup de corne de brume majestueux de nous écarter un peu, son skipper souhaite faire demi-tour
__Ah bon, on va où nous ?
Kyf se glisse vite fait entre deux barques de pêche, un Grec sympa nous prend nos amarres. Affaire réglée.
Le voisin, homme d’équipage Egyptien habite cette humble barque de pêche. Musique orientale pour tous !Il grille son poisson accommodé de riz comme chaque jour. Le soir, à sa radio, c’est prière pour tous !
Le lendemain, ascension de l’arrière pays à l’ancien village abandonné après le tremblement de terre de 1965 et depuis rebâti par de riches Anglais. La balade par un sentier qui serpente à travers le relief est agréable. Le village est bien restauré, le panorama sur la mer Egée est grandiose mais, boutiques et terrasses sentent un peu l’attrape touristes.
Le soir, nous envisageons l’étape du lendemain sur Pélagos.
Pélagos. Île déserte mais… déserte !!! Qui présente un excellent mouillage mais qui inquiète ma petite rose !
__Une île déserte ? … Y a rien ???
__Y a rien !   
Coluche aurait dit : Pas un troquet, pas une mob… Rien… la zone…
Le guide nautique indique des chèvres et des milliers de cigales.
__Oui, mais y a rien d’autre ?
__Ben… non.
Si la solitude que je nomme souvent quiétude, paix ou encore sérénité, m’est appréciable, pour Françoise, personne sans personne, ce n’est pas assez !
Rien, c’est peu mais moins que rien pour elle, ce n’est pas assez ! et ça l’inquiète .
__D’abord, pourquoi vouloir aller là si personne n’y vit ?
__Mais ne t’inquiète donc pas il y aura bien un ou deux bateaux au mouillage !
Nous nous procurons viande fraîche, de beaux fruits et légumes au petit primeur du coin qui recevait tout frais du ferry. Un peu de pain et des packs d’eau.
Mauvaise nuit, de nombreux mouvements de chalutiers à toute heure, un ressac qui s’était formé, bref, inconfort à nouveau et mon équipière pas super motivée pour l’escale attendue.
Au matin, il faisait noir dans ma tête…
                                                                              …Il y pleuvait peut-être…
Après quelques hésitations, nous quittons Patitiri, cap vers le nord pour vingt cinq milles environs. Cette île inhabitée fait partie d’un petit archipel d’îlots classé réserve naturelle. En effet, une faune particulièrement riche et originale vit en toute tranquillité dans ces parages peu fréquentés notamment une colonie de phoques moines. A plusieurs reprises déjà par le passé, des phoques moines nous ont été signalés en divers point de Méditerranée depuis que nous la sillonnons en tous sens ; mais aujourd’hui encore, malgré une recherche attentive, nous resterons sur notre faim.
La passe d’entrée, sur la côte nord est particulièrement étroite, bordée de roches hostiles elle mérite une grande attention. A l’intérieur, il y règne un calme absolu, l’eau est lisse comme un lac. Deux bateaux sont à l’ancre et un pêcheur. Mouillage par quatre mètres d’eau sur fond de sable. Tenue parfaite assurée.
Petite balade en Zodiac dans les environs. Pour ne pas troubler la douceur du lieu, nous nous abstenons de moteur et visitons aux avirons.
Le soir, le maquis s’assombri, nous nous délectons de ce silence absolu, la nuit nous enveloppe précautionneusement, toutes les étoiles sont là suspendues une à une dans notre univers céleste…
…Nous, infiniment petit, lui infiniment grand…
                                                                                                              …Chacun s’endort.
 
En milieu de nuit, un infime bruissement d’eau éveille l’attention de mon équipière qui machinalement vérifie le puisard.
__JACKKKYYYyyy !!! Viens vite c’est plein d’eau partout !
__T’es sûr ? 
                         …Avant de me lever pour une broutille !
__Oui oui, c’est rempli partout sous les planchers !
Là, effectivement « faut voir »…
…Elle a raison.
Le p’tit diable, le p’tit diable, c’est lui, j’en suis sûr, c’est le petit diable noir velu et sournois à la queue fourchue, le clandestin, tous les ans il nous emm…L’an dernier, c’était à Patras et aujourd’hui, le revoici ici aux portes du paradis
L’enfoiré…
…Déjà, la pompe de cale est mise en action*, devant l’ampleur du problème, nous démarrons immédiatement le diesel qui grâce à sa pompe attelée efficace assèche rapidement les fonds. Mais d’où vient cette inondation subite ? Dans la tête, ça cogite rondement. Si la voie d’eau n’est pas identifiée et maîtrisée bientôt, je pense déjà à éventuellement aller échouer doucement le bateau sur le sable, béquiller si possible ceci, disons-le tout net, pour ne pas couler !!!
Rapidement, chaque vanne est inspectée et fermée. Reste à vérifier la seule cause restante : Le presse étoupe*. C’est bien lui le responsable. Un suintement anormal apparaît, il mérite un sérieux resserrage. Il est certain que cet élément est vérifié fréquemment en particulier après une longue mise à terre mais ces jours derniers, aucun signe avant-coureur ne nous a alertés. Finalement, rien de grave, je propose de rejoindre Morphée promptement, demain si la Terre tourne encore, il fera jour.
__Ne rigole pas, toi mon ami (e) lecteur. Imagine un seul instant que notre vieille planète s’arrête de tourner ! Voire pire, reparte dans l’autre sens et c’est la remontée du temps passé, les trains qui arrivent avant de partir, la retraite avant la carrière ça c’est moins sot ! et les campagnes électorales… !!!
NON, NON-JACKY, arrête de délirer et va dormir…
Au réveil, la météo est au repos. Ma partenaire au vu de l’événement de la nuit ne se sent toujours pas prête à exister en solitaire (même avec moi !) Elle propose de faire du nord. Il est vrai qu’une assez longue navigation est nécessaire pour atteindre la prochaine île et si le Meltelm se lève, bonjour la galère !!! 
Va pour le départ, l’ancre monte, nous saluons l’endroit
Quarante cinq milles de mer d’huile, de brumette légère, de dauphins joueurs, horizon invisible, mer et ciel sont unis en blanc pâle, un irréel rare.
Efstratios, ce petit bout de terre au milieu de la mer Egée, petite île habitée celle-ci par un peuple de pêcheurs un peu en dehors du monde, était en vue.
Très petit port, à faible allure, Kyf pointe l’étrave. Visiblement, nous ne sommes pas attendu !
« Mais quel est donc cet olibrius qui veut entrer ici »
 Les conversations nous paraissent plutôt hostiles.
On nous signifie clairement qu’il n’y a pas de place pour nous. Il est possible de mouiller à l’extérieur du port mais l’accueil nous en dissuade. De plus, l’abri n’est que partiel. Nos regards un peu dépités se croisent, ont y devine un soupçon de grisaille.
Pas cool le coin…
…Demi-tour.
Il n’est pas très tard, à vingt milles d’ici, plein nord l’île de Limnos est visible dans les pastels de l’horizon. Le temps est calme, c’est reparti !
Vingt heures environs nous sommes au quai public.
Et déjà les autorités…
                                               …Demain matin yes, yes, ok.
Le matin dans le bureau, une fille et trois mecs sur le dos. Le plus gradé pointille…
__Passeport…please.
__Votre assurance … please.
__Acte de Francisation… 
Je repart au bateau chercher l’attestation d’assurance que l’on ne nous demande jamais, au retour :
__Indicatif V.H.F. ?…please ?
__ ????!!!???
__Indicatif V.H.F. ?
Je feigne l’incompréhension
Nous avons certainement le document à bord mais il me gonfle celui-là qui cherche a faire du zèle devant ses compatriotes.
De dessous la poussière, il me sort un antique registre ou tous ces documents sont décrit et reproduits dans chaque langue.
Il est têtu le bougre !
Mais dans son obstination, je descelle le « maillon faible ». En effet, en page de garde du fameux ouvrage il est mentionné : « NAVIRES DE CHARGE »
__Eh ! my boat is not « navire de charge » !
Il nous prend pour un cargo !
Enfin, de guerre las, tampon, signature, re-tampon, re- signature etc…
__Vous reviendrez pour régler  
 __Ok
Le lendemain passe à visiter la petite ville de Mirina, ses fortifications hantées de plusieurs couples de chevreuils pas très farouches d’ailleurs puisque nous les retrouverons autour des containeurs à ordures du port !
Il est un peu tard pour réaliser une photo panoramique du lieu sur 360° ; Qu’a cela ne tienne, nous remonterons demain tant ce panorama est grandiose.
Lundi matin, il nous vient une l’idée : Si on louait une voiture ?
Dans les îles, les prix sont très modestes et nous voilà déambulant de petites routes en pistes diverses dans ce désert qu’est le cœur de Limnos. Nous traversons plusieurs vieux villages abandonnés. Ailleurs, au détour d’une ruelle, une femme potier nous ouvre son atelier, elle est agréable, nous la photographions sur son tour et repartirons avec une statuette du meilleur effet. Il est fréquent que nous choisissions nos souvenirs en des lieux insolites loin des étals des « marchands du temple » au sortir des ferrys.
Plus au sud, voici la baie de Moudros tristement célèbre pour avoir abrité l’importante flotte militaire qui fût entièrement détruite lors du passage des non moins célèbres Dardanelles situées à quelques milles à l’est. La zone est encore très militaire, nous passons vite. Puis plusieurs baies plus modestes et retour au bercail.
L’étape suivante : Cinquante cinq milles pour Levros mais enfin avec un peu de sud dans notre cap. Effectivement, nous sommes dans les eaux les plus nord de cette mer Egée que nous sillonnons depuis trois ans déjà. A quelques milles de là, après les Dardanelles, la Mer de Marmara c’est le Bosphore, Istanbul et la Mer Noire. Zone mythique certes mais industrialisée et polluée sur de grande parties, aux courants violents, vents contraires donc long et pénible à franchir. Il est prévu de s’y attarder bientôt en camping-car, solution de facilité !
Donc, demain matin, va pour Levros.
Si possible partir assez tôt ; donc ce soir, je rends visite aux autorités pour régler notre taxe d’amarrage.
Vu le « fouille-merde » qui nous à reçu lors de notre entrée, je profite de l’arrivée d’un ferry supposant qu’il sera bien occupé avec la réception de ce grand navire et me fichera la paix. Excellente stratégie, je croise dans l’escalier tout l’effectif et me retrouve à l’étage avec la seule préposée de garde. J’explique que nous partons ce soir, elle tente donc de me rédiger une quittance. Sa calculette la lâche…Une seconde s’éteint dans l’instant : piles H.S. C’est à la quatrième que les chiffres s’alignent enfin. En Grèce, le calcul d’une taxe portuaire est très subtil. Il faut savoir qu’il est basé sur les navires marchands dont le tonnage (exprimé en tonneaux) entre-autre entre en ligne de compte. Voici ma nana aux prises avec une arithmétique de haute voltige. Passe un collègue tout essoufflé V.H.F.grésillante au ceinturon, elle l’interpelle à la rescousse. Il est persuadé que nous ne partons que demain (entre nous, il n’a pas tord) et m’incite à revenir plus tard.
Bien sûr je ne veux pas comprendre son Anglais-Grec et répète inlassablement à chaque parole qu’il m’adresse :
__LEVROS…
    …LEE..VRROS… LEEE…….VRRRO…SS… !!!
          …Leeee…..Vvvrrrooo…sss !!!
Et lui, je devine sa pensée : Mais y ne comprend rien ce mec !
Et, pressé qu’il est, suggère à sa copine :Prend donc un double d’un ancien bulletin, tu copie et donne-lui son ticket !
La-dessus, il s’enfuit, il est attendu à la réception du ferry.
Une demi heure plus tard, après deux règles de trois, ajustage du quotient adéquat corrigé par la règle des millièmes sur neuf tonneau virgule soixante trois, le verdict tombe… :2, 14 euros  pour trois jours !!!
Je remercie et m’éclipse.
Au petit matin, météo douteuse. Hésitations. Finalement nous larguons les amarres et c’est parti pour cinquante cinq milles nautiques, environs une dizaine d’heures si tout va bien. Dans un premier temps, les observations du GPS nous laissent perplexe. La vitesse malgré un petit vent favorable et quelques tours moteur quand c’est nécessaire est anormalement basse. Un coup d’œil sur la carte démontre que le courant des Dardanelles n’est pas négligeable ici et pendant plusieurs heures, il nous faut le combattre un peu de biais. Vers midi ce flux nous sera plutôt favorable.
Il est passé vingt et une heures lorsque nous pénétrons dans l’anse de Sigri sur l’île de Levros. Le mouillage est sympa, quatre ou cinq voiliers tirent mollement sur leur ancre.
MERCREDI 17 JUIN 2004
Ce matin, visite très intéressante du petit musée local sur la « forêt pétrifiée », la curiosité du lieu. Présence de nombreux fossiles de végétaux divers, troncs d’arbres énormes solidifiés, pétrifiés par le temps prisonnier durant des millénaires de cendres et laves volcaniques. Un site vraiment très intéressant.     
En fin d’après-midi, traînant la savate dans les ruelles, un resto sur le rocher attire notre attention. De superbes langoustes se débattent dans leur vivier. La fête des pères est proche, l’anniversaire de Françoise dans cinq jours, n’est ce pas deux raisons suffisantes pour passer à l’acte ? C’est notre cinquième long voyage et depuis l’année de la Tunisie où nous avons raté des langoustes à prix canon, chaque fois, à pareille époque l’idée nous titille sans pouvoir se concrétiser pour X raisons. Là, faut pas rater ! Nous rentrons bien vite nous mettre en beauté et hop ! à pieds joints dans le zodiac et rejoignons ainsi le pied du rocher.
La satisfaction sera à la hauteur de l’espérance.
De retour à notre Kyf sans s’être trop attardé, l’observation d’un ciel douteux, d’une atmosphère humide ne me dit rien qui vaille. Pessimiste ou réaliste ? Va savoir…
Abrité certes mais à vingt cinq mètres de la plage je ne le sens pas bien ce coup là. Il est donc décidé de relever le mouillage( vive le guindeau électrique) est nous ancrer légèrement plus a l’écart. L’eau est limpide, nous choisissons donc un fond sableux pour jeter notre ancre est cinquante mètres de chaîne d’office. Notre deuxième mouillage toujours à poste au cas où…C’est notre règle pour dormir en paix.
6 heures du matin, bien dormi mais notre cabine joue au yo-yo ! Déjà vingt-cinq, vingt-huit nœuds de vent dehors, vent qui s’est orienté doucement vers l’ouest et forme une houle qui rentre. Plusieurs bateaux quittent les lieux. Nous jugeons bon de porter le deuxième mouillage pour plus de sécurité et la matinée passe ainsi. Midi, les trente nœuds sont établis. Un voilier Américain parti le matin réapparaît soudain et re-mouille évoquant une mer très forte au large. Un voilier dérape, il s’y reprendra à trois reprises pour qu’enfin son ancre tienne bon.   Relisant les instructions nautiques, il existerait au nord est de la baie un lieu de mouillage peu profond mieux abrité lors de ces conditions de vent. Ciré, botté, harnaché dans le Zodiac je fonce en reconnaissance. A l’ouvert de la baie, la houle est grosse et m’oblige à baisser le régime du hors-bord des gerbes d’écume fusent de toute part, beaucoup d’eau entre dans mon embarcation mais je progresse bien et arrive bientôt. Je découvre un plan d’eau quasiment lisse, ausculte rapidement les fonds et repart ventre à terre. La décision est prise. Rentré à bord, nous débattons de l’organisation de la manœuvre. Le second mouillage sera abandonné sur un flotteur, l’ancre principale remontée vite fait et nous rejoindrons l’abri. Une fois mouillé au calme, j’irai récupérer la ligne de mouillage et son flotteur en Zodiac que nous reposerons avec cent mètres de ligne. (Souviens-toi : à bord c’est la règle pour bien dormir !)
Le bateau en sécurité, nous débarquons pour nous détendre un peu.
Le soir, soupe, quenelles forestières, fromage et dessert suivi d’une nuit royale !
Le jour suivant, quelques courses sommaires au village. A l’épicerie, la maman nous explique que les fruits et légumes arrivent au prochain bateau vers dix-sept heures.
Nous glanons quelques abricots corrects qui se révèlerons délicieux, deux oranges, deux citrons, un cœur de salade romaine fatigué. L’addition sera gentille et la mamie nous offre deux poignées d’amandes salées vraisemblablement de sa production ainsi qu’un deuxième cœur de salade qui sera apprécié un peu plus tard.
Vers quatorze heures, l’ancre est remontée, le but est Mithimna au nord est de l’île.
La sortie nord de Sigri se fait à vitesse réduite, 1,5 à 2 nœuds. Des roches immergées se tapissent de chaque bord. L’équipière s'émeut.
__Tu verras bien, Jacky…
    …Sinon ont ressort par le sud…
__ …Hein…hmmm…hmmm…
L’œil rivé au sondeur, viser le centre de l’étroit passage, guetter l’éventuel courant vicieux qui peu survenir, mètre après mètre, les dangers sont enfin parés. Au large, la mer est encore forte et peu de vent souffle, le bateau est mal appuyé et nous voilà ballottés en tous sens. C’est là que notre troisième barreur, j’entends : le pilote perd le nord ! Il affiche 180° au lieu de 0/360°. Notre route est nord-est, il nous envoie systématiquement sud-ouest !
Vingt milles environs à couvrir, nous barrons par petits quarts d’une heure environs. Sa dernière faiblesse remonte à trois ans déjà. C’était au sud de la Calabre en compagnie des voiliers Accalmie et Flo-Flo en route pour la Croatie. Nous avons dû à cette occasion renoncer à une partie du voyage.
Je lis et relis la notice. Il semble qu’une nouvelle « linéarisation » soit nécessaire. Il a effectivement perdu son Nord. Sinon, galères à l’horizon !
Déjà dans la tête…
                                               …Les pièces détachées ???   à faire expédier de FRANCE …
 
                                               …Peut-être un nouveau pilote ???
                                                                                                                             … Les euros !!!!!
Une heure avant d’arriver, la mer se calme.
La notice dit : Pour linèariser le pilote, effectuer par mer calme un cercle de 360° à deux nœuds de moyenne en trois minutes environs. Le tout en pianotant sur le boîtier de commande.
                Nous tentons.
                L’afficheur papillonne en pointillé un moment puis, passé cette rotation complète, des valeurs plus réalistes apparaissent. Notre compagnon de toujours pour le pire et pour le meilleurs est rétabli. Les euros sont préservés ! La vie est belle !
                Ce petit port est bondé de bateaux de toute nature. C’est un vieux chalutier rouillé qui fera office de quai d’amarrage pour ce soir. Le lendemain, un petit angle de quai avec juste quelques centimètres d’eau sous la quille nous retiendra deux jours. Visite des ruelles pentues ombragées et fleuries, sympathiques de prime abord. Bien pittoresques certes, pavées de granit, sans voitures, couvertes de treilles ou bougainvilliers, ponctuées d’escaliers blanchis mais le charme est un peu rompu par ces boutiques à touristes pressés. Plus en arrière, nous découvrirons plus sereinement l’architecture propre au lieu avec ses avancées en premier étage déjà rencontré aux Sporades du Nord. La balade nous conduit au sommet visiter les imposantes fortifications.
                Fête des pères, c’est l’occasion de s’offrir une petite taverne sympa avec vue panoramique sur la baie le port et le bateau. Sonnerie sur le portable, petit coucou de Séb. et Séverine. Merci beaucoup, une modeste pensée, c’est toujours agréable. Voyons ici un rai de soleil du Jura. Peut-être pleuvait-il sur Paris ?
                LUNDI 21 JUIN 2004
                Trois ans de navigation en Grèce nous font songer aujourd’hui que la porte de l’Orient est peut-être à envisager.
                Istanbul, Izmir, Cappadoce, Anatolie, sultans et autres pachas, autant de consonances imprégnées de saveurs suaves, de mystère…         …l’ASIE…
Telle une abeille par le miel, nous ne résistons pas bien longtemps.
             Ce continent lointain, paraissant si inaccessible durant notre vie professionnelle, si c’était un premier aboutissement du vagabondage d’un couple flâneur ?
                Souvent cité dans les revues spécialisées, ce nouveau territoire se profile déjà dans les brumes lointaines et peu à peu, l’archipel d’Ayvalik se dépose lentement sur l’horizon pastel. Petite vérification sur le GPS et sur l’ordinateur manière de bien situer chaque cailloux, chaque îlot et autres récifs malsains et Kyf se faufile prudemment jusqu’au chenal balisé qui nous mène à une sorte d’immense lagon, sorte de mer intérieure puis à l’extrême est, au port d’Ayvalik. Notre première « marina » moderne depuis trois ans en Italie du nord. Equipée un peu comme « chez-nous » :pendilles à poste, eau, électricité, sanitaires propres, laverie etc…
                Un contraste avec tous ces ports de mer Egée, Ionienne, et sud Adriatique, sympas et gratuits ne l’oublions jamais ! Nous n’avons pas encore très bien compris pourquoi faut-il atteindre la Turquie pour retrouver ce modernisme.        
          Pavillon National en poupe comme à l’accoutumé, le pavillon jaune* est envoyé sous le pavillon de courtoisie. C’est « l’étique navale » en respect du peuple qui nous accueille. Entre autre, nous représentons fort modestement d’ailleurs, la France.
                A peine amarré, nous sommes invités a nous présenter à la Capitainerie afin de procéder aux formalités requises.
                L’ambiance est sérieuse mais cordiale.
                Le Turc on connaît pas c’est évident. L’Anglais, très peu, vraiment très peu, mais quelques bribes plus deux mots d’Italien, un poil d’Allemand, une larme de Français et nous nous en sortons honorablement.
                On nous explique qu’il nous faut un « transit-log » pour naviguer dans les eaux territoriales Turques. Une multitude de questions, des tampons partout, des signatures des dollars ! (ou des euros) bref, un préposé s’occupe de l’affaire. Il m’accompagne à vive allure dans le Zodiac de service jusqu’au poste de police, l’immigration viser les passeports, le service de santé et j’en passe. Le lendemain, moyennant une somme modique, nos documents nous sont remis et la bienvenue nous est assurée.
                Fin d’après midi, nous nous risquons dans les premiers quartiers de la ville. Rapidement, nous observons une relative similitude avec la Tunisie. Un monde vivant et grouillant, des petits commerçants sur les trottoirs leurs étals sur des charrettes à bras ou à même le sol sur un simple tapis. En centre ville, plusieurs belles boutiques présentent un panel de contrefaçon extraordinaire. Une véritable industrie.
                L’orthographe nous semble plus accessible que l’alphabet cyrillique : foto, bisiclet, oto, décorazion, bufé, cuafer etc,etc…
                Première démarche, il nous faut de la monnaie, des « Livres-Turc ». Un distributeur se présente, la tension monte…En effet, l’écran propose des retraits débutant à 10 000 000TL. !!! jusqu'à 600 000 000TL. On a beau être prévenu, ça fait un choc !
                Avec hésitation, guide du Routard en main page « change », nous nous risquons à   250 000 000TL. Nous voilà millionnaires du coup !
                Et nous voici a divaguer dans les ruelles animées par les autochtones. Encore les charrettes de tout et de rien, les cireurs de chaussures, le gamin avec son pèse personnes qui pour 1000 000 te rassure que tu n’as pas maigri ! Des petites gens proposent fruits et légumes à même le sol ou toutes autres babioles. Le passage déjà étroit est encombré de mille étals, la vie fourmille de partout.
                Un peu plus inquiétant car encore peu habitués, nous nous aventurons dans des quartiers excentrés. Des ruines envahies de figuiers ça et là, une chaussée bien chaotique, des demeures anciennes tombent en décrépitude et voisinent avec un habitat rudimentaire proche du bidonville. Des gosses de rue jouent. Assis sur le sol quelques âmes parlementent. Nos saluts semblent être appréciés, les regards s’allument de sourires spontanés. Cela nous tranquillise.
                Un peu en sortie de quartier, les basse-cours s’épanouissent, les chats, les chiens, les ânes, les gosses, tous font bon ménage dans une salubrité inexistante. Ces scènes nous rappellent les quartiers populaires de Bizerte, Douz ou Tozeur dans le Sahara du Sud Tunisien.
                Un peu de repos au port, douche à volonté, mise à jour dans les affaires,( rien que dix-huit enveloppes à poster et pas vraiment des cartes postales !) Nous voici bientôt recalés. Avant de poursuivre, à titre de souvenir, nous nous laissons séduire par l’achat d’un magnifique « Saz » instrument de musique traditionnelle, l’équivalant au Bouzouki Grec.
                La veille du départ, nous retrouvons un équipage Belge déjà rencontré à Mithimna, souviens-toi le chalutier rouillé !C’est aussi un constructeur amateur, autant dire de la famille !Une soirée agréable passera vite autour d’un verre de Raki, l’ouzo Turc. Pour eux, la croisière s’achève, leur voilier hiverne ici.
                L’étape suivante nous ramène en Grèce !!! à Mitili sur Levros à vingt milles au sud ouest. A mi-chemin, changement de pavillon de courtoisie.
                A peine entré dans l’immense port, au sifflet, un homme, uniforme blanc, galons dorés visage de lynx nous prie sans ménagement de venir au …pied !
                Curieux accueil
                En pareil cas, « le JACKY »,y comprend plus le moindre mot d’Anglais !
                Lui, il répète
                Nous, on s’amarre
                Lui, il répète
                « Le Jacky, pas acteur à l’académie, mais faire le parfait ignorant Français, ça y sait faire !
                Le hibou blanc abandonne et disparaît en m’indiquant le bureau du port pour les formalités.
                Mitilini, le dimanche, c’est ville morte sauf pour la circulation. Les égouts se répandent dans le port alors merci, 24 heures et on « se casse » !
                Le lendemain, un petit nordet nous ramène gentiment en Turquie à Dikili. Port de pêche encombré au possible. Nous saisissons une place qui n’en est pas une, un peu à « l’arrache » sous les étraves géantes de quatre monstrueux chalutiers à couple. Nous sommes le seul voilier présent hormis un équipage Suédois sympa mais parlant l’Anglais moins bien que nous ! Si si c’est possible !!!
                La petite ville est vivante et agréable, le marché hebdomadaire est fabuleux. Ça crie, ça hurle, ça commerce, des couleurs, des épices, c’est indescriptible !
                Absence de météo, nous quittons Dikili vent portant. Passé le premier cap, celui-ci se renforce sérieux, la mer est blanche, la houle impose le respect. Un bon mouillage est signalé à huit milles. Vite fait, Kyf file se planquer à l’anse de Bademli. Effectivement, l’abri est total sur tout l’horizon. Un voilier est présent dans l’entrée de la baie. Nous souhaitons une meilleure place tout au fond en arrière de cette langue de terre pierreuse qui referme l’extrémité de la baie. A plusieurs reprises, le sondeur affiche un mètre quatre vingt, voir un mètre soixante dix c’est limite mais ça passera. Après ce passage délicat, nous retrouvons un peu de fond, nous sondons de droite de gauche et mouillons derrière l’avancée pierreuse. Cinquante mètres de chaîne, deux ancres empennelées*, le bateau est en sécurité, l’équipage sera serein. Une fois encore, c’est la condition impérative pour profiter de la quiétude du lieu sans arrière pensée aucune, de nuit pour dormir, de jour pour s’enfoncer dans la campagne environnante.
                Trois minutes de Zodiac et à pied nous nous dirigeons vers un hameau indiqué à 1,5 Km de là.
                Un autre monde nous enveloppe, un soupçon de quelque chose de mystérieux flotte dans l’air presque oppressant. La campagne profonde, sentiment d’inconnu pour nous autres joueurs d’aventure. Ici, pas de touristes, c’est la vie rude de chaque jour. Le silence ajoute son intrigue. A l’ombre d’une treille efflanquée, deux femmes sans âge murmurent doucement.
__Merhaba !   (bonjour en Turc)
__Merhaba, sourire complaisant et étonnement.
Un enfant courre en riant vêtu de propre. Le village n’est pas désert, au centre, un petit café, chaises en bois, rassemble les hommes qui discutent interminablement. Une petite échoppe, il nous faudrait bien quelques tomates, l’homme est très heureux de servir ces deux occidentaux égarés ici. Une très vieille femme ridée et édentée assise à la Sioux entre les sacs de légumes secs tapote gentiment la jambe de Françoise ; des sourires sincères s’échangent.
                Nous poursuivons notre balade dans chaque ruelle qui s’offre à notre regard. Au détour de l’une d’elle, une femme nous appelle.
__???   Que nous veut-elle ?   Pourquoi nous ?
Nous la suivons, elle nous présente sa famille et ses petits chatons qui viennent de naître. C’est un événement qu’elle veut nous faire partager et nous lui proposons de les prendre tous en photo. C’est un grand bonheur pour eux, ils nous montreront leur modeste album de famille aux quelques photos jaunies. Une femme plus jeune nous explique tant bien que mal qu’ils aimeraient recevoir la photo et nous inscrit leur adresse sur un morceau de papier. Nous ne manquerons pas de donner suite.
                Plus tard, à la sortie du village, nous croisons plusieurs couples qui rentrent à pied des travaux agricoles. Tenues de travail traditionnelles, pantalons bouffants pour hommes et femmes. C’est vrai, nous sommes en Asie Mineure.
                Précisons que ce peuple courageux et accueillant trouve ces racines en Asie centrale, Mongolie, ex-URSS du sud-est, Ouzbékistan, Turkestan, et autre. S’ils sont Musulmans, ce ne sont pas des Arabes, ils l’affirment. Leur culture est autre.
Toi, que nous avons choisi et que tu honore en lisant ces pages, là-bas, loin en métropole, essaye d’observer une différence si tu peux au pied de chez toi et dis-nous…
…un jour…
   Cela dit, en 2000,le peuple Tunisien, Arabe s’il en est nous a fort bien reçu et impressionné.
                Je pense simplement que ces pauvres immigrés venus chercher une vie meilleure chez nous sont malheureusement moins heureux que bon nombre de leurs compatriotes restés au pays. Les uns vivent de rêves, les autres vivent leur cauchemar.
                Sur le chemin du retour, un figuier nous offrira de beaux fruits murs.
                En fin d’après midi, Françoise me fait remarquer à quelques encablure un caïque échoué en bordure de la langue de terre pierreuse. Erreur de navigation ? Etonnant pour un bateau local. Bientôt les hommes quittent le bord sur une barque et abandonnent l’embarcation…. Curieux !
                La soirée solitaire est agréable, la plénitude nocturne nous enveloppe délicatement. Un moment, nous méditons sous les étoiles. La limpidité de la Voie Lactée s’estompe doucement, Morphée nous appelle, quels beaux instants…
                Deux heures du mat’, bruit d’enfer d’un diesel hurlant à proximité immédiate !
                Nuit noire, nous voici sur le pont à observer ce petit chalut qui s’évertue à déséchouer
le caïque.
                Enfin en pleine eau, quelle bonne idée de venir nous l’ancrer sommairement à la volée à trente mètres à notre vent. Je m’installerai à dormir le reste de la nuit dans le cockpit, un œil mi-clos vers l’intrus.
                A huit heures, le propriétaire rapatrie l’engin vers un petit quai de bois.
                Pourquoi s’être acharné dessus à deux heures du matin ? Nous cherchons toujours la réponse.
                Météo doucette, petit vent portant, Kyf fait route au sud-sud-ouest vers Foça qui se profile à l’horizon. Nous sommes amarrés entre deux jolis caïques traditionnels. Une petite inquiétude nous chiffonne. Des risques de perte de notre mouillage arrière existent. De nombreuses très vieilles chaînes de corps-morts anciens encombrent les fonds du port paraît-il. La profondeur est rapidement de dix-quinze mètres ce qui rend improbable la récupération de l’ancre en cas de coincement.
                Affaire à suivre…
                Après le souper, au crépuscule, occupés à contempler la course des étoiles, nos voisins d’un jour nous adressent la parole en Français en nous offrant quelques fruits rafraîchis. Ils nous invitent à prendre le thé. La soirée est agréable, la conversation est intéressante et nous permet de percevoir un tout petit peu ce peuple inconnu et si accueillant.
                Foça est sympa et nous retiendra plusieurs jours.
                Un matin, des conversations en Français fusent du quai. Un groupe de touristes franciliens, de couleurs assorties embarque dans un caïque voisin pour une balade en mer. L’après midi, de retour, ils débarqueront devant nous ignorant royalement la présence de ce petit voilier battant pavillon tricolore. Ils sont heureux sans nous, tant mieux pour eux !
                Une opportunité nous fera acquérir un jeu d’amarres neuves à prix canon !
                Plusieurs balades en quête de plage sympa nous décevrons par leur médiocrité. Pourquoi s’emm… à aller si loin, nous avons mieux à la maison !!!
                Bougeotte ou curiosité de ce qui se cache derrière l’horizon ? Toujours est-il que nous revoici en mer, direction Oinissos. Très petite île Grecque peu éloignée. Temps de demoiselle jusqu'à mi-repas. Fromage et dessert seront mis en quarantaine pour raison d’anémomètre nerveux. Quinze nœuds, vingt, vingt cinq dans l’instant et davantage encore au moment de doubler le dernier cap et trouver l’abri précaire de la côte sous le vent. Afin de couvrir les trois derniers milles, vent debout, c’est deux mille cinq cent tours de diesel qu’il faut lâcher dans l’arène.
                Au petit port, nous serons le seul voilier de passage. Visite du village, quelques emplettes à la petite épicerie du coin. La soirée s’annonce paisible et la nuit douce. Sauf que, la seule taverne installée sur la petite falaise en arrière du port nous servira sa musique, locale et plaisante, certes, mais quelques brassées de décibels en moins nous auraient été agréables notamment en milieu de nuit.
                Le lieu était séduisant pour une escale tranquille de plusieurs jours, un décor de roches et de mer peu fréquentée, un abri de qualité, un environnement très propre, tout était rassemblé pour jouir de la plénitude de l’endroit. Or au matin, la météo prévoit un renforcement notoire des vents de secteur nord ( en clair, un coup de Meltelm ). Au briefing, la nuisance musicale de la nuit nous motive à décider de rejoindre l’île de Kios. En cas de coup de vent prolongé, cette île Grecque nous offrira des occupations plus intéressantes peut-être sans déferlement musical abusif.
                Toutes ailes déployées, Kyf traverse à six nœuds de moyenne.
                Le guide nautique indique « marina ». Sans illusion, nous pénétrons dans un port de plaisance financé comme de nombreux autres par la C.E.E.et inachevé, quasiment en ruine.
De vieux chalutiers en réfection et diverses petites embarcations de tout poil sont amarrées là pêle-mêle. Avec brio, Kyf se glisse entre les diverses obstructions dans une place d’angle devant le seul voilier présent.
                Nous ne disposerons que d’un quai de mauvais béton bordé de terrains vagues. L’eau est au port voisin chez les pêcheurs locaux. Electricité et sanitaires, ne pas y songer.
                Bien nous en pris car nous resterons scotché ici huit jours durant.
                Passé quarante huit heures ce relent d’immobilisme nous pousse à louer une voiture et visiter l’intérieur des terres
                Le Routard indiquait entre autre plusieurs villages assez curieux. Pirgi avec ces façades couvertes de motifs géométriques noirs et blancs. Mesta village fortifié constitué d’un dédale invraisemblable de ruelles en galeries et autres souterrains sans issues qui à l’époque avait deux objectifs : désorienter et bloquer les pirates envahisseurs mais aussi cette architecture avait un but antisismique très efficace pour l’époque.
                Une artiste locale nous reçoit avec beaucoup de gentillesse et nous conversons un moment. Sa passion pour la céramique la fait vivre chichement avec son compagnon le « Jésus » certainement un proche parent de celui que nous connaissons tous. Dans le salon à St Cyp’, son petit médaillon réalisé avec tant d’attention, emballé avec un soins extrême pour le voyage dit-elle nous rappellera jour après jour le souvenir de ces personnages simples et sans prétentions qu’il nous arrive de rencontrer en ces lieux retirés du monde.
                Le lendemain, notre Hyundai escalade poussivement les montagnes de l’île pour accéder à ces deux villages isolés quasi abandonnés :Anavatos et Vonisos.
                L’un est en partie restauré. Nous soupçonnons néanmoins un petit coté lucratif. Plusieurs locations saisonnières sont proposées. Vraiment dépaysant pour des gens à la recherche de calme absolu et d’authenticité.
A savoir tout de même : environs dix-huit habitants et demi, pas de plage, pas de mer, pas de commerces, cent pour cent maquis, quarante et un degrés à l’ombre, faut aimer…
                Le second village, même type, véritable nid d’aigle bâti à même la roche stérile à été vraiment déserté, ne subsiste que ruines et tas de cailloux difformes parmi les figuiers et quelques rares épineux. Sensation étrange que cette vie soudain arrêtée. Inconsciemment, on s’attend à surprendre au fond d’une grange encore debout un signe de vie voire une forme de fantôme. Voire même, sous un amas de charpente effondrée le squelette du dernier. Eh oui, qui l’aurait enterré ce dernier ?
                Peut-être le premier touriste…
Au sommet, la C.E.E. finance une remise en état partielle de quelques maisons éparses dans le style de l’époque. Les Grecs rénovent deux chapelles. Il serait d’ailleurs intéressant de connaître le budget du clergé Grec. En effet, depuis trois ans, nous n’avons pas observé à aucune des milliers de chapelles existantes le moindre signe de négligence d’entretien.
                Sur le retour, au petit port de Vonisos, nous sommes invités pour le thé à bord d’un voilier de « vagabonds » Anglais à l’allure désuète. L’équipage, Janet et Mike, sexagénaires alertes bourlinguent ainsi depuis quatre ou cinq années. En 2003, de passage à Lefkas ils ont acquit une maison afin d’y passer les hivers et la louer en été. L’Angleterre les retrouve quelques semaines par an pour la famille. Equipé d’un récepteur météo à cinq jours, ils nous confirment l’absence d’accalmie jusqu’en fin de semaine.
                Plus tard, par SMS Michel et Jo du Nepenthés confirment.
                Au fil des jours, Kyf s’est couvert de poussière comme jamais. Ce sont les effets de la formule :Terrain vague + Meltelm – Eau = Poussière partout !!!
                Dimanche matin, vent portant, nous embouquons le mouillage choisi. Nous en ressortons illico : Envahi de fermes marines, eau trouble assurée. Quelques milles à l’Est, la baie de Medpere nous étale son eau turquoise. Un peu ouverte par l’0uest mais, une crique au Nord, une crique au Sud, cela peu paré à un éventuel changement de vent.
                La crique Nord laisse entrevoir plusieurs maisonnettes élégantes en arrière d’une palmeraie et de jardins verdoyants. Sur la plage, des enfants s’ébrouent, deux préaux sont présents. A droite, quelle est cette sorte d’enclos opaque pris sur la plage et l’eau de jade ? un sentier y mène depuis la palmeraie, quelques douces notes venues d’Orient s’en échappent.
__ ???
    Zodiac à flot, nous sommes en suspension sur une eau cristalline d’une transparence rare. De l’Evian !!! Nous débarquons. C’est l’heure de la prière, fallait bien ça ! Sous un des préaux, des hommes agenouillés sur leurs tapis vraisemblablement orientés vers la Mecque chantent et prient avec solennité. Discrètement, nous nous éloignons un peu. L’un d’eux vient vers nous avec les gosses agités tout autour. Tout en nous souhaitant « Welcome » il nous invite très courtoisement à ne pas nous approcher du fameux enclos occulte et nous souhaite bonne baignade.
                __ Merci tank you very much…
Seul occidentaux hormis deux autres voiliers, où sommes-nous donc encore ? Un sensation de curiosité, une pointe de mystère aussi nous entoure. L’observation furtive de l’enclot révèle qu’il s’agit d’un lieu de bain réservé aux femmes musulmanes pratiquantes. Les aller et venues sur le sentier de femmes entièrement voilées nous confirme semble-t-il qu’il s’agit en fait d’une sorte de mini village de vacances pour musulmans aisés mais assez fondamentalistes.
                Au retour, il fut jugé bon de vérifier avec palmes et tuba l’enfouissement de l’ancre.
                3,60 m de profondeur.
                Piètre plongeur mais là, 3,60m aucun souci. Je m’applique, me cabre, me laisse descendre en verticale sans efforts ; je repositionne au mieux l’ancre, le temps passe, demi-tour et détente pour un retour en surface. A cet instant, je ressens une douleur vive dans l’oreille suivie d’une sensation d’inondation dans ma tête. Je pédale ardemment vers la surface et émerge comme une fusée. Masque et tuba sont éjectés et c’est la toupie absolue…
…Où est la mer ?
…Où est le ciel ?
Plus rien n’est à sa place, J’entrevois Kyf qui vole sur 360°, le cata voisin joue les papillons, c’est le délire total, je n’ai plus de repaires…
…Oreille inondée ? Le tympan ???
…Kyf dans le ciel ??? Des éclaboussures partout…
…Où est le haut, où est le bas ?
…Si cela dure ainsi, je ne m’en sortirai pas tout seul…
…Perdre connaissance ? Et si dans ce délire de folie, je perds connaissance ? Tout cet environnement qui tourbillonne…
__AU SECOURS !!!
Je hurle
__AU SECOURS !!!
Tant que je peux, je hurle encore, je gueule comme un malade, il me faut me faire remarquer à tout prix …
__AU SECOURS !!!
L’espace d’un quart de seconde, il me semble repairer la direction de Kyf…
…Et ça tourbillonne…
__AU SECOURS !!!
   …Là bas…le cata…un bruit de hors-bord…
…Là bas, j’en suis sûr…Kyf… c’est par-là…
__AU SECOURS !!!
…Des mouvements désordonnés…Kyf, c’est par-là…et ça tourne…attention de pas boire la tasse ! La tête…la tête toujours bien hors de l’eau…
Et ça tourne toujours entre ciel et terre…quelques facultés…si…si…,il me reste quelques facultés…
…Hurler encore du temps que je peux…
…Quelques mouvements de palmes par la bas… je suis sûr que Kyf est un peu moins loin…
…Une demi seconde de repaires troubles mais c’est fabuleux…si j’arrivais au moins à la chaîne de mouillage…
Je hurle encore, je peux le faire…
__AU SECOURS !!!
Oui, j’ai très bien vu là à coté de Kyf Françoise dans le Zodiac
JE NE SUIS PLUS SEUL !!!!!!!!!!!!!
A gauche…oui … j’ai bien vu aussi à gauche, cet autre Zodiac qui arrive à la rescousse.
…Un peu moins…ça tourne encore… mais un peu moins
Allez, encore deux brasses…encore une, bon Dieux LA CHAÎNE, ça y est je tiens la chaîne, j’en écrase les maillons !mais là, j’en suis persuadé, ça va aller…
Ma petite équipière est paniquée, le voisin, en Zodiac est là aussi. J’étreins la chaîne, une à une, chaque chose reprend sa place, le ciel en haut, la mer en bas, Kyf posé dessus et ma petite princesse à mes cotés.
…QUE C’EST BEAU DE LE VIVRE … !         
 Un effort, je me hisse dans l’annexe puis me voici dans le cockpit, nous discutons un moment avec notre ami de l’instant, je m’étends, un peu gazé !
                Que s’est-il passé réellement ? Pas vraiment d’appétit, chose rare, un petit potage et voilà…
…Les esprits reviennent doucement.
…La vie ?
…C’est beau…
…C’est très beau…
…Les enquiquinements ???
Balivernes…
…A propos…
Mon appareil dentaire du moins ce qu’il en reste est au fond de la baie !!! Mes hurlements sauvages l’ont invité à s’éjecter ce c… !
Certes il est un peu en ruine, mais il a le mérite d’exister. La soirée passe en élaboration de plans divers…
…Le récupérer, dur, dur.
Il paraît que les dentistes Turc sont excellents…
…Oui…bien sur…
…Surtout pour les autres !
                S’il le faut, les repas seront moulinés menu menu, semoules, purées etc…
                La nuit ne sera qu’une succession d’assoupissement, œil clair et idées troubles. C’est sur, ça cogite…ça cogite…
Le mieux serait de le récupérer…
D’abord le repairer…
Six heure du matin, l’eau est super calme et limpide, fond de sable, la surface non ridée, en Zodiac, nous tentons le coup, dérivant de droite, de gauche, tout autour de l’ancre pendant de longues minutes sans succès prêt à rentrer,… LA…il est LA… posé sur le fond quatre mètres sous la surface. Instamment, il est signalé par un poids immergé raccordé à un flotteur. Dorénavant, nous avons nous avons tout loisir à élaboré un plan de récupération. Il est repairé et signalé.
                Replonger ? Peut-être pas !
                Rentré à bord, tout excité, je fouille dans une ancienne boite de pêche de Sébastien et récupère un hameçon trident de bonne taille, quelques mètres de fil, un plomb et me revoici dans l’annexe sur les lieux. Après plusieurs tentatives malheureuses, j’étais parvenu à le redresser. Il s’en trouvait moins visible mais put-être plus apte à se faire épingler. Le soleil s’élevait, il brillait parfois, là juste sous moi.
Je crois qu’il monte… ?… !…
Tout doux…tout doux…
Oui il monte !
Centimètre après centimètre, sans la moindre secousse…le voici tout près…plus qu’un mètre…tout doux…vingt centimètres…on ne bouge plus, une main parfaitement immobile pour le fil, l’autre délicatement, juste sous la surface saisit l’appareil !
__JE L’AI … !!!
Adieux dentistes Turcs !
Adieux complexité de la langue
Adieux envolée d’euros et remboursement hypothétique.
                Rien qu’à l’idée de bientôt déguster à nouveau la cuisine du bord dans sa diversité et sa noblesse, je jubile et exulte !
                Durant cette nuit blanche-grise, sentant le bateau tourner au gré du vent autour de son ancre, je redoutais que la chaîne ne ratisse consciencieusement le sable et enfouisse à jamais l’objet de notre émoi. Auquel cas, il se serait éternisé là plusieurs siècles jusqu’au jour où peut-être durant l’été 3021, un archéologue plus curieux que la moyenne l’aurait trouvé et certain de l’originalité de sa découverte, il l’exposerait dans une vitrine blindée à atmosphère contrôlée au National Archéologique Muséum d’Istanbul… !
…Pour les rêves de postérité, nous verrons plus tard
                Navigateurs en Mer Egée, chacun sait ( ils se reconnaîtront) que les accalmies sont brèves.
                A lever le mouillage et faire du sud. Navigation plaisante, ailes déployées, Kyf fend l’eau d’azur sans efforts, le vent est favorable. Sigaçik apparaît, quelques difficultés pour trouver l’entrée du port en arrière d’un îlot puis d’une avancée rocheuse. Accueil sympa, eau à volonté, une richesse après une semaine de terrain vague poussiéreux à KIOS suivi de deux jours de mouillage. Notre pont tirait sur le gris-sable ! Aspersion générale.
« Nous avons des douches » nous avait dit, une pointe d’orgueil dans son Français approximatif, le responsable du port.
Sans nous faire prier, nous nous dirigeons vers celles-ci. Effectivement, cette porte en PVC usagée donnait sur…
… des sanitaires…
…rustiques…
…si si carrelés !
Un sas d’entrée donne sur deux WC turcs…normal …et une douche sommaire. Seule la porte extérieure ferme ! Nous investissons les lieux, satisfait malgré tout de ces modestes équipements.
                La soirée sera douce, le restaurant « chez le Marseillais » sur le port nous comblera de cuisine Turque. Mezze*, poisson, vin blanc local, l’ensemble servi avec soin par un garçon fort avenant. Qualité qui manque tant parfois chez nous pour l’équivalant de quinze euros pour deux tout compris.
                Nous nous accordons une journée de repos, plage, farniente.
                Bien mal nous en prit…Sept jours de Meltelm, avis de « galwarning » (avis de coup de vent) sur le Navtex*
Put … de Meltelm ! Juillet août, nous savions, déjà l’an dernier, pour remonter de Santorin, très difficile. Ici, le village est agréable, le confort relatif, nous pouvons tenir le siége.
                Un matin, il est décidé de rejoindre à pied la jolie plage voisine, y passer la journée et rentrer cool en fin d’après midi. Sur place, un petit resto tenu par un Français bizarre nous convenait. Un homme, tout à fait anonyme, vêtu genre ouvrier du bâtiment rencontré la veille à un arrêt de bus nous reconnaît. Il parle Français et nous avait apprit qu’il était masseur !?
Masseur ? Tient !, il n’avait pas vraiment le physique de l’emploi. Le bus était passé, notre masseur avait embarqué. Toujours est-il que revoici notre homme qui nous salue respectueusement et raconte sa vie. S’adressant à Françoise :
                __Si tu veux, je peux te faire « massage le visage pour décontract’ pour toi Madame, c’est gratuit, c’est pour bienvenue ! »
                __Ah …bon !…ben…oui, pourquoi pas ?
                Et c’est parti, avec la lotion maison aux quatorze plantes récoltées dans la garrigue ! du relaxant 100% écolo !
                Nous lui offrons un thé et il poursuit le récit de sa vie passée en France à une certaine époque ou il était effectivement plutôt maçon que kiné !
                __T’as pas mal au bras toi Madame ?
                __Hein ? …ben…si…un peu justement à l’épaule.
                __Je vois bien tu sais, c’est mon métier !
                __Ah oui !
__Si tu veux, je peux « faire du bien pour toi, masser le dos, c’est bon pour toi »
Et voilà ma Françoise embarquée derrière les lauriers roses, sous le gros palmier dattier où notre « kiné turc » officie. Prudent, je suis la scène mais tout se passe bien et au final, il nous assure qu’une bouteille de sa potion magique pour quelques euros de plus serait très bénéfique. Et ainsi va la vie, il est content et notre bouteille croupit toujours dans la cale ! 
Le cinquième jour, nous élaborons une distraction. Après ce séjour prolongé à Kios, cet incident de plongée, ne serait-ce point salutaire ?
                En « dolmuç *»(mini-bus locaux) nous voici en route pour une escapade de deux jours à Izmir. Trois changements de bus hasardeux plus tard, nous sommes place Konac. Lieu très moderne en front de mer, un peu la façade BCBG d’Izmir. Station de métro en marbre, des hectares de gazon anglais, statues monumentales, boutiques contemporaines etc.… Après quelques pas, sur la gauche, l’entrée du « bazar », sorte de souk immense qui s’insinue dans une myriade de ruelles étroites. Nous sommes happés par cette foule colorée qui s’agite avec frénésie. Des échoppes par milliers, une véritable caverne d’Ali-Baba. 
                C’est dans les premiers mètres que tout à coup, qui, là, devant nous ?
                Notre masseur de l’avant veille !!!
                Cette fois il nous invite à le suivre pour nous montrer les endroits les plus intéressants du bazar. Au passage, nous découvrons ce magnifique caravansérail* restauré avec au centre la fraîcheur du marché aux fleurs. Dommage que les passages latéraux soient investis par ces colonies de bijouteries et autres marchands du temple. Notre homme avait du temps semble-t-il. Après avoir sillonné mille et une ruelles, il nous indique avec une certaine insistance un grossiste en souvenirs. Il nous accompagne à tous les étages, les greniers, etc…. Des objets de toutes natures s’étalent sous nos yeux ébahis, du plus modeste aux plus prestigieux à des prix vraiment très bas. Etant en visite, bus et hôtel, nous déclinons l’offre un peu à regret mais il est exclu de nous encombrer pour le retour.
                Il est clair que notre masseur, certains jours, joue les rabatteurs de touristes pour cet établissement.
                Un peu plus tard, déambulant au hasard des échoppes, à l’angle d’une placette, un grand stand abritait une sorte de cuisine ambulante ou des mitrons s’affairaient sans relâche.
Une activité intense était visible. Des milliers de beignets sortaient des friteuses géantes et une queue interminable et patiente s’étirait au loin. Comme nous nous interrogions sur l’événement, une jeune femme de bonne prestance nous invita à rentrer dans le rang en nous expliquant tant bien que mal que nous ayons chacun droit à notre barquette de beignets. Rapidement, la file progressant, a notre grand étonnement, nous sommes servis gracieusement au même titre que toutes les personnes présentes.
__Merci…merci…
__Merci beaucoup… tank you…tank you !
                Il est vrai, nous l’avions appris précédemment chez le tenancier du resto « le Marseillais », qui, entre parenthèse nous avait invité a l’apéro à leur domicile quelques jours avant qu’il existe une tradition en Turquie qui fait que lorsque dans une famille aisée, arrive un décès, la coutume veut que pendant une journée entière, soit offert à la population des beignets à volonté. C’est donc ainsi que notre route d’aujourd’hui nous à fait vivre cet événement assez exceptionnel. Il est certain que se plonger dans la vraie vie de tous les jours des peuples qui nous accueillent, c’est pour nous le summum de notre quête.
                Le retour à Sigasik, sachant que trois changements de bus étaient nécessaires, était un peu « pointu ». Mais en Turquie, il y a toujours quelqu’un pour t’aider ou te guider et tout se passa très bien.
                Toujours bloqué pour cause de Meltelm puissant, les jours s’égrainent. Un matin, par SMS, nous apprenons la naissance un peu en avance d’un petit Julien chez les enfants de l’équipage du voilier Accalmie Jean Claude et Hélène (le régleur de tic-tac! de Cabestany situé a cinq kilomètres de St Cyprien ). Ceux-ci sont également bloqués sur une île Grecque à une centaine de milles d’ici. Julien était sensé attendre fin août et laisser Accalmie joindre la Turquie. Julien est un petit homme pressé ! 
                Un soir, las d’attendre une accalmie, l’équipage d’un vieux gréement nous aborde pour avoir des précisions météo sur les prochains jours. Une jeune fille du bord doit rejoindre l’aéroport de Samos, en face de Kusadasi afin d’embarquer dans 48 heures billet en poche ! Nous rentrions tout juste d’un cybercafé et avions consulté un site météo qui annonçait un apaisement imminent. D’un commun accord, nous prenons RDV pour le lendemain matin après le bulletin du Navtex.
                Effectivement, le matin, conciliabule sur le quai. J’y vais…j’y vais pas ? Le vent souffle encore fort. L’analyse permet de penser que la navigation risque d’être dure les deux ou trois premières heures pour se dégager de cette partie de côte exposée. Ensuite, passé ce grand cap qui courre jusqu’à l’horizon, nous serions sous le vent de la côte et à une allure plus arrivée. Il est décidé de tenté le coup ensemble. Nos compagnons avaient besoin d’une présence semble t il. Cela peut se comprendre.
                Le Meltelm nous cueille de plein fouet dés la sortie du port. Les deux ris sont de rigueur dans la grand’voile, le troisième est prêt au cas où… Le génois à peine déroulé et à l’intérieur, tout est calé et assuré depuis le départ, cuisine, table à carte, etc… C’est assez sport mais Kyf laboure bien la mer de ses sept tonnes, l’eau jaillit de partout mais nous nous sentons en sécurité le bateau est bien appuyé et les milles défilent un à un. Quelques baies secondaires nous permettent en navigant prés de terre de trouver une mer moins formée. Petit à petit, le cap grossi…et la mer avec ! Mais dès franchi, les éléments s’apaisent et nous pouvons faire route directe sur Kusadasi où il est prévu d’hiverner. Les conditions nous permettent même de savourer une salade composée laitue/avocat/jambon fumé/noix suivie d’un friand passé au four, fromage, son demi-verre de vin Français (le dernier avant longtemps !) salade de fruits. Royal au vu des conditions du départ !
                Kusadasi nous accueille en fin d’après-midi. La marina moderne nous fait bonne impression et nous entamons les démarches pour l’hivernage. Les conditions nous conviennent, le contrat est signé. Dés lors, les travaux habituels d’entretien alternent avec la visite de cette ville moderne mais agréable. Insidieusement, nous nous laissons séduire par l’intérêt du change et voici pour ce soir des langoustines chinées sur le port, pour la princesse du bord, quelque collier et bracelet en or et nous avons aussi pour mission secrète d’importer illégalement un sac à main L.V. (L’intéressée se reconnaîtra !) Cette affaire nous fera découvrir en parallèle des nombreux étals de contrefaçons les arrières boutiques discrètes et les entrepôts dans les rues détournées. Il est ahurissant de voir le vendeur sortir d’un vieux tiroir le catalogue complet de L.V. photocopié sur quatre cent pages et trouver dans l’instant la référence de l’article souhaité. Aussi ahurissant de constater la présence sur des étagères jusqu’au plafond de milliers d’articles de la marque. Il va sans dire que la négociation du prix est longue, même très longue afin d’obtenir le tarif souhaité. Pour un ordre d’idée, départ :180 euros soixante minutes après, 50 euros, encore trente minutes plus tard, 30 euros et l’affaire est dans le sac !
                Bien cool, les jours passent travaillotant le matin, sieste ombragée l’après midi, jusqu’au matin ou la mise a terre à lieu. Kyf est levé un employé s’occupe du nettoyage et, me retournant un bref instant, là, déjà dans la darse de levage, Accalmie de nos amis ( papy et mamy de Julien !) arrivant quasi directement de leur île Grecque afin d’hiverner aux cotés de Kyf. Chaleureuses retrouvailles.
                Ce n’est qu’un début…
                Dans l’après midi, voici Népenthés de Jo et Michel arrivant de je ne sais plus très bien d’où ; eux sont simplement en escale quelques temps et poursuivent leur croisière en Mer Egée
                Deux jours plus tard, c’est Jean et Marose, voyageurs en camping-car de Perpignan qui nous rejoignent.
                Inutile de préciser les soirées joyeuses, les histoires de chacun, les ballades dans le bazar de Kusa. De plus que notre ami Jean, fréquentant la Turquie depuis de nombreuses années s’est passionné pour ce pays au point d’en apprendre le Turc !
                Kyf est en ordre, moteur diesel et hors bord rincés, circuits électriques et appareils électroniques protégés, Zodiac nettoyé et plié, l’heure est aux bagages. Il nous faut rejoindre notre camping car resté au chantier Grec d’Halkousti au nord d’Athènes. Pas facile-facile. Grecs et Turcs n’ont jamais fait très bon ménage. Les rancœurs sont atténuées mais encore vives au point qu’il n’y a encore quasiment pas de liaisons directes entre les côtes turques et Athènes. Il nous faut donc rejoindre Samos, île Grecque juste en face de Kusadasi pour trouver ensuite un ferry pour Athènes.
Samedi 31 juillet
                A l’agence qui nous a délivré les billets, il est convenu qu’un mini-bus viendra nous chercher au port. Sympa sauf qu ’à 7h 30…personne ! Jean Claude prend l’initiative heureuse de héler un taxi de passage, nous voici à l’embarquement, bureau des douanes.
                __Passeports please…
                …Rien à déclarer ?
                __Non…non
                C’est juste avant la porte de sortie qu’ une douanière plus vicieuse que les autres s’adresse à moi en anglais-turc et qui semblait dire ceci :
                __Eh… vous là, le grand Français aux cheveux de sculpteur venez donc ici !
__Qui…moi ?
Et voilà ma douanière particulière qui s’acharne sur mes bagages.
 Sans importance si ce n’est que le fameux sac L.V. y est planqué discret. Ceci pensant l’expédier de Grèce, donc d’Europe afin d’éviter un contrôle postal. Il était hors de question de le rapatrier nous même. Il faut savoir qu’au cours de notre périple, nous avons franchi dix neuf postes frontières ! En pareil cas, les contre-façons, pas vraiment indiquées !
…Et ma douanière qui fouille…
…Puis, lassée, me dit : OK !
On dit merci à la dame et on se casse !!!
                Comme prévu, débarquement à Samos, l’île Grecque. Maintenant il nous faut des billets pour Le Pirée à Athènes. En fait, l’affaire sera vite réglée un bateau est prévu vers seize heures. Le temps d’une petite bouf’ , nous sommes à bord et squattons vite fait un ensemble de fauteuils profond avant qu’il ne soit trop tard. Chacun prend ses marques, quinze heures de traversée sont prévues. Vers vingt heures, repas à la cafet’ puis chacun s’installe pour la nuit. Pas offusqué pour l’avoir déjà vécu à plusieurs reprises, Françoise se couche sur un sofa et moi sur l’épaisse moquette du sol, calé par nos sacs à dos et sac de couchage en guise d’oreiller douillet.
Vers minuit, aux environs de Mykonos, le navire roule un peu c’est dire la mer sous Meltelm…
Bientôt, Françoise va jouer les infirmières de garde ! Elle administre un « Oxyboldine »à une brave dame un peu embarbouillée. Ensuite, la nuit se passera bien, nous découvrons la côte du cap Sounion et la baie du Pirée au levé du jour.
Sept heures, débarquement, chacun se sépare. Un taxi sympa nous propulse à Halkouski pour quelques euros. Notre camping-car nous attend gentiment sous un voile de poussière opaque.
                Rapidement, quelques premières courses urgentes, une petite étape, une plagette, l’ombre d’un olivier et une grosse sieste ! La nuit a été légère…
                Trois jours de route environs sont prévus pour rejoindre notre Kyf. Contourner le nord de la Grèce, franchir les Dardanelles en Ferry-boat traverser un territoire Turc accidenté et très agricole à l’écart des grands axes qui nous surprendra passablement.
                A ce titre, pour l’escale du deuxième jour, il nous vient l’idée de souhaiter un camping. La chaleur écrasante invite à « douche à volonté ». Par une route secondaire bientôt réduite à une piste poussiéreuse et terreuse en tôle ondulée sur des kilomètres qui met à rude épreuve direction et suspension. Un camping car n’est pas vraiment un 4x4 et la vitesse de pointe ne dépasse pas le trente à l’heure. Nous slalomons entre les oliviers en évitant les plus grosses des branches basses. Il est difficile de croiser les quelques camionnettes qui témoignent qu’il doit y avoir quelque chose au bout. Un peu hésitant tout de même, nous demandons notre route à trois femmes assises sur le bas coté.
__Si si c’est bien par-là ! nous assurent-elles.
…C’est pas possible…
Pas certain de s’être bien compris, nous étalons la carte.
Elles nous assurent que c’est bien par cette piste rudimentaire qu’il nous faut aller…
Tôle ondulée poussiéreuse à perte de vue puis à un croisement au milieu de nulle part, des résidus de macadam apparaissent et les conditions s’améliorent peu à peu. Une station service archaïque mais pas le choix nous délivre un plein. Je fais remarquer au patron que le prix à la pompe est supérieur au prix affiché. Sans complexe avec deux doigts d’ironie il m’explique que l’inflation est telle qu’avec la hausse actuelle du « baril », il déclare ne pas avoir le temps de mettre à jour son panonceau !…Ah bon !!!
                Plus tard, la route musarde le long des falaises sous les pins parasol. Un pseudo-camping nous est proposé pour sept millions la nuit !Traduisons trois euros et demi !Le coin paraît sympa. Une pente caillouteuse abrupte nous mène sur la plage. « C’est là » nous dit le patron.
__Ah bon !
Pied dans l’eau, seul client, entre trois arbres voilà pour le décor. C’est pas mal.
Les douches ?
Ah ben oui ! c’est sur la plage, un vieux tuyau mural sans pomme…
 L’électricité était incluse dans le prix. Une multiprise était à disposition ficelée à une branche haute d’un grand pin. Assez surprenant pour des occidentaux mais satisfaisant.
 A nos cotés, quatre musiciens répètent doucement des mélodies locales.
Un banc usé, une vieille table en bois, une jeune femme voilée détourne le regard, elle s’occupe de son bébé.
Timidité ?
Culture musulmane ?
Un sourire, Françoise, avec précaution rompt la glace. Une jeune fille et son frère s’enquirent de notre origine dans un anglais hésitant. Une bribe de dialogue aimable s'établit.
C’est un instant de vie pas ordinaire, la douceur est dans le temps…  
Ils nous salueront tous respectueusement à leur départ.
Quasiment seuls hormis une petite tente éloignée, la soirée passe, voluptueuse et douce puis Morphée nous enlace.
                Le départ est un peu « hard », le sable et la pierraille se dérobe dans la pente. A la quatrième tentative, coté chauffeur dans les broussailles, nous voici au sommet de cette piste et reprenons notre allure de croisière.
                Nous traversons quantité de cultures maraîchères notamment de nombreuses plantations de tomates irriguées et cultivées artisanalement en pleins champs. De temps à autre, un camion antédiluvien conduit son harem de femmes voilées dans la benne pour la récolte. Des signes de sympathie s’échangent.
                De pistes poussiéreuses en routes de campagne défoncées, après moult hésitations aux intersections sans panneaux avec pour repaire l’orientation du soleil, nous atteignons enfin Kusadasi, le port d’hivernage de Kyf afin de reprendre du matériel laissé à bord en instance vu qu’au retour en ferry, seul un sac a dos chacun était de mise.
                Kyf est fermé, tout est encore vérifié, les courses sont assurées pour les jours avenir et c’est reparti pour Ephèse, magnifique site antique proche, puis Pamukkale, curiosité géologique rare avant de s’enfoncer en Anatolie centrale vers l’est en direction de la Cappadoce cette région unique tant vantée par les globe-trotteurs de tout poil.
                Pas passionnés particulièrement par l’archéologie (seulement par méconnaissance hélas…), nous nous attardons néanmoins avec beaucoup d’intérêt a Ephèse, cité qui rayonna depuis le 10éme siècle av. JC. Jusqu’au 1er siècle de notre ère époque où un certain Paul débarqua là pour y prêcher suivi d’un nommé Jean qui rédigea en ces lieux son évangile en compagnie d’une Vierge, aujourd’hui sainte que nous connaissons tous. Avant cette période, troisième port du monde antique après Rome et Alexandrie, le rayonnement de cette ville qui a compté près de 250 000 âmes était lié aux noms de la déesse Artémis et plus tard du roi Crésus. Les Perses l’occupent quelques siècles puis l’Empire Romain d’Asie Mineure lui assure prestige et richesses somptueuses.
Un emplacement bien plat, à l’écart du parking des bus, sous le soleil brûlant, quelques graminées dorées, un vieux figuier éclopé diffuse son ombre sans compter, le store est déroulé et la table est dressée. Je fais quelques pas vers les hauteurs, de mon pied, je déplace la pierraille et soudain apparaît quantité d’éclats et débris d’amphores en terre cuite abandonnés là au beau milieu de ce champ brûlé.
Déchets de la grande Ephèse ?
Quels hommes ont-ils utilisé ces poteries ? A quelle époque ?         
Je prélève quelques spécimens qui au retour préserveront pour nous le souvenir de cette route impériale.
                Il nous faut progresser vers le nord-est, la route est convenable malgré notre choix de préconiser les voies secondaires où nous découvrons la véritable profondeur des territoires traversés. Ainsi, nous observons pêle-mêle : le séchage des excréments d’animaux pour le chauffage, des kilomètres de chapelets de piments ou aubergines séchant aussi au soleil, les champs de coton à l’irrigation soignée, furtivement, Françoise aperçoit un chameau de trait dans une ferme. Un peu plus tard, sur des centaines de kilomètres, des vendeurs de figues alignés à perte de vue attendent imperturbables les éventuels clients.
                Fin de journée, à l’approche de Pamukkale un homme nous hèle. A l’arrière de son petit resto il nous propose son camping le prix est modique, à nouveau, nous sommes les seuls clients. Un plongeon dans la modeste piscine me ragaillardit après ces plusieurs jours de route. Le lendemain, nous découvrons ce site de Pamukkale unique au monde.
Au milieu des collines arides apparaît une étrange falaise blanche comme la neige. En s’approchant, on distingue une myriade de vasques scintillant d’une eau bleu-pâle peu profonde qui s’étagent comme un escalier géant sur la paroi rocheuse. En effet, les eaux de Pamukkale sont chaudes et saturées de sels minéraux. Issues des entrailles de la terre, elles jaillissent sur le plateau en une multitude de sources fumantes qui, en s’évaporant, déposent quantité de carbonate de sodium sur le flan de la montagne où il se pétrifie. C’est ainsi que s’est formé cet extraordinaire site d’une blancheur surnaturelle. Après avoir fait détruire nombre d’hôtels aux nombreuses piscines qui détournaient les eaux chaudes qui préjudiciaient à la pérennité du lieu, l’Unesco à classé l’endroit « patrimoine de l’Humanité ». La visite est très encadrée et s’effectue sans chaussures. La sensation de marcher sur un glacier vierge pieds nus par 35° est assez surprenante. La multitude de vasques turquoise sur cette blancheur immaculée restera dans nos mémoires. Nicolas Hulot est-il passé ici ? Ce lieu et vraiment digne d’un passage à Ushuaia.
                De retour au camping, une autochtone frêle et malingre s’approche et propose des broderies de sa fabrication. Elle déballe toute sa production sur le sol. Françoise se laisse séduire par deux coussins brodés de belle facture pour 5 000 000 soit 2,75 euros les deux !
                Bientôt, la route défile doucement durant plusieurs journées toujours cap à l’Est. Au début, nous observons une alternance de cultures céréalières puis fruitières dans les vallées pour finir par de la steppe sur les hauts plateaux. Un interminable lac salé asséché ajoute une touche d’irréel.
                Nous ferons escale à Haltéa pour une nuit sans histoires.
                Le lendemain, nous longeons le lac de Beysehir à l’eau turquoise / azur et limpide. Une étape gastronomique s’impose. Le « Routard » recommande les écrevisses du lac. Nous ne serons pas déçus. Beysehir est une charmante presqu’île et devant la modeste fréquentation nous décidons de dormir au bord de l’eau.
Nous serons réveillés vers quatre heures. Le vent s’est levé et le clapot se brise sur les rochers à quelques mètres.
Au village, nous faisons quelques achats au marché local, pas vraiment habitués à être servis par des femmes voilées de la sorte mais fort gracieuse malgré tout et avenantes. Le poissonnier présente ses carpes et autres perches, un gendarme nous explique qu’il est chargé de vérifier la fraîcheur…nous sommes septiques.
                Toujours de l’Est, il faut faire de l’Est. Peut-être encore prés de mille kilomètres vers les hauts plateaux d’Anatolie Centrale. Deux jours encore sur une route rectiligne à travers la steppe désertique entrecoupée de secteurs cultivés. Nous sommes étonnés par les installations d’arrosage et les nombreux puits anciens. Nous croisons d’impressionnants camions ancestraux décorés et chromés chargés à des hauteurs inimaginables.
 Pamukkale

Pamukkale

 
De-ci de-là, plusieurs caravansérails sont à l’abandons et tombent en ruines. Nous sommes sur la route de la soie que les caravanes de chameaux empruntaient, il y a bien longtemps de la Chine à Venise
               
Le lendemain soir, un de ces caravansérails bien conservé était signalé sur le guide à Sultanhani nous décidons de l’atteindre pour y faire escale. Tous ces villages isolés aux maisons rudimentaires bâties de pisé, aggloméra de terre et de paille hachée, des habitants qui nous semblent bien déshérités dégagent une sensation d’ignorance de notre part. Aucune hostilité, aucune agressivité, aucune insécurité ne transparaît. A posteriori, nous pouvons dire que nous ne connaissions pas encore suffisamment ce peuple. Toujours est-il qu’à Sultanhani, mon équipière comptait dur comme fer sur le camping indiqué dans le guide pour trouver un minimum de sécurité.
A l’entrée du village, une mobylette nous interpelle. 
__C’est mon frère, Msieur, là bas, tout droit, à deux cent mètres il tient le camping…Pour vous Msieur, il peut faire cinq euros la nuit ! Tout compris Msieur, l’eau, la douche, l’électricité Msieur !
__OK nous allons voir…
Un deuxième acolyte nous propose une offre à trois euros ! Néanmoins, nous décidons de visiter déjà le premier. Dans une propriété confortable, un homme aimable nous fait choisir notre emplacement. A nouveau nous sommes les seuls clients. Les installations sont acceptables et une bonne douche est bienvenue. L’homme nous propose un repas familial Turc… Pourquoi-pas ?
Ce sera : salade composée tomates, oignons, poivrons
                   Petite soupe aux lentilles
                   Petite écuelle spécialité maison. Tomates, piments, aubergines grillés
                   Généreux kebab en cocotte
                   Pastèque rafraîchie.
Total électricité et camping compris : 35 000 000 autant dire une misère !
Le soir, nous n’échappons pas au cérémonial de la présentation des tapis faits par la famille. Difficile de nous en sortir. L’homme insiste courtoisement mais insiste. Nous sommes au regret mais, déjà pas très tapis par nature, si nous acceptons toutes les offres qui nous sont faites, il nous faut prévoir l’ouverture d’un petit commerce à notre retour !
De ce fait l’homme perd un peu de son obligeance.
                Le matin, le soleil est bien dressé quand nous émergeons. Nous voici dans les rues sableuses du village, la vie de tous les jours ici est simplement…vraie. La steppe à l’infini favorise la production de laine ;et là sous un arbre, une femme sans âge, le visage rude, tanné creusé de rides caverneuses, un enfant d’une douzaine de printemps pour peu qu’il y ai du printemps dans sa vie lavent et relavent indéfiniment la précieuse laine; parfois vierge, parfois teintée dans de grands bacs au pied de la source. Plus loin, à l’arrière de vitrines délabrées, des hommes, des femmes, des enfants, fourmillent, assis en tailleurs devant leurs métiers à tisser.
Nous garderons longtemps l’image de cet atelier bas et sombre où dans l’espace du seul niveau du rez-de-chaussée, deux étages de métiers sont installés sur des échafaudages de palettes récupérées. Les ouvrières travaillent accroupies en dessous et en équilibre précaire au-dessus. Chacune disposant d’une hauteur libre d’un mètre vingt. Ce sont environs trente personnes qui s’entassent ici.
Rues suivantes, quelques maréchal ferrant, quelques bourreliers, sommes-nous à l’époque de Victor Hugo ?                              
 
Avant de quitter Sultanhani, nous pénétrons dans ce fameux caravansérail véritable oeuvre d’art fortifiée qui accueillait les marchands. A droite, la galerie où s’échangeait les marchandises, au fond, les écuries, à gauche, les chambres pour les hommes. La grande cour centrale est flanquée en son centre de la petite mosquée, n’oublions pas que nous sommes en terre musulmane. L’ensemble est fort bien préservé et donne une vision aussi précise que parfaite de l’usage et de l’intérêt de ces relais espacés d’une journée de marche environ sur cette route mythique.
                Encore une demi-étape avant d’atteindre bientôt la région de Cappadoce.
                Sans prévenir, du plateau d’altitude, nous voici en doux lacets pénétrant une première vallée verdoyante. D’abord, de modestes cônes curieux puis quelques villages aux ruelles pavées étroites reflétant un autre monde…une agriculture ancestrale… des tenues vestimentaires hors des contraintes des modes…Il nous faut bientôt nous garer, c’est la fin, la civilisation s’arrête ici. Encore cent mètres de piste supportable, un virage, l’ombre de deux oliviers solitaires, un petit espace aplani, nous déjeunerons ici.
 EN ANATOLIE CENTRALE
Pas de moteurs, pas de hordes de touristes pressés, pas de « marchands du temple ».Il y a quatre mille ans, c’était déjà ainsi, un canyon, une falaise de tuf creusée de troglodytes habités par un peuple rural et autarcique.
Un berger et son troupeau passent…
Après un repas paisible dans le silence du temps céleste, petite balade par la piste a la découverte de cette vallée étrange.
Un couple d’Anatolien sur leurs ânes chargés de hottes en osier gravi à pas lent le sentier muletier. Nous saluons avec respect, la femme enturbannée passe, l’homme sourit discrètement.
Je demande timidement :
Possible photo ?
Il accepte volontiers on devine même peut-être un peu de superbe dans son port.
Puis…à chacun sa route…
Dans le hameau agrippé à sa vallée, les gens vaquent à leurs occupations séculaires.
Lui, consciencieusement étale ses mottes de fumier au soleil à sécher pour être utilisé en combustible durant l’hivers.
Elle, à la fourche rentre la paille nouvelle dans le troglodyte.
Les bêtes aussi s’abritent dans ces troglodytes. Les clôtures des modestes arpents de terre sont réalisées en pierres sèches et curieusement couvertes d’épineux.
Quelques femmes répondent à notre salut, deux fillettes aussi. Le contact s’établit malgré la difficulté du dialogue. Les fillettes seront fières de nous montrer l’étable et leurs bêtes…leur richesse.
__Possible photo ?
Et c’est la joie pour tous !
La gamine la plus cultivée nous inscrit avec grand soins son adresse sur une page vierge du « Routard ». La photo leur parviendra vers Noël.
Dans la foulée, la petite nous propose de nous faire visiter son village. Elle a quelques rudiments d’Anglais et nous nous comprenons un peu. Une poignée de menue monnaie assortie de quelques bonbons, son visage s’illumine…
Uschisar, bourgade type de Cappadoce. Son immense piton rocheux visible à des kilomètres à la ronde. En fait, troué comme de l’emmental suisse. Le château comme disent les gens d’ici. Toujours ces multitudes de troglodytes organisés il y a des siècles. La grimpette vaut pour le point de vue au sommet, un panorama de 360° sur les vallées voisines érodées à merveille depuis des millénaires. En périphérie, ce ne sont que cônes géants de tuf creusé souvent coiffés d’un énorme chapeau de roche plus dure mais souvent en équilibre inquiétant révélant un habitat dense. Nous passerons une nuit inoubliable au pied de ce décor irréel. Deux gamines, bonne présentation, discrètes, nous rendent visite. Elles nous souhaitent le bonsoir après quelques bonbons et deux petits Gervais aux fruits !
Notre nuit sera interrompue par un bruit suspect sur la carrosserie…
__ ??!???
Minuit, clair de lune, décor martien, ombres géantes bizarres, me voici bâton en main dehors à inspecter prudemment dessus, dessous, alentour…
…Rien d’anormal.
Peut-être un chat ou autre animal curieux ?
On remonte la couette !
                Le matin les deux gamines nous expliquent que leur maman voudrait nous faire visiter leur curieuse maison.
                La maman enturbannée, d’abord timide nous reçoit aimablement et nous sommes surpris par le confort relatif des lieux. Une entrée, on se déchausse, la cuisine, la pièce à vivre, beaucoup de tapis de qualité au sol et aux murs. En arrière, une autre protubérance géologique creusée sert de remise. Quelques fleurs autour, un sentier entretenu...
                                                                                                                                                             …C’est leur vie.
Un peu plus tard, la route en bordure de falaise en haut du plateau côtoie la vallée et offre des kilomètres de panorama unique. L’Unesco s’est d’ailleurs porté garant de la protection de cette région.
Nous atteignons bientôt Görème, centre important de Cappadoce mais malheureusement trop touristique à notre goût. Point de chute des tours opérators, les bus se succèdent à une cadence effrénée, ce n’est pas notre idéal mais une petite fatigue, des dossiers d’affaires en retard, il est facile ici de trouver un camping correct pour une escale confort de deux-trois jours.
« Göréme-camping » nous accueille. Confort sommaire mais sanitaires relativement acceptables. Une grande piscine est installée mais en l’absence de circuit de filtrage, l’eau bleue est douteuse…Dans le doute abstiens-toi, dit l’adage !
Huit euros la nuit. Prix Turc pour standard Turc.
        Un site exceptionnel de cheminées de fées creusées de troglodytes à majorité religieux et à voir paraît-il. Effectivement, des centaines de chapelles où apparaissent encore de nombreuses fresques sont accessibles et, le site étant protégé, des commentaires sont à disposition en Français notamment et donnent de l’intérêt de l’endroit.
 Le soir nous rentrons à pied à travers un véritable labyrinthe de ces cheminées géantes. Le soleil du couchant, embrase ces cimes creusées et érodées tandis que leurs bases s’assoupissent dans le silence du crépuscule naissant. Ces images uniques sont à jamais dans notre souvenir.
 Sans paroles...

Sans paroles …

 
            Trois jours d’escale nous permettent une mise « à niveau ». Douches à volonté, lessive, ravitaillement, courrier, téléphone, Internet, carnet de voyage etc…Les occupations sont multiples.
                A plusieurs reprises, le fils aîné du camping vient nous proposer une expérience exceptionnelle, dit-il.
__Pour vous Msieur, Mdam, c’est meilleur souvenir voyage !!!
__Ah bon ! ???
__Jvous jur Msieur,Mdam !
Tant bien que mal, dans un mélange de Turc franco-anglais, il nous explique qu’il est possible de survoler la région en mongolfier !
__Ah !
Une expérience unique s’il en est. C’est vrai.
Le premier jour, nous réfléchissons.
Le deuxième jour, nous hésitons.
Le troisième jour, nous tergiversons.
Le quatrième jour, ni tenant plus, nous nous…enfuyons !
Le tarif, cent cinquante euros par personne pour une heure trente en ces lieux d’exception peu paraître élevé certes mais quel souvenir !!! Le budget voyage tant déjà à une forme d’obésité chronique menaçante. La raison l’emportera le temps de lever le camp avant de voir dans le ciel comme chaque matin la procession de ces drôles de machines et leurs fous volants défiler au-dessus de nos yeux envieux.
Plus tard, aujourd’hui, et demain encore nous regrettons de n’avoir pas succomber à la tentation.
                Par monts et par vaux, durant plusieurs jours, entre Nevsehir,Ürgup et Avanos, le camping-car sillonne chaque vallée aussi différentes les unes des autres et nous sommes déconcertés par tant de diversité au sein même de ces phénomènes géologiques fabuleux.
                Maintenant, il nous faut progresser un peu et laisser à l’éternité le soins de parfaire son ouvrage.
 On chahute...

On chahute… on chahute… !!!

 
                 Nous avions entendu parler d’une autre curiosité locale à proximité. Toujours plus à l’Est, à l’écart de la route principale, le village de Derinkuyu vivant en marge du temps, est atteint vers dix huit heures.
Pas triste Derinkuyu !
Terre battue, poussière. Poussière et terre battue !
A quatre reprises nous sillonnons les quelques rues carrossables à la recherche d’un terre-plein pour passer la nuit. Pas grand résultat. Un moment, trois vieilles femmes nous font des signes.
__ ???
Doucement, nous approchons. Elles nous indiquent un emplacement ombragé derrière l’école ou nous serions tranquilles. Les voici qui commencent à palabrer en Turc, puis, l’une d’elles nous apportent deux chaises en plastique pendant que l’autre revient avec deux agloos pour elles s’installer. La plus âgée connaît quelques mots d’allemand, une bribe de conversation naît.
Quelques bonbons aux enfants.
Quelques abricots aux femmes.
La coutume du lieu veut que durant l’hiver, les femmes fabriquent des poupées de chiffons. Nous n’échapperons pas à l’offre.
Pour satisfaire, il nous paraît équitable d’accepter une poupée de chacune d’elle, voire même une supplémentaire à une gentille petite gamine au sourire innocent. En marge du circuit commercial, le prix demandé est fort modeste, 1000 000 l’unité soit cinquante cinq centimes d’euros !
 Le plaisir est réciproque.
                Avant le souper, manière de s’imprégner du lieu, nous effectuons quelques pas dans les rues déshéritées du hameau.
Le temps ne s’écoule pas… ici…
… Il reste au présent… d’avant.
…D’avant le dernier siècle.
Nous traînons la savate dans ces ruelles poussiéreuses, les gens ne sont pas antipathiques et répondent spontanément a nos saluts. Une pauvre femme privée de l’usage de ses deux jambes se déplace avec peine en se traînant à même le sol poussiéreux. 
 Il est vingt heures, en Français, un homme nous interpelle
__Je vous offre le thé !
__Oh non ! non merci.
__C’est pour amitié française !!
Hum, ça sent l’arnaque !
Et nous voici dans son échoppe où il nous explique qu’en creusant sous sa bicoque il aurait découvert une multitude de pièces anciennes. Et le voilà qui nous ouvre son coffre fort archaïque rouillé et grinçant. Emballés dans des morceaux de vieux journaux, il nous présente des pièces d’or, d’argent, bronze ou cuivre etc…, des statuettes anciennes encore toutes terreuses
J’te dis, ça sent l’arnaque ! ou bien tout est faux ce qui est probable ou bien c’est authentique et toute antiquité sorti du territoire est passible de confiscation assortie d’une fort amande !
Au bout d’une heure et demi de refus, imperturbable, toujours avec le sourire, il nous soutirera 5 000 000 de LT (env.3 euros) pour une très vieille pièce grecque en argent dit-il…
J’attends notre ami J. Claude (l’artisan horloger) pour confirmer.
 Mais Françoise en avait besoin pour compléter une petite vitrine de miniatures dans le salon…  
Alors… !
Le problème de l’instant, c’est que son voisin s’était présenté et incrusté.
J’ai oublié par quel habile stratagème il nous embarqua, mais passé 21 heures, dans l’obscurité absolue, il nous conduit à son échoppe qu’il nous rouvre spécialement. Encore trente minutes de palabre et de refus aimable. Nous souhaitons rester courtois. Néanmoins, après d’âpres marchandages, nous repartons avec une petite lampe d’Aladin ancienne en bronze. Françoise en avait besoin pour cette petite étagère nacrée repérée à Izmir…
Alors… !
                Enfin, on nous lâche, petit plat mitonné et au lit.
                Les guides parlaient de villes souterraines… Qu’est ce que c’est de cette histoire ?
L’entrée est discrète à l’arrière d’une vieille demeure, un petit guichet, un ticket et de suite le tracé s'enfouit sous la surface du sol en pente raide. Des escaliers sommaires, des galeries de partout, à nouveau des escaliers, de souterrain en souterrain, nous progressons en surveillant de prés le modique fléchage. Encore des galeries donnant accès à de grandes salles obscures. L’éclairage est sommaire, Nous nous rendons compte que nous sommes descendus de plusieurs étages dans ce labyrinthe. On nous apprend bientôt que huit étages ont été dégagés jusqu'à quarante mètres sous terre. Beaucoup d’autres salles n’ont pas encore été déblayées, il y aurait en réalité treize étages. Nous sommes stupéfaits par l’ampleur de l’entreprise.
Ces lieux étaient prévus pour se prémunir contre les invasions des Perses ou Arabes. Les habitants s’organisaient alors dans ces sous-sols. Des étables étaient installées dans les premiers niveaux puis les réserves de fourrage et nourriture. Des souterrains menaient à des sources, des labyrinthes servaient à égarer l’ennemi, enfin des meules énormes en pierre pouvaient être roulées dans leurs logements afin de bloquer efficacement les entrées voire d’isoler les envahisseurs dans des culs de sac. De judicieuses cheminées d’aération étaient prévues. Il est important de noter que certaines de ces « villes souterraines pouvaient héberger jusqu’à dix milles âmes. 
Une œuvre architecturale exceptionnelle pour une époque située quatre millénaires en arrière.
 De retour à l’air libre, ça fait du bien ! Nous reprenons la route. Encore une journée à progresser toujours vers l’Est pour bientôt enfin ne plus nous éloigner de la maison. En effet, à y regarder de près, Kaboul ( Afghanistan), Karachi ( Pakistan )sont plus proches de nous que Saint-Cyprien c’est dire qu’il faut bientôt tourner les talons !
                Pourquoi Ovaçiftligi ? A Sultan-Pansion ?
Cette région est couverte d’étangs immenses et de marécages plus ou moins asséchés et c’est un paradis pour les oiseaux de passage. Friand de ces grands espaces, le soir, nous sommes accueillis par le patron de la petite auberge la Sultan-Pansion qui n’a rien d’un sultan d’ailleurs. Il nous propose l’ombre fraîche d’un grand arbre, une prise électrique et la douche dans une de ses chambres. Nous souhaitions un guide local pour découvrir la riche faune du lieu. Bien sûr la démarche est bienvenue et des liens se créent. Le soir, un repas généreux nous est servi dans la plus pure tradition Turque et notre guide prend rendez-vous pour le petit matin.
                C’est en 4x4 déglingué que nous embarquons avec sac à dos bouquins spécialisé et pellicules photos. Tout droit à travers le terrain il nous conduit directement aux lieux les plus intéressants. Des milliers d’oiseaux sont là à peine farouche le spectacle est grandiose. Nous observons entre autre des hérons pourpres, des spatules, des grandes et des petites aigrettes, de nombreux martin pêcheurs, des ibis noirs des cigognes noires parmi les centaines de cigognes communes et quelques pélicans plus discrets. Une bonne partie de la matinée nous sillonnons les marais asséchés puis notre homme nous glisse silencieusement à travers les roseaux denses en barque a la découverte d’autre espèces. De droite de gauche, au soleil sur les nénuphars géants ou enroulés aux branchages des serpents de belles tailles se laissent glisser à l’eau à notre approche.
__No problem . nous dit Armed
__Ah yes !   Dans ce cas…
Sur le retour, il nous conduit chez un berger. L’épouse fabrique là dehors son fromage, ses chèvres autour d’elle et nous invite gentiment à le goûter, puis l’homme nous fait entrer dans la modeste demeure en pisée pour offrir le thé. Nous sommes assis sur des tapis et la jeune fille au regard clair fait le service en baissant les yeux. Quel avenir ici, au milieu de nulle part pour la fille du berger ?
De retour chez le « sultan » des fruits rafraîchis nous sont servis.
Comme souvent, ces hameaux perdus réservent toujours des images rares pour qui sait fouiner un peu. Nous voilà donc à arpenter les rues terreuses du village. Le seul semblant d’échoppe ancestrale nous est ouverte par le pépé qui nous vend un pain emballé dans du journal et rend la monnaie avec des bonbons qui ferons la joie d’un petit gamin en ressortant. Dans un quartier a l’écart, une femme travaille des quantités de laine devant sa demeure puis au détour d’un vieux mur une autre fabrique là derrière chez elle son pain. En fait c’est une sorte de galette qui cuit sur une simple tôle posée sur quelques mottes d’argile autour d’un foyer de maigres branchages. Un peu surprise par notre approche, elle rajuste prestement son voile tout en nous saluant. Un moment nous l’observons. Elle retourne habilement la galette avec sa grande pelle de bois et les empile sur une planche voisine. Elle sourit timidement et nous invite spontanément à en goûter un morceau. Souhaitant conserver un souvenir indélébile de cette scène, je demande « possible photo ? » Elle sourit à nouveau, nous remercions et lui adressons quelques gestes d’adieu.
 La femme au pain
Vers le 15 août 2004
Inexorablement, le sablier s’écoule. Déjà le soleil n’est plus tout à fait aussi haut à son zénith. Notre route prévue vers la maison tient du « chemin des écoliers ». En effet il est prévu quelques méandres via Istanbul, Nessebar en Bulgarie, explorer le delta du Danube, pénétrer en Ukraine, parcourir le massif des Carpates et plus tard, rentrer par la Pologne, l’ex Tchécoslovaquie avant de retrouver nos enfants à Besançon et Paris, aller faire un bisou à la mamy à Mandelieu et rentrer un jour chez nous…
Tout ça pour dire que, pour plusieurs journées de route, nous voici à faire de l’Ouest pour rejoindre bientôt Ankara puis plus au Nord quelques reliefs avant de basculer sur les rives de Mer Noire. Faire de l’Ouest en été signifie aussi, dés la mi journée avoir le soleil en face et transpirer passablement derrière le pare-brise panoramique jusqu’en fin de journée moment ou l’éblouissement devient parfois pénible.
 
Le 17 août 2004
                Sur le parcours, une route de montagne traverse une réserve naturelle. Le décor est grandiose, les reliefs sont rosis par de doux voiles de pastels posés sur des ocres de terres brûlées fissurées des méandres d’un cours d’eau étincelant. A nouveau, une multitude d’oiseaux de passage de toutes espèces s’ébattent en contre-bas du promontoire rocheux qui domine la scène. Grandes aigrettes, oies sauvages, oies brunes, grues, hérons, cigognes noires et communes et j’en passe s’ébattent joyeusement sous nos yeux.
                Passé plusieurs jours, un soir nous conduit à Mudurnu petit village d’altitude moyenne, versant Nord qui nous fait oublier les steppes immenses et plonger dans une végétation verdoyante arrosée périodiquement par les dépressions issues de la Mer Noire.
Déjà, trouver un espace horizontal dans les ruelles pentues, pas facile. Un petit quartier, une placette, nous tentons un calage quand un homme a tout de suite compris et sans hésiter, déplace sa camionnette pour nous laisser le meilleur emplacement.
Etonnés, nous remercions vivement, il s’éloigne et disparaît.
C’est si peu de choses mais que c’est beau…
Nous arpentons ces rues vivantes, le décor est complètement différent. On dirait un village Suisse du siècle dernier. Nous dégottons des griottes en bocaux, aller, va pour deux bocaux, nous serons peut-être content de les trouver dans la cale un jour ou l’autre.
Le soir, entre l’omelette et le fromage, « toc-toc » on frappe à la porte…
__????
On se regarde, il me semble qu’on n’attend personne aujourd’hui à Mudurnu !
C’est un homme, la trentaine, sourire aux lèvres et bonne présentation.
__Bienvenue en Turquie… C’est pour vous…
__ !!! … ???…
__C’est…pour accueil …en Turquie…
__Euh… merci…merci…merci beaucoup… euh…tank you very much…
Des fruits, des tomates, quelques courgettes. Il fait plaisir à voir cet homme qui porte l’offrande à l’étranger de passage. Tout ému, nous remercions vivement et le voilà parti.
Une telle tradition, une telle culture… où les trouver dans notre monde occidental ? Nos pays, dit les plus riches du monde sont bien miséreux devant cela. N’avons-nous pas ressenti un sentiment de frustration pendant un instant ?
« Toc-toc » !
A nouveau on frappe. C’est lui, il nous semble comprendre qu’il souhaite que nous passions la soirée en compagnie de sa famille.
Tous nous attendaient devant la modeste demeure. Des coussins moelleux nous étaient réservés. Adroite de l’entrée, deux femmes accroupies confectionnaient des feuilles de vignes farcies pour le lendemain.
Après les présentations et le rituel du thé, le dialogue, toujours sans la langue s’établit ; mi-turc, mi-anglais, mi-gestuel. Un instant, notre homme disparaît et revient un saz*, genre de bouzouki, en main et le voici jouant avec dextérité de cet instrument typique en chantant admirablement des romances régionales. Sa voix claire n’hésitait pas, nous étions sous le charme. Les femmes, jupes longues, foulard brodés se lèvent et dansent harmonieusement sous les branches basses du figuier. Instinctivement Françoise se lève et se joint à elles. Les sourires fusent, l'atmosphère est divine, ce n’est que du bonheur…Un peu plus tard, le musicien nous invite à le suivre dans la maison voisine ayant appartenu à son père. Passé la porte d’entrée…
D’un coup, le teint blafard, les yeux comme des pelotes…

Qu’est ce que c’est que ça ?
__ !!!… ???…

!!!… ???…
 

Françoise 
Où sommes-nous ?
Inconsciemment, l’ambiance vire au violet…
__ ???… !!!*** ???…*** !
Trois cercueils.
Devant nous, là, trois cercueils en planches drapés de dentelles.
(Imagine !!!)
Qu’est ce qui faut faire ? Mais surtout ne pas faire ?
Alors il nous explique, plutôt il essai, on ne comprend pas tout…à vrai dire, on ne comprend rien !
Il m’indique une gravure jaunie sur le mur.
__C’est Mecque.
__Ah yes…c’est La Mecque, ah !oui…
Une des femmes invite Françoise à se prostrer à ses cotés sur un tapis hautement brodé d’or certainement orienté vers « là bas ».
Nous tentons une bribe de dialogue. Nous comprenons qu’il s’agit d’un mausolée. Une coutume dans certaines familles semble-t-il. Le climat s’apaise, nous pressentons qu’il s’agit d’un honneur de nous présenter ce lieu néanmoins une majorité d’éléments nous échappe complètement. C’est un peu dommage car après la stupeur, il y avait certainement beaucoup a apprendre, à découvrir mais difficile de questionner sans blesser et nous ressortirons terminer la soirée sur le parvis en promettant dés notre retour d’adresser les photos prises ce soir là. (ce qui fût fait, bien sûr).
Nous prîmes congé bien tard.
                Avant de quitter Mudurnu, gasoil. Une station en sortie, le jeune pompiste fait le plein, je règle et il m’indique de me garer à droite.
__ ???… !!!
Qu’est ce qui veut lui ?
__Installez-vous msieur !
En me montrant la terrasse, et voici le thé, les petits fours, des fruits à profusion etc…etc…Et la discussion s’engage à n’en plus finir. A notre départ, il nous offre en toute amitié deux petites serviettes en éponge. Ces petits riens nous font chaud au cœur et la route se fait douce…
                Nous mettons un peu de Nord dans notre Ouest, la montagne s’affaiblit, la verdure devient plus intense, des kilomètres de noisetiers, à perte de vue, des noisetiers partout, des villages sont enfouis sous les récoltes des noisettes à sécher au soleil, des tonnes et des tonnes de noisettes. Les hommes, les femmes, les enfants, tous sont pliés en quatre dans les sous bois à récolter les fruits dans de gros sacs de jute. Il est à noter que la Turquie est premier productrice de noisette au monde et cette énorme production est principalement concentrée ici, dans le nord du pays.
                Soudain, l’horizon s’abaisse, quelques faibles vallonnements subsistent et Akçakoça se dévoile. C’est notre premier contact avec la Mer Noire.
                Curieusement, aujourd’hui, elle n’est pas noire !
                Petit port de pêche tranquille, la nuit devrait apporter repos et réconfort.
                Quelques bricolages courants le matin et nous revoici par monts et par vaux au milieu de ces milliers d’hectares de noisetiers. Une multitude de sacs jonchent les bords des routes.
                Un peu perdu, des hameaux isolés non inscrits sur la carte, des pistes douteuses qui montent et descendent a des pourcentages vertigineux, péniblement, le soir venant, nous atteindrons difficilement Sçile, agréable petite ville balnéaire. Son petit port nous fournira une place bien plane pour la nuit.
                C’est sans crier gare que vers vingt et une heures l’alarme du convertisseur retentit. Voyant rouge « batterie faible » allumé.
Curieux après tant de kilomètres aujourd’hui.
Toujours est-il que les lumières vacillent, la batterie cellule a un problème. Coup de démarreur, histoire de vérifier la batterie moteur…
…Rien, plus rien…  
Caisse d’outil, lampe frontale, je plonge sous le capot, je contrôle les cosses et le reste, nouvel essai…
…Toujours rien.
Mystère, les deux batteries sont vides, nous sommes en carafe !
Besoin de rien pour dormir… Il fera jour demain !
                Réveil matinal, contact juste pour voir…
Niet !
Je soupçonne un problème d’alternateur. Il faut se rendre à l’évidence, nous ne nous en sortirons pas seul.
Capot ouvert, caisse d’outil au sol, mes câbles de démarrage a la main…
… Trente secondes, une camionnette s’arrête.
__Problem ?
__Yes… batteries kapout’ !!!
__Oh ! no problem !
Dans l’instant, câbles branchés sur les deux véhicules, contact, c’est bon, ça tourne.
Encore fallait-il trouver la cause.
Nous offrons un café à notre sauveur et apprenons qu’il aménage sa camionnette en camping-car. Il est commerçant en petit ameublement à Sçile et durant ses congés, il voyage un peu avec sa femme.
Tant bien que mal, j’essaie de lui expliquer notre problème d’alternateur.
__No problem, me dit-il et nous voilà à le suivre à la trace dans la ville. Il connaît bien un électricien-auto qui nous confirme le diagnostique. Seulement il n’aura pas les pièces et ne pourra donc pas dépanner.
__No problem ! nous répond Amed notre sauveur, « je peux vous emmener à Istanbul, je connais électric-auto »
Et nous voici à la queue leu-leu jusqu’à Istanbul distant d’une soixantaine de kilomètres. Conduire à Istanbul tient du délire pur…A suivre un autre véhicule, c’est deux fois la dose !!!
Néanmoins, nous voici devant un atelier de banlieue parmi des centaines d’autres. Atelier de mécanique Turc…Plus proche du baraquement noirci par l’huile de vidange que du labo !
Nous étions attendus, Amet avait téléphoné. Le patron nous salue tout de cambouis vêtu, vérifie et confirme.
__Alternatoooorr !
__Yes yes…
__No problem ! On clock is god !
__Ok…ok
Treize heures, nous nous inquiétons d’un resto dans le coin. Nos interlocuteurs nous indiquent le premier étage à l’angle de la rue.
Nous invitons Amed à boire un verre, il nous dit avoir manger avant de partir. Il nous explique avoir un appartement prés d’ici et se propose d’aller y chercher son épouse. Celle-ci, bonne présentation s’installe, nous lui proposons de manger avec nous.
__Ok
Repas simple pour tous, version locale mais parfait pour l’heure.
Nous demandons l’addition.
Et là, impossible de payer !
Amed s’interpose, insiste, et malgré ma protestation règle la note.
Le patron du resto, homme élégant, genre Enrico Macias m’explique en Français devant mon insistance :
__Ecoutez monsieur, ici vous êtes en Turquie, nous avons nos traditions et si on vous offre quelque chose, vous ne devez pas refuser. C’est l’hospitalité Turque… Laissez faire…
L’homme était sérieux.
…Nous remercions avec ardeur.
Et ce n’est pas tout !!!
La femme propose à Françoise de l’accompagner à leur appartement afin de lui éviter de « poiroter » chez le mécano.
A réception du camping car, avec Amet, nous les rejoignons et nous passons l’après midi à regarder les films des voyages qu’ils ont vécu.
A un moment, tous deux nous déclarent que ce soir, « nous sommes leurs invités » !
Mais où s’arrêteront-ils ?
Nous reprenons donc la route inverse en direction de Sçile.
Sous la tonnelle, le repas sera préparé avec beaucoup d’attention, poisson au barbecue, salades variées avec les produits du jardin cueillis sous nos yeux, fruits cueillis aux arbres, le tout arrosé au Raki et le thé en final.
Ambiance sincère sous le patio au milieu du petit jardin fleuri. Nous prenons congé a deux heures du matin. Tout ça sans parler la langue !!!
Le lendemain, nous passons saluer Amet à sa boutique. Impensable sans le rituel du thé ! Puis nous reprenons la route.
 Istanbul

 

Peu accroc des grandes études, durant notre bref passage sur les bancs de nos écoles, on nous avait parlé d’une certaine Byzance … Constantinople…etc… Mais à cette époque, nos préoccupations étaient ailleurs…Plus tard, de ces noms émanaient des parfums d’orient, des rêves de reine de Saba. Pense donc ! Byzance !
Tout de même…
Tous les deux… là… couple de petits Français anonyme…Byzance nous ouvre son cœur ! On pensera ce qu’on voudra mais ça te prend les tripes.
Comment dire mieux… que nous voici à Istanbul, cette Byzance, cette Constantinople au passé si prestigieux. Certes, les reines de Saba sont discrètes, les Nababs ne sont plus les mêmes mais il plane toujours cette atmosphère mythique entre les deux rives du Bosphore.
Pour l’heure, nous quittons l’Asie par ce gigantesque pont suspendu et reposons le pied en Europe. Nous sommes dimanche matin et la circulation est presque supportable.
                Lorsqu’une escale est prévue dans une grande métropole, par soucis de sécurité, il est systématique de stationner le véhicule au camping. Nous avons ensuite tout loisir de visiter sereinement sans retenues.
Dans le présent cas, il est à noter que le camping d’Istanbul à la particularité de proposer des toilettes sans chasses d’eau et qu’aux lavabos et douches, en ruines et sans fermetures ne coule que de l’eau salée !!! Le responsable explique que la nappe phréatique est infectée par la mer de Marmara. Le seul remède d’après lui est qu’il nous vende une bombonne de vingt litres d’eau minérale !
Faute de palliatif, « à reculons », nous obtempérons. Dans cette configuration, il est décidé de faire bref. Notre séjour se limitera à deux jours, le temps de voir les incontournables. L’occasion de reprendre cette route vers le soleil levant se représentera bien un jour ou l’autre.
                Dimanche, donc peu de bus, nous hélons un taxi qui nous mène au centre ville. Durant le trajet, j’essaie mémoriser quelques points de repères car le soir il faudra revenir et pour expliquer, ça peu être « chaud ».
 
ISTANBUL : 12 000 000 d’habitants
                               100 km d’Est en Ouest
                               2000 mosquées !
 
                Byzance pour les Grecs, Constantinople pour l’Empire Romain d’Orient, capitale des Sultans Ottomans, la ville des villes il y a 1000 ans pour les Chinois. Cette citée fut pour des générations le symbole de la civilisation, une fabuleuse concentration d’intelligence et de richesse, elle éblouit l’humanité durant neuf siècles…
…Et nous voici là, largué au milieu des douze millions de Stanbouliotes !
 Pas de panique, j’ai mon plan !
En deux jours effrénés, nous passons de Sainte Sophie à la Mosquée Bleue, deux superbes monuments qui valent le détour, le palais de Topkapi et son musée qui conserve les plus prestigieux trésors des sultans rappelant les fastes d’antan puis mille et une choses, notamment, le deuxième jour, le grand-bazar où nous craquons devant des souvenirs hors du commun puis à travers la foule hétéroclite s’informer où trouver le « Bazar-Egyptien » paradis des épices, des effluves orientales et autres mystérieuses substances qui s’étalent sous nos yeux ébahis le regard soudain attiré là, au milieu d’un étal, où trône une bonbonne remplie de sangsues médicinales et enfin finir à boire un verre sur les rives du Bosphore.
Au retour, le taxi m’arnaque d’un billet j’en suis convaincu mais dans le doute, j’évite le scandale.
                Au camping, nos voisins Slovènes sont très ennuyés, ils ont perdu ou on leur a volé leurs papiers, argent et carte de crédit. Ils passent leurs journées de consulat en ambassade et sont vraiment coincés là sans un centime, vacances gâchées. Il est vrai comme je le disais précédemment, dans les lieux très populeux, nous redoublons de prudence. Nos petits sacs à dos forts pratiques ne portent jamais de valeurs. Ici, en ville un passeport et une CB chacun suffit et nous les portons très prêt du corps dans une poche avant. Des planques sont prévues à bord pour le reste.
                Adieux Byzance, route à l’Ouest, nous longeons les rives de la mer de Marmara pendant toute la matinée le paysage est agréable. A midi, nous nous insinuons au fin fond d’un quartier résidentiel et déjeunons face mer. Je profite de l’occasion pour prélever une bouteille d’eau de cette mer de Marmara qui, rentré à la maison et conditionnée, viendra compléter notre collection.  
Une dernière réception de courrier est programmée à Ignéada sur la Mer Noire, juste avant de quitter la Turquie car il nous paraît plus délicat de le faire suivre en Roumanie ou en Ukraine. La route traverse une campagne agricole uniforme, un camping signalé sur la carte reste introuvable. D’ailleurs, qui aurait l’idée de venir camper ici ? Cela nous semble sans intérêt. Fin d’après-midi, nous atteignons Vize. Nous parcourons au pas les diverses ruelles secondaires, quand, en limite de village, d’un coté une masure, de l’autre les prairies, un cheval, un chat, plus loin une roselière, l’endroit paraît paisible.
Se stationnant entre deux pommiers, un vieil homme barbu apparaît au seuil de l’humble maison…
__Mettez-vous dans mon champ, vous serez mieux, nous dit-il (en Turc !)
Sympa…on s’installe, tranquille.
Passé un moment, le revoici, discret, il nous dépose quelques présents sur la table extérieure. Un petit seau de tomates, un pain, un peu de sel dans un petit papier.
Ses yeux rayonnent, son cœur est bon, le nôtre bat la chamade. Il repart dans l’instant. Françoise, sans attendre prépare ses tomates en salade accommodée de feta.
Dix minutes plus tard, il réapparaît avec une grande bouteille d’eau fraîche. Françoise lui fait voir ses tomates préparées…Il jubile et s’anime dans un Turc campagnard haut en couleur ! il est heureux comme tout et disparaît. L’endroit est d’un calme olympien, la nuit nous enrobe insensiblement durant le repas.
Silencieusement, à petits pas feutrés, il revient et nous sert le thé que nous buvons ensemble.
Le lendemain matin, avant d’aller à son travail il ne manque pas de nous saluer.
                Merci au peuple Turc pour ces exemples d’hospitalité et de générosité.
                Le routard dit que les Français auraient beaucoup à apprendre des Turcs. C’est hélas vrai.
                Le jour suivant, à Ignéada, comme prévu nous récupérons notre courrier. Notre grande enveloppe rouge « Postexport » nous attendait sur le vieux comptoir en bois. C’était un peu un événement dans ce bureau de campagne oublié dans l’extrême nord-ouest du pays.
…A qui est donc destinée cette enveloppe bizarre ?
…Des Français… ?
…Des Français qui font venir du courrier chez nous… ?
…Y a pas de Français ici…
Eh ! bien si. C’était nous !
                Nous passerons un jour ou deux en bord de plage, repos, correspondance, visite et prise de notes.
                La frontière s’approche, la route défile à travers une sorte de maquis interminable, enfin une dernière agglomération où nous épuisons nos derniers millions en denrées diverses. Quelques kilomètres encore et le poste de douane est là. Une file de voitures est à l’arrêt, nous mettrons six heures pour passer suite a une paperasserie démentielle.
De ce fait, nos premiers kilomètres en Bulgarie se passent par nuit noire sur une route exécrable. L’absence de panneaux nous laisse perplexe, peu importe la direction, à cette heure il nous faudrait bien un endroit pour dormir en paix. Face à une station service faiblement allumée, à pied d’abord avec la lampe torche, nous retenons ce champ vaguement carrossable. Ne soyons pas trop exigents.
                La nuit se passera sans trop d’encombres hormis un cheval et une vache munis chacun d’une clochette qui attiré par la lumière extérieure du camping-car restée allumée toute la nuit trouverons sympa de venir brouter au clair de lune prés de ce drôle de camion Français ! C’est un choc sur la carrosserie de l’un des deux qui nous réveille brutalement et revoici mon Jacky dehors lampe frontale sur la tête à trois heures du mat’ pour voir ce qui se passe.
                Vite recouchés, vite rendormis.
                Campagne verdoyante et vallonnée…
…Thalassa nous avait présenté Nessebar, une presqu’île sur la Mer Noire au passé médiéval notoire, à l’architecture locale de caractère et la présence de quelques vestiges Romain intéressant.
Nous voici inondés de marchands de babioles sans valeur, étal sur étal, quelques souvenirs de qualité douteuse côtoient des répliques de l’époque communiste ainsi que des liasses de billets de monnaie irakienne à l’effigie du Sadam déchu.
Georges Pernoud a dut passer ici « hors saison ». Nous avons eu beaucoup de difficulté à discerner les maisons anciennes et divers vestiges enfouis sous les éventaires de ces marchands du temple ! Un restaurant à touristes nous servira un mauvais poisson à prix occidental, c’est dire l’arnaque !!!
                Passé Nessebar, sur des kilomètres, la côte est bétonnée à outrance et inondée de complexes hôteliers pour nouveaux riches des pays de l’Est. Nous obliquons vite fait vers la campagne intérieure.
                Plus tard, entre deux villages, oh surprise, sur plusieurs centaines de mètres, la voie de gauche est occupée par le séchage du maïs puis plus loin, par des paysans battant leurs céréales !
                A l’escale, un camping serait le bienvenu ; de la lessive, une douche sans compter l’eau, un peu de paperasse étaient au programme.
Après plusieurs visites, il faut se rendre à l’évidence, le standard Bulgare est à des années lumière de nos campings européens les plus modestes.
Le 220 volts ça peu aller.
Douches et WC…une horreur !
Lavabos…idem.
Après nettoyage d’un lavoir, j’installe sur des briques récupérées le caillebotis de notre bac à douche pour que Françoise puisse faire sa lessive dans des conditions minimum.
                Nous sommes perplexes devant ces installations ainsi qu’en campagne devant la vétusté de l’habitat en général et en ville l’horreur de ces immeubles en état de décrépitude plus qu’avancée face à la présentation irréprochable d’une jeunesse élégante et particulièrement sexy pour ces dames et demoiselles.
                Après un temps de recherche à Silistra, ville frontalière, soirée agréable sur les rives du Danube dans un parc public. Cérémonial dépense du solde de monnaie locale en confitures, vins et autres denrées comestibles. La monnaie de tous ces états n’est plus convertibles à l’extérieur de leurs frontières.
                Le matin, les formalités douanières se passent assez bien. Néanmoins, à nouveau on nous extorque une poignée d’euros au passage d’une fosse de désinfection !…
…Ils ne manquent pas d’air !
Le passage du Danube s’effectue sur un bac assez sommaire, l’embarquement est un peu acrobatique mais tout se passera finalement très bien.
                Roumanie = nids de poules !
Comme à l’aller, des charrettes, des charrettes, des charrettes,
Sur les routes, des bergers,
                               des oies,
                               des dindes,
                               des poules,
                               des canards,
                               des vaches,
                               des chevaux etc…etc…
En campagne toujours, des gens pas forcément malheureux mais résignés semble-t-il. Quelques sourires en réponse à nos petits gestes d’amitié mais surtout de la curiosité… Un camping-car, pense donc ! Il doit en passer là un tous les cinq ans en moyenne !
                Notre prochain objectif était de découvrir le delta du Danube. Domaine de grands espaces de zones humides sur des milliers d’hectares.
                Georges Pernoud de Thalassa encore lui avait parlé de ces villages de modestes pêcheurs Lipovènes isolés sur les bancs lagunaires, leur habitat de terre et de chaume etc… Ces peuples venus d’ailleurs, de Russie notamment, et repoussés de partout réfugiés ici depuis des siècles, vivant en autarcie d’une agriculture embryonnaire et du produit de la chasse et de la pêche dans les méandres du grand delta.
                Un premier village est atteint après une lutte farouche avec une route impossible défoncée sur des kilomètres. Souvent deux roues sur le bas coté, c’est meilleur que le macadam. Un bateau vétuste débarque des cochons sauvages abattus sur des îlots lagunaires ou une végétation dense permet la subsistance de plusieurs colonies.
Une multitude de barques traditionnelles sont tirées sur la grève, sorte de gros canoës canadiens goudronnés. Encore un fois, une sensation de vivre à une autre époque.
Sous un abris, les pêcheurs qui rentrent présentent leur gibecière qui est pesée, seul cinq kilos sont autorisés le surplus et confisqué. C’est la règle, le delta est « National-park » .
Un deuxième village est atteint, au passage, nous remarquons effectivement ces maisons faites de torchis de glaise et de paille couvertes de chaumes parcourues par des rues terreuses quasiment pas carrossables. Le camping d’un hôtel décrépit nous est indiqué par un villageois qui nous accompagne et une foi en place nous propose ses services de guide en barque motorisée pour découvrir la faune des bras reculés du Danube. Il nous attaque à un prix pour américain ! Nous offrons pratiquement moitié, après une brève hésitation, rendez-vous est prit pour demain matin sept heures.
                Avant le souper, une bonne douche…
                On nous indique… Là-bas, derrière le bâtiment avec les bidons rouges sur le toit !
            __ Ok, tank you !
                Sauve qui peut…, il y a des bêtes qui sautent partout…, des grenouilles des crapauds que sais-je ? Pas de carrelage bien sur, un vieux béton brut moussu et noir comme de l’encre, de l’eau stagnante, ça pue… une horreur !
La douche du véhicule sera appréciée.
Repas en extérieur avec environs huit bougies anti-moustiques, au sol et sur la table et aspersion généreuse de répulsif. Produit très efficace d’ailleurs. Au cours du souper, un jeune voleur peut-être en quête de pitance, on n’a pas tout compris est roué de coups par un homme en furie. J’essaie de calmer le jeu…, la brume inonde la roselière, le soleil joue un dernier instant en carmin éblouissant derrière le tronc du saule…Il fait nuit.
Et c’est là, pendant ce spectacle qu’un milliard de moustiques ont repéré une fenêtre mal fermée et se sont engouffrés dans le camping-car !!!
Partout, il y en a partout…des milliers, ça zone dans tous les coins, c’est intenable…
En pareil cas, faut pas hésiter, l’artillerie lourde est en action. A deux bombes insecticides plus des fumigènes, la bataille fait rage mais l’ennemi capitule sans rémissions.
Nous dormirons comme des loirs.
                Sept heures, notre guide Roumain dans sa barque traditionnelle nous conduit à travers les multiples passes d’une partie du fameux delta classé parc national. De méandres en bras morts, à travers roseaux, nénuphars et autres lentilles d’eau, nous surprenons au petit matin, hérons pourpres, grandes aigrettes, spatules, ibis noirs, et pélicans étonnés. Plusieurs heures ainsi le guide nous fait voir les sites les plus riches. Sur le retour, nous récoltons quelques spécimen de moules d’eau douce énormes. Curieusement, elles flottent librement à la surface et dérivent au gré des courants. Non comestibles, les coquilles vides d’une quinzaine de centimètres d’envergure, remarquablement nacrées nous intéressent. Sur les rives, quelques cochons divaguent ça et là.
Sur un bras plus important, tiré par son remorqueur poussif, un camion antédiluvien sur une barge rongée par la rouille se dirige vers un chantier lagunaire inaccessible.
                Satisfait de cette immersion dans ces grands espaces vierges, nous remettons cap à l’Ouest. Avant de quitter le camping, je complète la réserve d’eau avec nos petits jerricans.
Sauf qu’aux lavoirs, à nouveau l’horreur. Dans la soirée, des pêcheurs peu scrupuleux sont passés nettoyer leurs poissons, ils ont été dérangés, vraisemblablement et ont tout abandonné précipitamment. La nuit et le matin, mouettes, pies et autres chats et chiens ont étalé à tout va toute cette tripaille immonde infestée maintenant par toutes les mouches du secteur !
                Un dernier geste d’adieu à ce vieux pêcheur qui voyant que nous venions de France s’était approché pour parler d’un couple de Français qui après leur passage lui avait expédié une photo prise avec lui. Chaque matin, de loin il nous saluait en me surnommant «  Jacques Chirac » !
                Un ravitaillement assez complet devenait urgent. Tulcéa principale ville portuaire du delta nous apporte satisfaction. Même un supermarché fort bien achalandé où nous trouvons des viandes fumées qui nous satisfont. La viande fraîche avait quitté nos menus depuis un moment. En fouinant nous découvrons un marché couvert qui vaut le détour à la fois par son originalité, la variété des marchandises dont certains légumes bizarres nous laissent perplexe et par les prix pratiqués. Exemple :tomates :0,40 euros le kilo
                                                                       Céleris raves 0,63 euros le kilo
                                                                       Choux-fleur : 0,25 euros pièce.
Midi, le camping-car stationné derrière un immeuble gris, si on se faisait un petit resto ?
Ville portuaire… donc des quais…donc des restos de poisson. N’est-ce pas l’occasion de déguster un mets rare : L’esturgeon ?
Et nous voilà installé en terrasse face au grand fleuve. Nous savourons ce poisson délicat fort bien cuisiné accompagné d’un vin blanc typé bizarre mais honnête suivi d’un dessert, l’ensemble pour 19,00 euros pour deux personnes. Satisfait, nous poursuivons notre chemin
                A plusieurs reprises, la route s’arrête, barrée par un bras du grand fleuve. Leurs traversées ont chacun leur dose d’aventure, aucun ponts ne sont bâtis et c’est sur des barges rouillées à cœur, remorquées ou poussées par des mécaniques enrhumées que se franchissent ces cours d’eau. C’est souvent les embarcadères qui posent problème. Un simple empierrement sommaire des rives marécageuses n’est pas rare.
                Plus tard, une route orientée nord-ouest remonte la Moldavie nous menant aux premiers contreforts du massif des Carpates. Le Routard indiquait des monastères assez uniques en Bucovine, province du nord-est. Hormis une architecture spécifique, la singularité est d’avoir l’intégralité de leurs murs extérieurs entièrement couverts de fresques.
                Intéressé mais pas spécialement acharné sur le sujet, des nonnes plus rapaces que religieuses, agréables comme une grille de cloître, les deux plus remarquables monastères seront retenus et on dira que ce sera bien.
                Pour la nuit, la région nous semble tranquille. Un parking devant l’un de ces édifices, verdure à souhait, calme ; nuit sans histoire. En contre-bas, dans la nature, entre deux arbres, une vieille carcasse de Renault 12 avait retenu notre attention. Le soir, un couple, la quarantaine s’installe pour y dormir. Au matin, lui ira à son travail, elle s’installera sur le parvis du monastère avec quelques souvenirs de pacotille. Les touristes seront bien rares. Durant la saison, ils vivent ainsi…Nous ne sentons pas vraiment la détresse ni la survie, c’est ainsi la vie en Roumanie. Des gens humbles, résignés, mais très dignes qui dans les campagnes ou les montagnes semblent un petit peu heureux.
                Autre cas de figure, nous rencontrons un jeune couple, lui fait un peu d’artisanat, elle est institutrice. Elle parle Français et nous apprend beaucoup. Son salaire de cent euros par mois donne une idée du niveau de vie. Volontiers, nous nous intéressons aux articles présentés par son mari et laissons vingt euros pour une superbe nappe ronde brodée. Ils nous manifestent une véritable fête pour cette action. Elle s’engouffre à l’intérieur et revient vite nous offrir avec ardeur deux napperons assortis. Une pure sincérité s’affiche sur leurs sourires et leurs gestes d’adieux sont chaleureux. Aujourd’hui et pendant longtemps encore, nous garderons le souvenir de ces Roumains auquel, modestement, nous avons apporté un soupçon de mieux vivre.
                Autre rencontre encore, cette femme, professeur de Français qui, suite à la baisse répétée de son salaire à été contrainte de revendre sa petite voiture. Elle se rendait à un mariage par le train.
                Les Maramures dit aussi le Routard…
…Donc, allons voir…
                Hautes vallées dans l’extrême nord des Carpates Roumaines.
                Encore un autre univers…
                Un habitat tout de vieux bois sculpté d’une élégance rare. Il se dit que certains investisseurs Français avisés achètent ces anciennes bâtisses de charme, les démontent pour les réinstaller en vallée de Chamonix et les revendre à prix d’or comme véritables mazots chamoniards à quelques étrangers fortunés.
                En route, un authentique marché de production mérite un coup d’œil. Une multitude de charrettes à chevaux chargées en vrac de tomates, courgettes, aubergines, et autres…
De nombreux petits producteurs aussi étalent leurs produits sur le sol. Les acheteurs professionnels entassent leurs légumes aussi en vrac dans des charrettes ou de rares guimbardes surchargées.
 C’est très vivant !   C’est à voir !
Notre présence fait l’objet de commentaires discrets, quelques yeux ronds mais aussi des sourires accueillants pour quelques photos d’acteurs.
                L’extrémité de la vallée se termine au village de Leud…
…Un monde en dehors du monde…
Maison de bois massif, portail sculptés, bancs de bois devant chaque demeure, mais…
…C’est dimanche…
…Or le dimanche, en Maramures, on ne travaille pas et on revêt l’habit traditionnel complet. Haut chapeau de paille sur gilet de laine tressé pour lui, chemisier de dentelle fort ouvragé, jolie jupe plissée et brodée pour elle. Et ainsi, toute la population va et vient dans la rue du centre et parlemente des heures durant. Quasiment pas de voitures ni télé, revoici la convivialité dominicale de nos arrière-grands-parents.
…Et nous, en camping-car au milieu de tout cela à dix à l’heure !
                Il nous faut trouver un endroit pour la nuit. Un vieil écriteau rouillé semble indiquer une possibilité « chez l’habitant ». C’est des fois sympa, qui plus est avec deux siècles de décalage horaire, faut pas rater !!!
                __Hello, camping ? Vous cherchez endroit camping ?
                __Heu…Oui, vous parlez Français ?
                __Da, Da, juste petit peu…Pouvez enter…dans ferme ma maman…
Réflexion rapide…
…C’est plutôt…rustique de chez rustique…Mais c’est local, c’est typique, après tout, qu’est ce qu’on risque ? Y a sûrement à découvrir.
                __Ok, yes.
Nous voici dans la cour de la fermette au milieu des poules, canard, pintades et j’en passe.
                __Venez, entrez, visiter maison maman…
…Petit manger…Petit goûter ?
__Ah bon…        oh merci…
Dans la salle commune, murs revêtus de tapis brodés, plancher brut plafond… indéfinissable… régnait comme une odeur de……
…Rance !…
…ou…aigre… ! Enfin, un peu des deux imprégnée par les siècles !
                __Asseyez-vous ;
 Nous dit-elle en repoussant du coude tout ce qui encombre la table et le vieux banc de bois.
                __ Oui, oui merci mais on veut pas déranger…
Pas difficile par nature, facultés d’adaptations certaines mais là…
…Je ne le sentais pas trop ce coup là !
Deux verres, deux assiettes, deux couverts, il est dix sept heures.
                __Oh mais non,ne vous dérangez pas…
                __Da da …petit manger …da da 
                __Mais non-merci…
                __Da da,
Et la grand-mère qui sort de son trou deux assiettes pleines en mains
Nous passerons sous silence la présentation de la vieille… par respect dirons-nous.
                __Oh la la ! mais c’est trop gentil…
                __Da da … petit manger…
Et la Gilda, une maxi à la main, nous sert deux grand verres de prune !
                __C’est bon pour estomac, da da c’est moi qui fait.
                __Ah bien
                __Da da… prune,
                __Ah oui…et… combien de degrés la prune ?
                __C’est bon, c’est moi qui fait,
                __Oui, oui, mais combien « alcool » la prune ?
                __Ah da ! Cinquante cinq.
Premier coup bas, cinquante cinq degrés la prune ! Nous, pas très alcool fort, nous voici un genou à terre.
                __Da da…elle explique… en Roumain…
Durant ce temps, j’observe les assiettes…
…Dans un premier temps, en contre jour, je crois qu’il s’agit d’une sorte de pâtisserie genre pâte à choux garnis chantilly.
Faut voir…
Elle explique, toujours en Roumain qu’elle fait aussi de la prunelle.
L’espace d’un instant, toujours en contre jour… mais ça fume… C’est chaud son truc dans l’assiette…
                Hm…Hm …
De plus prés, genre semoule de maïs trempé dans… ??? genre de laitance caillé…un peu fromage blanc au lait de jument, fort, très fort en odeur…fument… ajouté à l’odeur de la pièce, de la cuisine, de la vieille…
Dans l’autre monde, nous le sentirons encore !!!
Quelques miettes dans nos cuillers à soupe pour honorer.. .
Haut les cœurs !!!
Une lampée de prune là dessus, c’est d’enfer !!!
Nous n’osons nous regarder car sans le dire, Françoise et moi, prêts à sortir en courant, nous nous sentons exactement dans cette scène du film « les bronzés font du ski » lorsque les Jugnot, Blanc, Lavanant et autres se retrouvent sauvés de leur errance devant cette affreuse soupe. Nous, il manque juste le crapaud dans la bouteille de prune !
                __Vous pas faim ?
                __ Oh, nous, beaucoup roulé, manger tard, pas en forme !!!
                __Ah da da !
La vieille n’a rien compris, elle fait la gueule dans son coin.
                __Vous voulez visiter village ?
                __OH OUI !!!
Sauvé ! La mixture est remballée et nous voici à défiler au beau milieu des villageois comme cités plus haut, complet, chapeau, jupes plissées à fleurs, chemisiers en dentelle, foulard de soie etc… Chacun s’observe, nous, eux, étonnés l’un de l’autre.
Vers dix sept heures, au retour…
                __Petit manger chez nous ?
                __Oh merci, le soir nous ne mangeons pas, sinon, mal dormir !
Instantanément, dans le camping-car, nous baissons les rideaux et discrètement préparons notre souper.
La sonnerie du réveil est réglée sur six heures de manière à déjeuner volets fermés avant son arrivée !
Local, rustique, pittoresque, on aime, on s’adapte, nos expériences en témoignent mais là, désolé mais on n’est pas prêt !!!
A sept heures :__Vous partir déjà ?
                __Eh oui, beaucoup de route à faire…
Nous n’échappons pas à la présentation d’affreuses icônes sur verre broderies douteuses et autres couvertures de laine tressée fabriquées durant l’hiver. Nous opterons pour deux babioles plus par pitié que par goût.
Avant le départ, nous demandons un peu d’eau et voici mon équipière aux prises avec la manivelle du puits à remonter le seau galvanisé. La couleur de l’eau nous incitera à la jeter un peu plus tard.
                Cinquante kilomètres plus tard, la foire mensuelle de Siké ne pouvait pas passer inaperçue. A l’approche déjà, une abondance d’attelage inhabituelle laissait penser qu’une activité intense s’annonçait.
Sur place, ça grouille de partout, hommes, femmes, enfants, chevaux, vaches, bœufs, cochons hurlants, couvées tout y est !
Nous avons la sensation de faire figure d’extra terrestres dans notre véhicule bizarre. Nous nous stationnons a distance.
Nous nous mêlons a cette foule active, ici on négocie un poulain, ici un bœuf monstrueux, lui avec ses guêtres sur ses chaussures cousues mains semble précis dans son discours. Au centre, les femmes s’occupent des porcelets qu’elles maîtrisent avec énergie malgré les hurlements stridents de ceux-ci. En marge, les bourreliers présentent tout un arsenal de matériel de qualité certaine, ici, des clochettes, là, les fers à chevaux sont très prisés etc…
Une animation fiévreuse règne où nous passons assez inaperçus tant chacun est occupé.
C’est un peu en arrière que la surprise fait mouche…
…Le parking…
…Le parking des vendeurs et des acquéreurs. Une immense prairie où attendent patiemment les attelages. En effet, seul deux ou trois vieux camions et peut être deux cent charrettes à un ou deux chevaux ou bœufs. L’image est saisissante. Une fois encore, il nous paraît vivre il y a deux siècles. Un peu le scénario inverse du film « les visiteurs » !
Il est à noter que la prune locale coule à flot. 
Ce sera les dernières images, les plus fortes certes de ce pauvre pays situé à notre porte qui souffre de trois décennies de dirigeants successifs incompétents et corrompus faisant suite à la triste période Ceausescu.
                Quelques kilomètres de route de campagne déserte, une sorte de no man’s land poussiéreux, grillages, barbelés nous mènent au poste frontière Ukrainien.
                Ma petite équipière est fébrile. Depuis plusieurs jours j’entendais de temps à autre : Oh tu sais, l’Ukraine, si on y va pas , c’est pas grave !
Sous entendu : ex-URSS, qu’est-ce qu’il m’embête à aller fourrer ses bottes là-bas … L’époque des soupçons d’espionnage à tout va, du KGB et autre goulag semblait refaire surface. A force de taraudage répété, n’en étais-je pas devenu tout ému passeport et visa en main devant ce militaire à la casquette « Stalinienne » et au regard de lynx. Il me fait d’ailleurs remarquer voir soupçonner de complot au vu de la photo d’identité du passeport infimement décollé sur un dixième de millimètre carré dans l’angle. Qu’est ce qui lui prend à cet olibrius ? Le cerbère passa le document dans une sorte de microscope et après quelques dernières hésitations conclut de la validité du passeport.
Humblement :__Merci monsieur.
                __Où allez-vous ?
                __National Park Karpatian.
                __Ok, yes.
L’examen du visa fut plus détendu. L’ours vert s’aperçu que je me présentais le lendemain de mon anniversaire. J’ai la faveur d’un : Happy birdh day to you !!!
                __Oh yes tank you very much !
Vint ensuite une jeune femme pour la déclaration en douane des matériels transportés. Contrôle sommaire de la douanière et ces trois acolytes qui, dans leur lointaine toundra n’ont jamais du voir un camping-car de leur carrière.
Tous…ils découvraient… La cuisine, le frigo… Oh même des toilettes !!! et là haut un grand lit !!! Nous devinons quelques plaisanteries…
Seule la pharmacie est auscultée méticuleusement, puis…
__Ok, Welcome in Ukraine !
Et c’est ainsi que nous pénétrons en ces terres jadis décrites par Nathalie (Gilbert Bécaux) Au début, la sensation un peu étrange de violer ce qui se disait le « block  Soviétique » puis tout simplement l’idée plus légère de jouer à Tintin chez les Soviets !
                De prime abord, premier village, pas de voitures, maisons simples encore égalitaires, c’était la règle, toutefois des fleurs, des treilles, des nids de poules ! 
                Un souci : Les rares panneaux indicateurs sont exclusivement rédigés en alphabet cyrillique !(Russe) et notre carte est en latin.
 L’enfer.
 Il nous faut nous arrêter devant chaque indication pour tenter une conversion !
Au second carrefour, une femme et un militaire font du stop. Nous les chargeons afin de nous aider à atteindre notre première destination.
Au premier bourg, la seule banque refuse notre CB internationale. Nous sommes quelque peu déstabilisés. Sur notre carte routière dépliée sur le guichet, on nous assure l’absence de distributeurs de billets à trois cent kilomètres à la ronde. Nous voilà sans un kopeck ! Par chance, il nous reste toujours une petite réserve d’euros, la banque apprécie cette devise, nous changeons cent euros pour voir venir…
…Bien nous en pris, cent mètres plus loin, un « bankomat » ! assez vétuste mais allumé tout de même avec programme en anglais, c’est le bonheur. Ma carte entre et ressort par deux fois puis une voix me parle en Russe de l’intérieur ! Un texte en Russe aussi s’affiche… ???!!!…
L’appareil était à l’angle d’une maison, sur le coté, une petite porte était entrouverte, elle me paraissait bien donner sur l’arrière de mon distributeur.
 J’y pointe le museau…manière de voir…
…Dans son réduit, sur une vielle chaise en bois, la mallette grande ouverte, pleine de billets de banque, le préposé me fait signe simplement de patienter le temps qu’il recharge sa bécane !
__Ok, no problém !
Rentré à bord du camping-car, mon homme vient frapper pour m’aviser qu’il a terminé et si je veux de l’argent, il propose de rester là un moment au cas où…Tout ce passe bien, il repart sa mallette vide dans sa guimbarde.
                Déjà, au vu de la scène, il y a fort à penser qu’une certaine sécurité existe. En France, dans ces conditions, le pauvre gars serait molesté quotidiennement.
                Nous prenons bonne note…
En ville, circulent quelques rares voitures occidentales, beaucoup de tacots rafistolés, des camions crapahuteurs de l’époque Russe, des bus ancestraux aux vitres fissurées ou opaques. Tous ces engins d’un autre âge sont équipés de moteurs monstrueux et diablement voraces en carburant mais quelle importance ? Le gasoil est à 27 centimes d’euros !…Le rêve pour les bourlingueurs de notre espèce.
L’ex grand frère, la Russie de Poutine fourni les produits pétroliers à petits prix ainsi que du gaz à profusion. Nous apprendrons ultérieurement qu’il y a peu de temps encore, les habitations étaient dépourvues de compteur gaz et compteur d’eau. L’électricité était à un prix dérisoire également.
Dommage que nous ayons tous encore en tête cette malheureuse catastrophe de Tchernobyl situé au centre du pays.
                A nouveau, les têtes se tournent à notre passage et du regard :…Mais d’où viennent donc ces gens ? Certains lorgnent notre plaque d’immatriculation et restent circonspects.
                Néanmoins, il est à noter, voir souligner que l’Ukraine, c’est aussi un peuple élégant, des femmes super sexy dans la majorité des cas, vêtues avec goût (parfois avec peu !). Un peuple courageux qui semble prospérer et plein d’espoir. Les salaires seraient dit-on dix fois moins élevés qu’en France ce qui pour l’heure nous convient fort bien.
                En campagne, les boutiques sont rares, subsistent encore des magasins d’état assez tristounets. Là aussi il nous faut nous adapter. Les marchés sont nombreux, chacun y va de son petit étal et c’est ainsi que parmi tomates, raisins, choux et navets nous craquons pour un kilo de girolles magnifiques à un euro vingt le kilo ! Les légumes classiques se payent en centimes !
 
                La région visée était le nord des Carpates, le National Karpathian Park. Dans la région de Yaremcha, Une vague forme de centre d’information du parc existait semble-t-il. Pendant toute une journée, nous en recherchons l’existence. Enfin un bureau est déniché. Porte close. On nous dit de revenir un autre jour. Nous connaissions une deuxième adresse. Disparue. Un peu déçu, le but était d’aller observer les ours bruns pourquoi pas des loups avec les compétences d’un guide du parc. Dommage…Une autre fois !
                Nous nous rabattons sur une sorte de village de sculpteurs sur bois et craquons à nouveau sur plusieurs pièces du plus bel effet à prix canon ainsi qu’une veste en peau pour miss Donna.
                Pendant un temps, nous sillonnons le massif dans la nature vierge, la forêt est dense, en altitude moyenne vers 1800 mètres la neige apparaît. …On va pas trop insister… Dans les vallées, le décor rappel nos Vosges natales.
                Voir une grande ville sans aller jusqu’à Kiev distant encore de quatre cent kilomètres et autant pour le retour, nous choisissons L’Viv, deux ou troisième ville du pays.
                Un vague plan, peu de circulation, nous voici stationné plein centre, cool, devant une sorte d’ambassade. Les gardiens auront bien un œil sur le camping-car supposons-nous.
                Et nos deux flâneurs à errer en ces lieux insolites. Une dizaine de méméres sur un bout de trottoir ont organisé un mini marché, au passage, quelques tomates, une botte de radis, des prunes, à peine le temps de payer quand d’un coup, comme piquées par je ne sais quelle mouche, en quelques secondes, elles te remballent tout en vrac et disparaissent parmi les passants…
…Pas tout compris !
Un tramway poussif de l’époque d’avant Nikita Khrouchtchev chemine laborieusement.
Au centre ville, belles boutiques, banques, et…oh surprise…un Mac-Do !
Nombreuses élégantes jeunes ou moins jeunes aux silhouettes gracieuses parfois peu vêtues mais sans provocation ni vulgarité.
                Nous nous fondons dans le peuple, flânons de grandes rues en ruelles adjacentes, jolies vitrines à l’occidentale mais aussi beaucoup de magasins « à l’ancienne » ou « improvisés ». Appartements en rez-de-chaussée aux portes et fenêtres d’origine transformés en échoppes vieillottes mais parfois en magasin familial propret.
                A deux pas du centre, une devanture, bois verni, cuivre astiqué, déco art nouveau, retient notre attention. Nous calculons notre change, recalculons, re-recalculons. Il faut se rendre à l’évidence, les prix sont effarement bas…
…Nous n’aurions pas dû nous arrêter là !
Un demi-litre de vodka : 1,20 euro
Une boite de caviar Bélouga 100grs : 20 euros soit 200 euros le kilo quand il est entre 5000 et 6000euros à Paris soit trente fois plus !
C’est comme ça que mon petit sac à dos se charge de trois vodkas et trois boites de Bélouga. ( Quand on à deux enfants !)
 Treize heures, quatorze heures je ne sais plus très bien, l’estomac nous rappelle avoir observé en matinée dans une ruelle l’entrée anonyme d’un resto sympa.
Nous souhaitons manger Ukrainien.
La totale : Décor grande Russie, propreté impeccable, service irréprochable, carte généreuse,(rédigée en Russe bien sûr, mais nous l’obtiendrons en Anglais)
D’entrée, attention la note ! Un tel établissement ça peu être « chaud » Là bas, rien n’est affiché à l’extérieur. On peu entrer, s’informer et ressortir sans autre formalité
On nous installe et présente les menus.
Françoise :
__Et psst… les prix comment ça marche ?
__Ben… je sais pas trop… écoute de toute façon il n’y à pas de grands chiffres, alors tu choisis !
Néanmoins, je me rassure à nouveau sur le change. Quasiment que des centimes… quelques plats à un, un euro et demi deux maximum. Et si c’était le prix des cent grammes ?
Dans notre Anglais embryonnaire nous commandons hardiment sans compter !
Odessa-salad soit minuscules champignons et tout petits fruits de mer grillés assortis de miniatures de légumes au vinaigre balsamique.
Assiette de porc aux prunes pour moi, Porc braisé au bacon et lardons grillés, sa garniture pour elle, l’ensemble cuisiné avec beaucoup de subtilité. Tu sens bien qu’il ne manque rien, pas même la petite pointe de je ne sais quoi mais qui souligne ton met d’un pastel doux et enivrant… 
Une déco des assiettes comme jamais rencontrée en France même a Cannes.

J’en rêve encore !!!
Deux desserts d’une originalité qui n’a d’équivalence que leur finesse gustative. Assiette ornée d’une silhouette de nymphe en poudre de chocolat !

Eh ! les gars…j’ai l’adresse…j’ai l’adresse… si…si…j’ai l ‘adresse…j’ai l’adresse !!!
Chacun un verre de vin blanc excellent et deux expresso.
Addition : douze euros pour deux !
Un peu habitué quand même à la bonne bouffe, nous pouvons qualifier ce repas de hautement gastronomique. A six euros par personne, nous prendrions bien pension.
                On flâne, on flâne, les jours se consument… septembre s’effeuille… un peu plus éloigné dans le lointain, derrière ce ciel bas…  Moscou.
 St Cyprien est bien loin derrière l’horizon et cette Terre qui n’arrête pas de tourner, cadence du sablier du temps qui passe, Ukraine, inconnue, mystérieuse et séduisante, tu nous enserres mais il est raisonnable de faire route à l’ouest.
                Dernière bourgade avant la frontière, il faut nous débarrasser de nos derniers billets. Un petit resto simplet de campagne pour 1,25 euro par personne, faire laver le camping-car, quelques menues courses à l’épicerie du coin etc…
                Un sentiment d’inachevé…
                C’est certain, ces ex-états d’URSS sont intéressants à découvrir. Le tourisme n’a encore rien ravagé nulle part. Leurs portes ne sont encore qu’entre ouvertes, amateurs d’authentique, c’est un autre visage de notre monde…
                …A découvrir absolument.
                Nostalgie, tu nous lâche, nous voici en Pologne.
                Dés les premiers kilomètres, nous observons avec étonnement un changement notoire. Dans les villes moyennes se présentent nombre de nos grandes enseignes, Casto, Carrefour, Champion, Obi etc… Au début, ça choque un peu. Ces noms avaient disparus de notre environnement depuis plusieurs mois ! Les habitations sont élégantes, la campagne est souriante.
La Pologne de Francis Blanche est aux archives !
                Besoin de lessive, un plan d’eau est indiqué sur la carte, un camping y est implanté. Pas mal de difficultés pour le repérer mais tout s’arrange, l’endroit et très agréable, presque une ambiance « douce France ». Nous retrouvons des sanitaires propres et bien équipés malgré la modestie du camping.
                Au bord de l’eau, deux messieurs arrivés en 4x4 s’installent pour pêcher, le casse croûte est accompagné généreusement de vodka locale.
                La nuit est paisible et réparatrice. La lueur d’une petite veilleuse dans le pré laisse à penser que nos deux pêcheurs jouent les prolongations en nocturne ! pêche ou vodka, va savoir…
                Au petit matin, l’un d’eux au volant du 4x4 part au pain pense-t -t’on sauf qu’un moment plus tard, il réapparaît bouteilles en main ! Mais pourquoi est-ce à nous qu’il lui prend de demander deux verres ? Voila bientôt vingt quatre heures qu’ils picolent avec ou sans verre…alors… ? Françoise est à la lessive, je fais un peu de courrier, je lui file deux gobelets en plastique sans m’attarder, il remercie poliment mais non sans difficulté. Et les voici à trinquer copieusement ; les cannes à pêches sont livrées à elles même.
                Après un moment, voilà t’y pas l’énergumène aux verres qui s’approche, me souhaite bienvenue, et s’acharne à vouloir trinquer avec moi ! Jusque là très calme, fallait-il s’obstiner à refuser et risquer qu’il s’énerve ? J’essaie bien sûr de me défiler et finis par devoir ingurgiter en début de matinée un demi-verre de vodka ! Dur, dur, mais il fut satisfait et les deux acolytes allongés dans l’herbe épaisse s’endorment pour le reste de la journée.
                C’est durant leur léthargie qu’un brave papy une caisse dans les bras sillonne les allées se présente et propose des framboises de toute beauté de sa production. Un euro vingt le kilo ! Sans hésiter nous optons pour un kilo puis on se dit que deux c’est bien aussi mais comme il n’a pas assez de monnaie, il nous donne un kilo de plus. La première barquette ne résiste pas longtemps la suivante passera en framboises au sirop et les deux kilos restants seront transformés en délicieuses confitures.
                Varsovie nécessite quatre cent kilomètres vers le Nord, pas vraiment notre direction, les jours se dissipent insidieusement, nous resterons dans le sud de la Pologne, direction Kracow (Cracovie) ex-capitale mais véritable capitale historique du pays.
                Pas vraiment déçu par cette cité mais le vingt et unième siècle a rattrapé sont passé. La place centrale est magnifique, réservée aux piétons, quelques monuments bien rénovés sont mis en valeur par l’étendue de cette immense esplanade. Malheureusement, les restaurants de l’endroit ont oublié la cuisine locale et nous échouons lamentablement à la table d’une pizzeria italienne. Nous remarquons aussi ce petit train qui ballade les touristes avec commentaires audio dans toutes les langues.
                Dans une ancienne manufacture, les artisans proposent leurs productions dont de jolis objets assez « classes ». Il nous faut bien marquer notre passage en Pologne et à nouveau la carte bleue voit rouge auprès de ces artistes.
                Nous sommes surpris d’observer que chaque exposant dispose d’un ordinateur dans sa cahute… où est passé la poésie ?
                Rapidement nous roulons vers la frontière Slovaque qui se passe sans soucis particuliers, nous sommes dans la nouvelle Communauté Européenne. Beaucoup de forêts et encore plusieurs jolies maisons en bois. La route serpente dans des vallées plaisantes. Une seule demi-journée est nécessaire pour franchir ce petit pays et pénétrer en République Tchèque afin de gagner dans l’Ouest. Le terrain s’aplanit, l’horizon est moins accidenté, c’est la plaine agricole qui domine, des industries réapparaissent ça et là.
                Le décor rappelle un peu la Hongrie des impressions sinon germanique mais plus Europe Centrale qu’Europe de l’Est. Certains lieux se souviennent des prestiges du passé, Empire Austro-hongrois, Hasbourg et autres Sissi Impératrice…
                Pourquoi-pas Prague ?
                Allez…va pour deux jours à Prague. A plusieurs reprises, on nous avait vanté cette capitale, nous ne serons pas déçus. Stationnés dans un micro camping très verdoyant et irréprochable situé dans le quartier des ambassades et consulats de tous poils, le tramway nous descend en centre ville. Comme d’habitude en pareil cas, durant le trajet, nous multiplions les repères pour assurer le retour.
                Comme cité dans le guide, quel bonheur d’avoir en piétonnier tout le centre historique et sa périphérie. Aucun bruit de moteur, sensation d’intimité malgré des milliers de touristes de tous horizons.
                Prague à été miraculeusement préservée des dernières guerres, son patchwork architectural est extraordinaire. Cela passe par le Roman, le Gothique, le Baroque, le Rococo sans oublier quelques malheureux exemples de cubisme communiste. Nous passerons ainsi deux jours le nez en l’air. Beaucoup à voir, du pont Charles au château monumental, la fierté de Prague sans oublier la cathédrale Saint Guy et l’énorme horloge astronomique voisine qui fonctionne depuis six siècles
                Les restos retrouvent leurs prix occidentaux, c’est fini la fête !
                Prague mélomane, nous mangerons assez local dans une ex-maison de Beethoven…
                …Prague romantique…c’est vrai ne sommes nous pas au cœur de la Bohême ?
                Enfin, les routes s’améliorent vraiment, les frontières se font oublier… Et si nos chers politiciens nous apportaient un peu de positif !
                Deutschland, campagne tirée à quatre épingles, grosses berlines, encore une nuit sur les rives du Danube. Dieu qu’il est petit ici, bien loin de son delta. Ensuite, ciel bas et grisaille en bordure du lac de Constance avant une escale agréable sur le lac de Titisee en Forêt Noire.
                Le Rhin, puis tout à coup, tous ces gens qui parlent comme nous !
                L’Alsace, les Hautes-Vosges, quelques affaires à régler dans l’Est puis passage à Paris et à Besançon saluer les enfants.
 
                Le Jeudi 7 octobre 2004, nous retrouvons la maison six mois jour pour jour après l’avoir quittée.
 

                Aujourd’hui, il nous faut penser à notre prochain départ, mais ça, ce sera une autre histoire…

 

 En conclusion...
                 

Françoise, si on allait voir là-bas, derrière l’horizon…
Comme c’est beau, la vie errante :
Pour pays l’univers, pour loi sa volonté
Et surtout la chose enivrante : la Liberté ! la Liberté !
                                                                                             Henri Meilhac
 
               

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        
 
 
 
 
 
GLOSSAIRE.
 
   *tic-tac : Jean-Claude est artisan horloger
*vaporetto :navire à passagers anciennement à vapeur en remplacement des bus citadins.
*Lei : monnaie Roumaine
*Leiv : monnaie Bulgare
*Notre pompe de cale est souvent en mode manuel car il lui arrive de ne pas s’arrêter en position automatique d’où surchauffe et batterie vide.
*Presse étoupe : Système d’étanchéité de l’arbre d’hélice.
*Pavillon jaune : Signale aux autorités notre désir d’effectuer notre entrée officielle dans le pays et remplir les formalités requises.
*Empenneler : Système de mouillage efficace qui consiste a fixer deux ancres bout à bout espacées de quelques mètres de chaîne.
*Mezze : assortiment d’entrées très diverses servies au restaurant
*Navtex :récepteur de bulletins météo
*Dolmuç : mini-bus locaux très pratiques et bon marché
*Caravansérail : relais fortifiés construits à la grande époque de la route de la soie qui protégeait les caravanes transportant les richesses de l’Orient
*Saz : instrument de musique à corde genre bouzouki Grec un peu mandoline
 
 
 
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