C’est par un matin frais de mars que Franky se présente au poste de douane uruguayen où tout se passe bien hormis l’absence d’un soi-disant document d’importation temporaire du véhicule. A notre entrée au pays, celui-ci a bien été enregistré (pour une durée admise d’un an) mais, malgré notre insistance, le préposé nous a certifié l’inutilité d’un document papier. Ambiance bon enfant, au final, tout s’arrange, le dit document d’entrée est produit sur place, ainsi, Franky bien entré en Uruguay dans l’instant, peut ressortir ! Pour l’Argentine, on nous autorise huit mois pour le véhicule et trois mois pour les personnes, ne cherche pas à comprendre, c’est ainsi ! Noter que nous avons la faculté de sortir au Chili et revenir le même jour pour remettre les compteurs à zéro.
Un immense pont sur un bras du fleuve Paraná et nos premiers tours de roues en Argentine se font en petites foulées comme à l’accoutumé. L’après-midi, en sens inverse, une circulation démente nécessite une attention soutenue durant cent à deux cent kilomètres. Des milliers de voitures, bus et autres motos convergent vers le nord par cette route nationale ordinaire. A plusieurs reprises, des voitures doublent et se trouvent face à nous pour enfin dévier dans l’herbe des bas-côtés. Les rares stations-services sont prises d’assaut et bloquées par le tumulte ambiant. Pas vraiment cool. A dix-sept heures, las, nous nous dévions vers un petit village pour nous y stationner jusqu’à demain. Nous apprendrons qu’un festival et concert ont eu lieu à une vingtaine de kilomètres d’ici.
Bien nous en pris, un homme rencontré sur place nous conduit volontiers au petit plan d’eau aménagé ou campeurs, caravanes et autres voyageurs sont les bienvenu avec eau, électricité et sanitaires pour quelques pesos. Quelques nids de perruches nous distraient un moment.
Un jour ordinaireAu matin, la nationale est calmée jusqu’à Bahia-Blanca grande ville industrielle en bord de mer ou nous allons galérer un long moment sur un périphérique à camions défoncé comme jamais vu. C’est au pas à slalomer sur cette fichue voie en ciment entre les nids d’autruches, plaques de béton superposées et autre anciens passages pas à niveaux et hors d’usages l’ensemble dans une atmosphère saturée de poussière. Bref, l’enfer une heure durant pour parcourir vingt kilomètres.
Enfin la « ruta 5 » puis la « 3 » contrastent par leur parfait état, elles nous propulsent vers le sud à bonne allure. C’est l’après-midi du second jour qu’environ mille huit cent kilomètres au sud de Buenos-Aires un panneau nous indique l’entrée en Patagonie. Dans notre imaginaire de petit français moyen, nous voyions cela bien plus au sud. C’est sans connaître précisément l’immensité de ce territoire qui s’étale d’ici jusqu’au cap Horn. Enfin, satisfaits d’être arrivés là, nous dégustons ce bitume confortable avec bonheur. Seul bémol, coté Atlantique, on doit se contenter de milliers de kilomètres carrés de maquis épineux clôturés en parcs avec une estancia au milieu d’un bouquet d’arbres et un village chaque deux cent kilomètres, même le bétail est rare, je ne parle pas de faune et flore. Si, si, quelques mulots se risquent à traverser la chaussée où nous croiserons une ou deux voitures dans l’heure.
Puis un jour… la Patagonie Moins rigolo, barrage de police et contrôle sanitaire. Le préposé se présente…
…permisso ? (
puis-je entrer ?)...
…si, si…
… Le frigo est ciblé. Il nous fait l’inventaire du congélateur, prélève quelques articles en baragouinant je ne sais quoi, mais nous comprenons bien que, côte de bœuf, grillades et jambon fumé risquent la confiscation. Pas super cool, la conversation est difficile, nous manifestons notre contrariété qui reste sans effet. Toutefois, il finit par nous expliquer que si nous pouvons faire cuire, on sauve la mise. Dans l’urgence, les trois feux de la cuisinières sont mis en batterie et les viandes seront mi- cuites et satisferont l’homme au képi. Il semble que la Patagonie soucieuse de sa nature vierge, applique particulièrement le fameux « principe de précaution ». Toutes viandes rouges, fruits, légumes et autres sont sujets à suspicion même s’ils viennent d’Argentine. Un certain label patagonien semble obligatoire. Dans un autre domaine, dès le lendemain, nous observerons que les commerçants ne délivrent plus aucun sachet plastique à l’inverse des autres régions où ceux-ci sont distribués sans compter ainsi, chacun fait ses courses avec ses cabas perso comme chez nous.
Nous prenons acte.
Notre premier objectif, la falaise d’El Condor est atteinte le lendemain. Village littoral à majorité de résidences secondaires, livré aux vents violents et tempêtes fréquentes à cette époque, d’ailleurs, en multiples endroits, des congères de sable fin envahissent trottoirs et chaussées. Un camping difficile d’accès reçoit les quelques voyageurs de passage. Nous y croiserons deux camping-car et un 4x4 tous plus ou moins « tourdumondistes ». Un micro office du tourisme nous étonne par sa présence active dans ces rues vides.
Que viennent donc faire ces quelques baroudeurs internationaux dans cet endroit ?