SOUS LES ETOILES DU MONDE
                                                  ou les voyages de Françoise et Jacky sur la planète bleue

 
 

MARS  2011 , AMERIQUE DU NORD, Côte Ouest puis petite escapade en Basse Californie mexicaine.

                Après une interminable présence en France, une brève escale neigeuse à Montréal, saluer nos amis Charles et Suzanne anciens propriétaires de Franky, nous touchons le sol de Vancouver le 11 mars en soirée, heure locale. Neuf heures de décalage horaire, pas facile de gérer les imprévus au sortir de l’aéroport. Une navette gratuite était comme à l’accoutumé prévue pour rejoindre l’hôtel. Que de nenni, toutes les navettes se succèdent sauf la nôtre. Las, je tente un appel téléphonique en mauvais anglais. Mon interlocuteur, suite à la réservation me reconnait, il m’indique semble t il que son épouse vient nous chercher en 10 minutes de voiture. Mal compris, le lieu de rendez vous reste flou dans ma compréhension. Trente minutes plus tard, pluie battante, les yeux embrumés comme il n’est pas permis, je rappelle mon homme. Une jeune femme m’est passée. Parlant bien français, un nouveau rendez vous est assuré dix minutes plus tard avec Philippe et Sabrina responsables de l’hôtel. Philippe, personnage haut en couleur, bafouillant deux mots de français et un demi d’espagnol s’engage dans une conversation hasardeuse, riche en multiples gestes assortis de lâchers de volant, le tout attisé vraisemblablement par quelques verres. Ambiance décontracte, certes, un peu anxieux lorsque la route paraît insuffisamment large à notre chauffeur. Contents d’arriver à bon port, l’hôtel ressemble davantage à la «  cabane au Canada » année soixante qu’au « Hilton Airport ». Il me revient à l’esprit la mention « chambre d’hôte » lors de la réservation sur internet. Ceci expliquera un peu cela. Nuit noire, l’environnement nous échappe. Dans l’entrée, Sabrina n’a pas dû avoir le temps de ranger le foutoir avant notre arrivée. Passé 72 heures de voyage, TGV, trois aéroports et deux vols successifs, Françoise voit gris foncé ! Salle de bain et chambre modeste nous sont présentées. La propreté indiscutable nous réconforte. Philippe nous fait visiter rapidement la maison, il regrettera que nous refusions un verre de vin rouge ! Avec seulement cinq ou six heures de sommeil à Montréal depuis le départ, il nous tarde plutôt de nous coucher bientôt.
Nuit décalée paisible. P’tit déj à neuf heures au lieu de huit comme convenu. Durant notre attente nous explorons la cuisine et grignotons quelques biscuits découverts dans la cambuse. Philippe, coiffé pétard, pieds nus déboule sourire aux lèvres et bonne humeur en bandoulière, il nous prépare vite fait œufs bacon, café, cheddar, toasts, confiture miel et ketchup à volonté. Un couple d’asiatique partage l’événement. Sabrina, profil plutôt concierge d’immeuble de bas quartier que Carla Bruni n’a pas lâché son vieil anorak rouge et bleu de la veille. Multi-usage, elle a dû dormir avec ! Très en retard, elle disparaît rapidement.
Aidés dans la conversation par une jeune étudiante francophone d’origine québeco-marocaine, une humeur de franche camaraderie règne dans la cuisine. Nous interpellons Philippe pour nous appeler un taxi. Spontanément, il nous propose de nous conduire à Surrey où Franky est gardienné. Il prétextera qu’un taxi demande soixante dix à cent dollars (ce fut vrai pour nous l’an dernier) alors que lui nous mène pour seulement  vingt dollars. Il nous assorti sa proposition de la faculté de payer la chambre en cash hors taxes. L’ayant observé de son levé jusqu’au départ, Philippe n’eut pas encore eut trop d’occasion de trinquer son breuvage favori ; dés lors, nous acceptons l’offre. Chez Karsten Roh, nous retrouvons avec plaisir et soulagement un Franky tout propre, lavé, polishé, batteries rechargées et pression des pneus vérifiée.
Toujours sous la pluie battante, nous passerons deux nuits au camping « RV Border » à nous reposer et nous préparer. Nous saluerons Hélène et René, sympathique couple québécois rencontré déjà ici il y a deux ans dans une immense caravane semi remorque. Salariée à la compagnie des trains du Pacific, elle attend la retraite pour enfin parcourir les grands espaces du continent. A quarante cinq dollars la nuit, le camping à beau afficher services, prestations et propreté irréprochables, tu trouves vite le temps long. Mitoyen avec le poste frontière, deux cent mètres à parcourir, nous stoppons au Duty-Free afin d’y échanger nos derniers dollars canadiens contre quelques modestes gâteries et une demi bouteille de Grand Marnier hors taxe. Et oui, il y aura bien quelques soirées crêpes sur la route !
Dés lors, tous documents préparés, au pas, nous nous présentons au rituel poste de douane. A noter, un douanier, c’est par nature toujours suspicieux et sévère. Couple français, bon enfant en goguette ou pas, il est illusoire d’espérer décrocher un soupçon de sourire à la lucarne de la guérite. Il me faut néanmoins lui faire comprendre que, au regard de notre visa longue durée, nous sommes en droit d’exiger six mois de présence sur le sol américain au lieu des trois couramment admis. Message passé, nous sommes invités à nous présenter au bureau d’immigration voisin. On nous indique un stationnement puis, un homme, casquette américaine sur le nez nous kidnappe littéralement les clés du véhicule. Tu sens bien que tu n’a rien à dire, sous la contrainte…
… tu fais confiance.
A l’intérieur, une trentaine de personnes patientent déjà. Nous avons tout le temps d’observer cet immense local de verre et d’acier. Sa hauteur démesurée ne laisse aucune équivoque quant au gaspillage énergétique du lieu sous cette latitude. Un long kiosque pourvu d’une quinzaine d’écrans est réservé à l’audition des candidats. Une seule préposée, la tête dans son clavier travaille sur ses fiches, nullement concernée par les personnes présentes. De temps à autres, un douanier va ouvrir un pupitre, vérifier un truc et disparaît. Notre homme à la casquette basse circule en arrière, sensé avoir nos clés, nous ne le quittons pas des yeux. Pour l’heure, aucune personne ne semble prise en charge, la file d’attente s’amplifie. Un long moment passe, un couple est invité à se présenter, l’espoir naît. L’interlocuteur de ses gens les invite à s’assoir sur un banc d’attente puis disparaît désespérément. Durant trois heures interminables il en sera ainsi. A notre tour enfin, notre préposé, contrarié par le fait que nous ne parlons pas sa langue nous transmet au bureau suivant. Moustache soignée, visage taillé à la serpe, mais d’allure plus sympa, il essaye de comprendre notre requête. Epluche passeport, visas, papiers véhicule, pas de soucis, on progresse…
…Sauf que, passé un moment, il nous invite à reprendre la queue du groupe d’attente. En consolation, il nous propose des places assises. Dépités, après plusieurs heures de patience, nous avons le sentiment d’un retour à la case départ. Les multiples pupitres sont toujours plus ou moins inactifs, la jeune préposée est toujours la tête dans ses fiches et nombres d’uniformes circulent, discutent et vaquent plus ou moins.
Plutôt moins nous semble t il !
Soudain, l’homme à la casquette basse nous reconnait, nous fait dépasser la fille et attendre en première place. L’espoir renaît. Sur le parking, nous apercevons deux douaniers qui s’affairent à fouiller notre véhicule sans trop s’attarder. Pas de problème, on s’occupe de nous donc on progresse. Fort peu de candidats seront appelés aux pupitres quand vient notre tour. Femme entre deux âges aux lèvres rouge griotte,  presque souriante, elle est en possession de notre dossier. Françoise et moi s’appliquons à essayer de comprendre ses questions et ne pas répondre « hors sujet » ! Pas facile c’est vrai pour elle de comprendre clairement que nous venons de France, avec une escale à Montréal (c’est inscrit sur le passeport) pour saluer des amis, que nous avons un motor-home canadien gardienné à Vancouver, que nous sommes sans billet de retour, puisque nous ne savons pas au juste où nous allons vraiment et quand nous rentrerons. Précision faite que le Mexique est à l’ordre du jour. Qui plus est, au regard du passeport, notre autorisation de six mois en Alaska de 2010 étant échue de peu, elle a pensé un moment que nous descendions de la haut ! Néanmoins, pour démêler l’écheveau, elle va passer de bureaux en pupitres pour trouver un interprète. C’est par téléphone que finalement le dialogue va s’établir enfin. Une dame québécoise dialogue au bout du fil, puis s’adressant spontanément à Françoise, la préposée lui passe l’appareil…
… ?...
… Aussi émue qu’étonnée, après un instinct de recul, pourquoi moi et pas lui, se dit elle…
… Non, non, pas lui !...
 … L’équipière sent bien que notre avenir est entre ses mains. Au bout du fil la courtoise québécoise explique avoir quelques questions à poser. Polie, avec son sérieux des grands jours, Françoise répond. Dés lors, tout s’éclaire et notre sésame nous est enfin accordé dans la seconde. Au parking, nous récupèrerons le véhicule avec, négligemment posées, nos clés sur la porte ! Nous trouvons le procédé un peu désinvolte.
Soulagés, il nous tarde de faire route au sud et trouver un temps plus clément, il pleut jour et nuit quasiment depuis Paris.
Seattle, première grande ville de l’état de Washington nous livre une circulation d’enfer malgré moult autoroutes et autoponts en spirales futuristes. Sans intérêt majeur, nous roulons chaque jour à progresser vers le sud. L’océan Pacific est rejoint par la superbe route 101 en Oregon. Océan que nous ne trouvons pas bien pacifique, météo exécrable et rouleaux monstrueux se fracassent sur le rivage. Dommage. Forêts pluviales quasi vierges, côte rocheuse, falaises vertigineuses, agrémentent la conduite de panoramas fabuleux. Plusieurs estuaires sont franchis par des ponts gigantesques à l’architecture rappelant un peu les principes de notre ingénieur national Eiffel.
 
 
 
  Franchissement de plusieurs estuaires

 
      Au regard du temps passé à la douane, il est convenu de ne s’arrêter qu’après 18h30 / 19h. Mauvais plan, perdu un peu l’habitude, trouver un bivouac à notre idée à la nuit tombante sous la pluie battante, pas toujours évident. Un grand parking de casino est visé, les camping-cars sont habituellement bien venus dans ces établissements,  refusés illico, nous cherchons mieux dans les quartiers de la ville. Un espace libre dans une rue discrète me convient. Œil gris des mauvais jours, l’équipière n’apprécie pas particulièrement ce quartier peuplé d’indiens autochtones. Reprendre la route ce soir toujours sous la pluie ne m’emballe pas vraiment. En sortie de ville, un centre commercial aussi démesuré qu’élégant offre quelques hectares de parking. Visiblement des commerces haut de gamme. Qu’à cela ne tienne, nous n’irons pas plus loin ce soir et nous nous installons le plus discret possible dans un des angles le plus éloigné des entrées des boutiques encore ouvertes. Par discrétion, nous nous abstiendrons de sortir jacks et  extension. Bien nous en pris, car à plusieurs reprises une petite auto genre Fiat Punto portant gyrophare et mention « Security » sillonne les lieux. Rideaux baissés, aucun signe ostentatoire de vie à bord. A la fin du repas, la petite Fiat s’approche…
…et passe. A priori, il ne semble ne pas y avoir d’objections à ce que nous stationnions ici pour la nuit. Nous nous coucherons avec tout de même l’idée du risque d’être invités à quitter les lieux d’ici peu. Aux Etats Unis, il est peu banal aux motor-homes de dormir en ville ou en campagne autrement que dans un des innombrables campings disponibles. De vingt cinq à quatre vingt dollars la nuit, lorsque tu vis à l’année dans ton véhicule, la caisse du bord n’apprécie pas ce régime. Nous observerons que malgré la norme, nous sommes loin d’être les seuls. Au final, la petite Fiat ira dormir à l’extinction des enseignes.
                C’est une giboulée de grêle qui nous accueille au pti-déj. Sans tarder, nous poursuivons la descente de l’Oregon impatients de gagner la Californie réputée pour son climat plus clément. Plusieurs estuaires sont orientés ostréiculture et pêche aux crabes. A marée basse, nous aimons ces étendues de vasières peuplées d’infinies variétés d’échassiers ou oiseaux de mer à la recherche de leur pitance sur l’estran. Nous ne résistons pas sur un petit port de pêche à l’achat d’un beau crabe tout frais pêché, cuit sur le quai. Ici le crabe est roi, plusieurs sculptures monumentales prônent dans la ville et rappellent l’activité essentielle de la région.
    
       Bienvenue à bord                                         Sculpture monumentale sur le quai

                Plus tard, le relief nous conduit au cœur de la forêt, trombes d’eau alternent avec de furtifs éclairs de soleil mouillé. Pas étonnant d’observer nombre d’arbres aux ramures emmitouflées d’incroyables épaisseurs de mousse assorties d’aussi abondantes quantités de barbes de lichens.
      
  
Temps de cochons jours après jours !                               Témoins de l’humidité ambiante

Confirmation nous est donnée qu’ici, c’est bien le climat maritime humide qui prédomine. Les immenses dépressions issues du Pacific, barrées par la cordillère des Rocheuses se déchirent sur le pays, les précipitations en deviennent démesurées. Au plus profond du sous bois détrempé, apparaissent, de temps à autres, de lumineuses touches d’un fluo jaune ardent tapies dans les mares et ruisselets. Un arrêt d’observation s’impose. Nous découvrons ainsi une prolifération de magnifiques arums sauvages de belles tailles en pleine explosion florale. L’approche n’est pas aisée dans le sous bois inondé couvert d’une épaisseur de mousse invraisemblable. Plus tard, dans le même registre, ce seront de superbes jonquilles qui égaient les talus. Ceci ne manque pas de nous rappeler nos montagnes géromoises vosgiennes.
                 
            
 
                Arums sauvages et jonquilles en bordure de route  

 
Hors forêt, en prairies, il nous est donné d’observer aussi à cette saison des milliers d’oies blanches en cours de migration. Belle variante avec les sempiternelles outardes ou bernaches qui font partie de notre quotidien depuis nos premiers pas en Amérique du nord en 2009. Belle image aussi au sortir d’un estuaire, d’une colonie de lions de mer (race de phoques) qui se prélassent dans l’attente de la marée.               
 
       
                                         Lions de mer dans l’estuaire

                Passé quelques jours, après mille ou douze cent kilomètres vers le sud, il nous tarde de quitter la pluie permanente. Une escale de mi journée nous conduit dans un décor changeant de dunes littorales. Zone dite « state park » protégée et entretenue, tu dois t’acquitter d’un droit d’entrée de cinq dollars. S’il est vrai qu’une route est tracée agrémentées de parkings et de tables de pick nic, payer encore pour le repas de midi nous contrarie un peu. En voulant pour nos sous, une ballade de santé nous conduit à travers maigre maquis, bois flottés et quasiment tempête de sable aux abords du rivage. Furtivement, seules quelques photos sont prises par crainte d’endommager le matériel par le sable qui s’infiltre partout. Je regrette devoir quitter le lieu, personne sur l’horizon lointain, seuls au monde, j’apprécie ses immensités désertes parsemées de bois flottés quelques fois issus d’épaves diverses. Elles me transportent dans un irréel de poésie et de rêve du graal à portée d’imaginaire.
Accalmie d’un instant vécu, la pluie nous invite à reprendre la route du sud. 
 
    

    
                                               Décor dunaire au « state park » 

 
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