SOUS LES ETOILES DU MONDE
                                                  ou les voyages de Françoise et Jacky sur la planète bleue

 
 
A une centaine de kilomètres, Lake Martin devrait répondre à notre attente. Au terme d’une route secondaire, une bonne piste graveleuse émerge des marais et entrelacs au couvert forestier généreux. Quelques échassiers nous distraient un moment. Quelques moustiques aussi ! Roulant au pas à deux mètres du bayou, nos regards fouillent roseaux nénuphars, fleurs de lotus et autres jacinthes et lentilles d’eau. Durant un long moment toujours à cinq à l’heure rien de particulier. Pour autant, l’endroit, inhabité et tranquille nous convainc qu’ici, faune et flore règnent en maître. A nouveau, nous percevons un tronc d’arbre traçant un sillage ! …
…Assurément voici ce que nous cherchons…
 …Stop immédiat et appareils en batterie…
… puis un autre à quelques mètres…
… puis, là, tout au bord, la gueule hideuse d’un alligator adulte de plusieurs mètres. Ses gros yeux observent, nullement inquiété par la présence de Franky et le raffut de son diesel. Immobile et quasi invisible, de notre cabine nous avons tout loisir d’observer les bêbêtes. Un gros os de cuisse de dinde est sorti de la poubelle de midi. N’étant guère qu’à un mètre cinquante de la gueule du monstre, je lui balance l’os qui se noie dans l’eau trouble. Vif comme l’éclair, dans un remous d’enfer, le caïman plonge et ressort instantanément gueule ouverte, il fracasse l’os entre ses mâchoires démentes dans un sinistre bruit de craquement. Dentition impressionnante, on confirme. Mieux vaut ne pas jouer la dinde ! Les deux ou trois autres compères nagent aux alentours, la loi du plus fort semble être de mise.
  

  
                                                      Sensations fortes à  Lake Martin
        

Nous progresserons sur quelques kilomètres jusqu’à un parking de terre battue. Un sentier permet de s’enfoncer au-delà de la piste carrossable. A notre regret, le sentier est fermé car les femelles alligators sont en période de ponte et cet itinéraire sillonne cette zone de reproduction. Dérangement et agressivité notoire peuvent générer des situations périlleuses.  Parcourant néanmoins les rives à pieds, nous croisons un jeune pêcheur qui s’évertue à nous expliquer qu’à quelques mètres d’ici, un gros spécimen se vautre hors de l’eau en arrière d’un bouquet de bambous. Nous l’apercevrons difficilement un pied sur la rive, l’autre sur un tronc d’arbre à demi immergé (un vrai tronc, celui-ci !), encore un monstre de plusieurs mètres qui se hisse sur un banc de vase dure. Une possibilité existe de contourner ce bras mort du bayou et ainsi d’en face observer au mieux le reptile…
…impressionnant, en toute sécurité, zoom aidant, image moyenne mais souvenir assuré.      
  
                                       Un des plus gros alligators observés
En faisant route inverse nous retrouvons les trois alligators dénichés à l’aller. Descendus du véhicule pour mieux observer, nous rembarquons immédiatement en s’apercevant que le plus gros alligator du groupe s’approche à vive allure pour atteindre la rive…
…Il a dû apprécier la dinde !  
Le bayou nous offre encore quelques images d’oiseaux rares, hérons bleu, ibis blanc, cardinal rouge vif etc. Nous apprenons aussi au cours de nos ballades à pieds à nous méfier dans les sous bois des gigantesques toiles d’araignées parfois tendues en travers des sentiers. Elles nous vaudront aussi quelques glaciales sensations (chapeau recommandé) et plusieurs images originales.     
  

 
         Quelques belles rencontres    
 
Sans camping rustiques dans le secteur, nous rejoindrons un bourg voisin pour passer la nuit sur un parking public en arrière d’une station service. Souhaitant sillonner encore ces bras morts du grand Mississippi riches de vie étrange, nous cherchons à joindre le state park de Lake Fausse Pointe. Carte détaillée en main, un trouble va nous induire en erreur. C’est passé quarante milles (env. 70 km) qu’il faut nous rendre à l’évidence. Il n’y a pas de route carrossable de ce coté de cet immense marécage de l’Atchafalaya (retient bien, je ne l’écrirai pas deux fois !). Nous rebroussons notre chemin pour à travers la campagne et les champs de canne à sucre trouver un itinéraire par les rives Est de cet entrelacs d’eaux stagnantes et de forets inondées. En fin de journée, nous sommes enfin installés en sous bois dans le camping sommaire de Lake Fausse Pointe. Sommaire mais très satisfaisant car en pleine nature, avec quelques autres passionnés de ces lieux avec même eau et électricité pour chacun. Cerise sur le gâteau, un petit ponton en bois sur le bayou nous autorisera au petit matin de déjeuner quasiment sur l’eau et ainsi observer à nouveau deux alligators de taille moyenne chercher pitance.

    
       Jeune alligator au pti déj !                              Bayou et forêt inondée
   
                                                               Compagnons d’un jour    
 
Un « nature trail » en français un sentier de rando nature est proposé. Un bon balisage est assuré. Juste trois ou quatre kilomètres. On s’embarque donc volontiers dans l’affaire. Terrain plat, plusieurs passages inondés ou marécageux sont équipés de passerelles, en somme un parcourt facile qui permet de s’immerger vraiment dans ce milieu tout de même assez hostile. C’est toutefois sans compter avec les milliards de moustiques et insectes divers qui pullulent en certain secteurs et aussi à nouveau avec ces toiles d’araignées maudites en travers du chemin. Nos vestes en moustiquaires étant restées bien rangées dans leur tiroir…
…pas bien malin, nous en prenons bonne note !
Nombre d’oiseaux multicolores agrémentent le secteur ainsi qu’échassiers divers. Les cardinales rouges découverts au Mexique il y a quelques mois sont ici légion et moins farouche encore. Le soir, lors du repas, notre voisin nous fait l’éloge de la confection de délicieux hamburgers sur un grill à bois assez original. Spontanément, nous avons droit à un exemplaire en dégustation. Pas fanatique de ce genre de menu, nous en apprécierons le geste et le goût peu ordinaire. Au final, agrémenté d’oignons, piments et herbes aromatiques, l’ensemble était très bon. Plus tard, soleil couché, en fin de repas, c’est plusieurs placides tatous qui nous tiennent compagnie fouillant le sol de leur museau corné. Des ratons laveurs apparaissent aussi de ci de là. Nuit tombante, je fais un dernier aller et retour sur la rive du cours d’eau. Un fracas de branches sèches et d’eau soudainement agitée trahissent la présence d’un jeune alligator. Dérangé, il glisse à la surface et s’éloigne en silence.
    
            La famille ratons laveurs                     Tatous à profusion

Le lendemain, il est prévu de joindre l’extrémité du delta du Mississippi. Bancs de sable émergeant à peine de l’eau, marais salants et roselières ondulantes. Une route nous conduit à travers les derniers villages de pêcheurs, pour certain protégés de digues en terre, pour d’autres, bâtis sur des pilotis parfois impressionnants.   
C’est Cocodrie et sa flotte de crevettiers qui va retenir notre attention. Sans prétentions, rives verdoyantes aux modestes bâtisses entre bananiers et petits appontements, ici, chacun vit de la pêche à la crevette particulièrement abondante dans le delta du fleuve.
   
                             Les crevettiers du delta du Mississippi

 
Au « bout du bout », existe une unité de conditionnement. Traînant la savate autour des bateaux, notre attention est retenue par deux hommes s’activant au coté d’un tapis roulant. De retour de pêche, ils trient, calibrent et conditionnent de superbes gambas encore tout frétillants. L’un des hommes, cajun pur, parle un français coloré mais compréhensible. Il prétend que notre français comporte un drôle d’accent !  Bon vivant, nous tentons de connaître l’origine de ses ancêtres. Comme beaucoup, bretons ou normands, vu d’ici, c’est vite mélangé ! Nous demandons s’il est possible d’acheter des crevettes…
__ Des chevrettes, rétorque t il.
__ … euh... yes, yes des chevrettes.
__ Combien k’t’en veux ti de livres ?
__ Eh bien… deux livres, lui dis je en expliquant que nous allons chercher l’argent au camping car. De retour, Georges nous avait préparé notre part de superbes gambas. (Crevettes en cajun se dit bien « chevrettes » !) Il refusa qu’on paye quoi que ce soit. Gênés, nous insistons mais rien n’y fera. Nous lui offrirons quelques modestes présents issus de la cambuse. Au regard de la quantité offerte, prés d’un kilo trois, nous en savourerons immédiatement une douzaine sur le grill avec toute la délicatesse requise à un fruit de mer instamment sorti de l’eau et congelons le reste. Il va sans dire que les crevettes d’élevage de nos hyper marchés européens sont, gustativement, à cent mille lieux des « chevrettes » de Georges.
   
       George le pêcheur cajun                        Gambas au menu

Nous quitterons Cocodrie pour rejoindre Grande -Ile, lieux assez similaire pensions-nous. Rapidement nous nous rendons compte que si bancs de sable, roselières et bayous s’entremêlent aussi au gré du grand fleuve et du Golfe du Mexique, les habitations des crevettiers ourlés des filets qui sèchent ont cédé la place à quelques agglomérations sans grand charme à l’horizon brisé, déchiré, de laides raffineries.
Le camping complet d’un  states park en bord de mer nous refuse. Au village, nous trouverons un espace pour la nuit avec eau, électricité et raccordement au tout à l’égout pour 20 $. Camping complet donc, c’est un aimable jeune homme qui s’occupera de téléphoner au coiffeur voisin qui habite proche d’ici et qui dispose de cet emplacement derrière son salon. Ainsi, nous procédons aux vidages des eaux usées et au remplissage d’eau propre.
   

  
                                 Dans le delta on sait prévoir… 
         
Le lendemain, quittant la mer et la foule du week-end, nous roulons vers le nord par plusieurs kilomètres de ponts de béton en voie d’achèvement. De nombreux chantiers titanesques, à l’échelle du pays, sont encore en cours suite au désastre du dernier cyclone Katerina d’août 2005. Travaux que nous retrouvons proche d’un petit camping aux abords de la Nouvelle Orléans. Digues, tranchées et bassins de rétention transforment le paysage pour la sécurité de la ville située pour partie sous le niveau du fleuve. De fait, nous découvrons les bayous proches du camping asséchés, faune et flore sont défuntes, tout est tari, épuisé et mort. Assurément, s’il en va de la survie des habitants, nous dirons que c’est un mal pour un bien.
                Visiter les grandes mégapoles en toute sécurité reste toujours un souci. Le prédateur le plus redouté demeure… l’homme. Plan détaillé de la Nouvelle Orléans aux mains du copilote, nous tentons une approche du centre par un casino géant disposant sur le papier d’une grande surface de parking. Souvent les bienvenus dans ces établissements, les camping-cars disposent de places de parking spécifiques. Sauf qu’ici, les parkings, pour géants qu’ils soient sont à étages… !
… Mauvais plan…
…à travers ruelles étroites…
…si si, ça existe aux USA, notamment à la Nouvelle Orléans… !
…le hasard nous amène à traverser quelques authentiques rues aux petites maisons de bois mi créoles, mi coloniales à la grâce indéniable pour ensuite longer d’interminables docks vétustes et  passer de quartiers louches à ultra modernes pour revenir au final proche du « Quarter French », le centre historique et artistique de cette ville de légende. Une rue adjacente autoriserait de stationner Franky à la journée…
…hésitation…
…on avance encore quand apparaît un écriteau « French Quarter RV resort » …
… un RV park (en français, un camping) à deux pas du centre, hyper propre, gardé, clôturé, portail à digicode et tous branchements disponibles. Le top pour l’endroit. Seul bémol, les quelques immenses RV américains rutilants, aux extensions de partout, stationnés là, laissent augurés qu’ici une carte bancaire « extra gold » reste la norme standard. Office feutré, moquette profonde et mobilier sobre, sans complexe nous demandons le prix de la nuitée…
… Ah oui… 
… quand même…
…Il est vite réfléchi que si nous voulons voir un peu des nuits de la Nouvelle Orléans, c’est…
… cracher au bassinet où risquer dégradation et insécurité par méconnaissance des environs…
…quatre vingt dollars, record de Los Angeles battu !
Au final, situé à deux cent mètres du centre, nous trouverons que le jeu en vaudra la chandelle. Malgré que, renseignements pris, les rues du cimetière St Louis sont à éviter seuls de nuit. Hors, les deux cent mètres à parcourir pour sortir longent le fameux cimetière. Nous nous rassurons par le nouveau poste de police proche et par un article de notre guide favori qui prétend que le quartier déshérité voisin est en pleine mutation. Malgré tout, nous déciderons de rentrer avant la nuit noire.
Le cœur de La Nouvelle Orléans nous happe en début d’après midi. Nous sommes vite séduits par ces anciennes bâtisses aux balcons de fer forgé aux caractères mêlés d’accents créole et victorien.
    
             Le charme de l’architecture locale dans New Orléans
A cette heure, les rives du Mississippi s’active nonchalamment, un authentique vapeur à aube accoste dans un bel air de jazz de circonstance. Véritable pièce de musée, ce navire fonctionne toujours à la vapeur pour le bonheur des touristes embarqués à la journée. Sur le quai, un saxophoniste enrichit l’ambiance de quelques rythmiques…
… Ce fût un très bel instant.
   
            Un vénérable vapeur à aubes                               Sur le quai, le jazzman

 



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