SOUS LES ETOILES DU MONDE
                                                  ou les voyages de Françoise et Jacky sur la planète bleue

 
 
Beau temps revenu, nos pas nous guident tout naturellement vers le port. Y sont amarrés pêle-mêle, navires de débarquement arctique, utiles au ravitaillement des villages Inuit isolés sur la côte nord, bateaux de pêches locaux en aluminium et fortement motorisés et curieusement quelques voiliers polyester de marque française qui nous paraissent bien fragiles au milieu de ce monde de brutes. Nous remarquons aussi un navire d’exploration scientifique et plusieurs chalutiers de l’extrême aux francs bords démesurés, aux étraves hyper défendues relevant d’une construction indestructible. Ces unités nous rappellent un documentaire télévisé faisant état de ces impensables campagnes de pêche en mer de Béring dans des conditions polaires impossibles à la recherche de ces crabes géants originaires du Kamchatka voisin.

 
                                   Au port de Sewart
A ce propos, ayant eu vent de cette pêche en Alaska, il était exclu de penser quitter le pays sans tenter une dégustation de ces fameux crabes géants. Directement cuits et conditionnés sur le bateau, oublier l’idée d’acheter sa bestiole vivante au pêcheur du coin. Plusieurs ateliers présentent des sachets de ces énormes pattes ou pinces aux cotés du saumon sauvage et du flétan des fjords. A noter qu’ici, rien n’est mis en vente en l’état, tout est immédiatement conditionné sous nos yeux et congelé dans l’instant. Il va sans dire que les prix sont en rapport avec la latitude du pays ! L’homme explique que le prix affiché en « promo » concerne les pattes, mais souligne t il, les pinces c’est bien meilleur…
…Ah, bon…
…Combien ça coûte ?...
…ah oui… quand même…
…Alors, partant du principe que nous ne risquons pas de repasser de sitôt, c’est encore quelques belles grandes pinces (compter env. 30 à 40 cm.) qui vont monter à bord et agrémenter un ou deux menus dominicaux. Je fais confiance à la maîtresse de maison pour cela.
Au retour, les organisateurs de charter pour pêcheurs amateurs fortunés débarquent leurs saumons sauvages de la journée, exposés pendus à un gros madrier sur palan, les valeureux auteurs ont droit à la photo souvenir de la part de leur guide du jour. Nous supposons les poissons remis dans le circuit commercial, les auteurs étant logés aux beaux hôtels étoilés.
Une note de retenue nous tenaille néanmoins devant ce spectacle…
… Comment ne pas faire un parallèle avec ces chasseurs de safaris africains du siècle passé. Chasseurs qui, posant sur leur tableau de chasse ont participé à la mise en péril de bien des espèces du continent noir. A la différence notoire qu’ici le braconnage n’existe pas.
            

                     
         A chacun sa pêche                 La fosse aux déchets… Impressionnante. 
Parallèlement à cela, les petits pêcheurs indivis s’alignent sur de grandes tables de nettoyage pour procéder à la mise en filets de leurs prises. Un nombre incalculable de saumons sont ainsi débités chaque soir, une fosse étrange à demi immergée reçoit les déchets. Nous comprenons mal comment ces déchets sont retirés de ces immenses fosses. Néanmoins, pas d’odeur désagréable ni de nuées de mouches. Il est vrai qu’ici, en Alaska, les mouches ont froid les pattes ! Au fond du port, une usine géante conditionne aussi des quantités invraisemblables de poissons dont des containers entiers de saumons sauvages. Des semi-remorques réfrigérés, long comme des trains,  attendent à quai.  C’est à se demander s’il en restera encore pour nos arrières petits enfants.
Sewart sera notre dernière escale sur le golfe d’Alaska. Valdès, fjord suivant nécessite un long détour pour atteindre un endroit superbe, certes, mais peut être répétitif après ses voisines de Sewart et Homer. Les jours commençant à s’égrainer, il nous à semblé opportun de penser déjà au retour. Cinq milles kilomètres environ nous séparent de Vancouver sans compter les petits détours inattendus.
Pour faire route au sud, pour l’heure, nous devons déjà refaire six ou huit cent kilomètres vers le nord afin de rejoindre la ville carrefour de Tok située sur l’Alaska Highway seule voie d’accès carrossable dotée d’un poste frontière. Des pluies torrentielles se sont abattues les jours derniers au nord du pays détruisant ainsi une seconde voie à peu prés praticable, la Klondike Highway. Afin de varier, il était prévu d’emprunter ce second passage même si coté Alaska, une cinquantaine de kilomètres restent non revêtue. Aujourd’hui, le problème est réglé, cette route est bien barrée à Tok. 
Plusieurs panoramas grandioses s’offrent à nouveau à nos yeux à travers les chaînes de montagnes successives. Retenons en particulier le glacier géant de Matanushka. Ce monstre et ses affluents de glaces sont tels, qu’arrivés aux pieds des monts du même nom, l’inertie  propulse à l’horizontale un immense champ de glace aux reflets bleu intense du plus bel effet. Quelques rayons de soleil furtifs vont illuminer cet ensemble féérique durant un bref instant. Emus devant ce spectacle, notre vallée blanche et notre mer de glace française font figure de ruisselets congelés. Pour info, hors affluents glaciaires, la surface du Matanuska avoisine les quatre cent kilomètres carrés. 

 

  
                                 La langue terminale du glacier Matanuska

Escale imprévue en arrière d’une auberge  pour cause de changement un peu épique d’une courroie sur le moteur. Isolée de deux cent kilomètres à la ronde, Eureka-Lodge joue le relais étape de la région. Surpris par la présence d’une chaussette d’aéroport, un minuscule aérodrome se devine dans le champ d’en face tout juste débroussaillé. Vers midi, un petit avion de tourisme nous survole au ras de l’antenne radio, se pose dans le champ, et vient se garer en bord de route. Le pilote cale l’engin avec des pierres pour cause de grand vent, traverse, vient manger un morceau, il repartira bientôt comme il est venu. 
 
                                                  Au hasard de la Glenn Highway

 

             Avion au parking d’Eureka-Lodge.                              Et encore un orignal…

A deux jours de route, Tok, carrefour stratégique sur la seule route de l’Alaska central est atteint. Nuit paisible en arrière d’une station service, d’ailleurs, comme souvent par ici, ces villes ne sont pas des villes, tout au plus une station multi services, quelques maisons éparses dans la forêt, un bâtiment administratif, parfois une vitrine d’artistes locaux, motoneiges, quads, pick-up et camions géants en escale parsèment le décor. Ce soir là, nous faisons connaissance d’un jeune couple d’argentins super sympa qui viennent d’Ushuaia en Terre de Feu en…
…Renault 12 !!!...

…Vieille comme Hérode, ils sont heureux comme des papes de réaliser leur rêve. Nous échangeons quelques infos intéressantes avec une étonnante facilité. Un tiers, d’anglais, un tiers d’espagnole et un tiers de français,  l’affaire est jouée. Sur une belle carte plastifiée, leur impressionnant parcourt se dessine donc de chez eux en Argentine pour descendre déjà à l’extrême sud du continent, Ushuaia. Vient ensuite une interminable remontée par la côte du Pacifique sud, traverser la cordillère des Andes et la Colombie pour prendre un navire qui les redéposent à Panama. De là, poursuite du voyage toujours par la côte Pacifique sur le nord du continent pour rejoindre l’Alaska. Maintenant, il leur reste « simplement » à rentrer chez eux en repassant par la côte Atlantique ! Jeune couple très ouvert, comment ne pas l’être lorsque tu t’engages dans un tel projet ?, souriants, passionnés, allure sans prétentions, ils méritent de réussir, nous les encourageons vivement. Echange d’adresse internet, nous sommes attendus en Argentine dans quelques années !

 
           Ushuaia Alaska A.R. en Renault 12 !                       Et pourquoi pas en tricycle ?
Au fil du temps, les observations d’ours, d’orignaux et autres deviennent quasi journalières.
 
                                 Famille de cygnes trompettes
 

                         Ourson noir sur la route                       et grizzli dans les fourrés.

 

 
 
  
                             Observation quasi journalière de grizzlis ou ours noirs
 
Dans un autre chapitre, il nous arrive de croiser plusieurs équipages…
…en vélo de randonnées ! Chargés de sacoches énormes et parfois de petites remorques. Nous restons pantois devant les distances à parcourir dans de telles régions.
               La frontière passée, peu de changement dans l’immense Yukon. A savoir simplement, d’une surface à peu prés égale à la France, on n’y compte que 4800 kilomètres de routes et 33000 habitants contre soixante millions chez nous. Cela donne une idée de la densité quasi nulle des hommes en ces lieux. C’est bien simple, les humains sont moins nombreux que les ours !
Au détour d’un chantier de remise en état d’un pont, proche et surpris, un superbe loup argenté adulte, puissant et regard perçant, il va se défiler dans les bosquets rapidement. Pour la photo, nous avons compris que chez les loups, on ne pose pas.
Descendant l’Alaska Highway, une petite variante sympa avant Whitehorse, nous mène à Carcross. Accrochée à son passé brillant lors de la ruée vers l’or du Klondike quand les prospecteurs y faisaient étape, Carcross était la bienvenue. Située juste après le franchissement des hautes montagnes côtières, au sortir du fameux col du Chilcoot. Au cours de cette période, une hardie voie de chemin de fer étroite est construite reliant Skagway blottie en bord de mer au fond d’un fjord Alaskan bien protégé  et Carcross qui va ainsi se développer rapidement. Bien rendormie, aujourd’hui, la ville joue la carte du souvenir. Locomotive, pont, bâtisses d’époque et musée en font une paisible escale aux quelques voyageurs de passage. Nous y croisons d’ailleurs un couple de français bourlingueurs. Connaissant Amérique centrale et sud, nous ne manquons pas de prendre bonne notes de leurs informations. Plus présentement, ils nous conseillent de faire l’aller et retour jusqu’au fjord de Skagway tant la route et jolie. Pas à cent kilomètres prés, nous voici à admirer effectivement cet itinéraire impressionnant.  A noter que situé dans la longue partie côtière du sud de l’Alaska, nous refranchirons une frontière menant au terminus de cette route de Skagway. Curiosité particulière du lieu, les couleurs d’un très grand lac glaciaire. D’un vert émeraude comme souvent par ici, l’eau passe à un bleu intense après un simple haut fond sablonneux. Vu à distance, l’effet est saisissant.


                       Vert émeraude, un simple banc de sable puis une eau bleu intense.



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