Parallèlement à cela, les petits pêcheurs indivis s’alignent sur de grandes tables de nettoyage pour procéder à la mise en filets de leurs prises. Un nombre incalculable de saumons sont ainsi débités chaque soir, une fosse étrange à demi immergée reçoit les déchets. Nous comprenons mal comment ces déchets sont retirés de ces immenses fosses. Néanmoins, pas d’odeur désagréable ni de nuées de mouches. Il est vrai qu’ici, en Alaska, les mouches ont froid les pattes ! Au fond du port, une usine géante conditionne aussi des quantités invraisemblables de poissons dont des containers entiers de saumons sauvages. Des semi-remorques réfrigérés, long comme des trains, attendent à quai. C’est à se demander s’il en restera encore pour nos arrières petits enfants.
Sewart sera notre dernière escale sur le golfe d’Alaska. Valdès, fjord suivant nécessite un long détour pour atteindre un endroit superbe, certes, mais peut être répétitif après ses voisines de Sewart et Homer. Les jours commençant à s’égrainer, il nous à semblé opportun de penser déjà au retour. Cinq milles kilomètres environ nous séparent de Vancouver sans compter les petits détours inattendus.
Pour faire route au sud, pour l’heure, nous devons déjà refaire six ou huit cent kilomètres vers le nord afin de rejoindre la ville carrefour de Tok située sur l’Alaska Highway seule voie d’accès carrossable dotée d’un poste frontière. Des pluies torrentielles se sont abattues les jours derniers au nord du pays détruisant ainsi une seconde voie à peu prés praticable, la Klondike Highway. Afin de varier, il était prévu d’emprunter ce second passage même si coté Alaska, une cinquantaine de kilomètres restent non revêtue. Aujourd’hui, le problème est réglé, cette route est bien barrée à Tok.
Plusieurs panoramas grandioses s’offrent à nouveau à nos yeux à travers les chaînes de montagnes successives. Retenons en particulier le glacier géant de Matanushka. Ce monstre et ses affluents de glaces sont tels, qu’arrivés aux pieds des monts du même nom, l’inertie propulse à l’horizontale un immense champ de glace aux reflets bleu intense du plus bel effet. Quelques rayons de soleil furtifs vont illuminer cet ensemble féérique durant un bref instant. Emus devant ce spectacle, notre vallée blanche et notre mer de glace française font figure de ruisselets congelés. Pour info, hors affluents glaciaires, la surface du Matanuska avoisine les quatre cent kilomètres carrés.
La langue terminale du glacier Matanuska Escale imprévue en arrière d’une auberge pour cause de changement un peu épique d’une courroie sur le moteur. Isolée de deux cent kilomètres à la ronde, Eureka-Lodge joue le relais étape de la région. Surpris par la présence d’une chaussette d’aéroport, un minuscule aérodrome se devine dans le champ d’en face tout juste débroussaillé. Vers midi, un petit avion de tourisme nous survole au ras de l’antenne radio, se pose dans le champ, et vient se garer en bord de route. Le pilote cale l’engin avec des pierres pour cause de grand vent, traverse, vient manger un morceau, il repartira bientôt comme il est venu.
Au hasard de la Glenn Highway
Avion au parking d’Eureka-Lodge. Et encore un orignal…A deux jours de route, Tok, carrefour stratégique sur la seule route de l’Alaska central est atteint. Nuit paisible en arrière d’une station service, d’ailleurs, comme souvent par ici, ces villes ne sont pas des villes, tout au plus une station multi services, quelques maisons éparses dans la forêt, un bâtiment administratif, parfois une vitrine d’artistes locaux, motoneiges, quads, pick-up et camions géants en escale parsèment le décor. Ce soir là, nous faisons connaissance d’un jeune couple d’argentins super sympa qui viennent d’Ushuaia en Terre de Feu en…
…Renault 12 !!!...
…Vieille comme Hérode, ils sont heureux comme des papes de réaliser leur rêve. Nous échangeons quelques infos intéressantes avec une étonnante facilité. Un tiers, d’anglais, un tiers d’espagnole et un tiers de français, l’affaire est jouée. Sur une belle carte plastifiée, leur impressionnant parcourt se dessine donc de chez eux en Argentine pour descendre déjà à l’extrême sud du continent, Ushuaia. Vient ensuite une interminable remontée par la côte du Pacifique sud, traverser la cordillère des Andes et la Colombie pour prendre un navire qui les redéposent à Panama. De là, poursuite du voyage toujours par la côte Pacifique sur le nord du continent pour rejoindre l’Alaska. Maintenant, il leur reste « simplement » à rentrer chez eux en repassant par la côte Atlantique ! Jeune couple très ouvert, comment ne pas l’être lorsque tu t’engages dans un tel projet ?, souriants, passionnés, allure sans prétentions, ils méritent de réussir, nous les encourageons vivement. Echange d’adresse internet, nous sommes attendus en Argentine dans quelques années !
Ushuaia Alaska A.R. en Renault 12 ! Et pourquoi pas en tricycle ?