SOUS LES ETOILES DU MONDE
                                                  ou les voyages de Françoise et Jacky sur la planète bleue

 
 
 Cent mètres après, quelques modestes bâtiments plus conventionnels se dessinent, administration et bureau de police, une deuxième rue à droite chalets rustiques et maisons simplettes apparaissent ordonnées. Un superbe panonceau indigène nous l’indique, nous sommes bien à l’entrée de Waswanipi la réserve autochtone.

       
  
                                                                                  Bienvenue à Waswanipi
 Un peu tôt pour l’escale mais hors de question de griller une telle étape pour une histoire d’heures. L’entrée du village reflète vite les descriptions faites par les médias à propos de ces peuples déracinés et spoliés de leurs territoires. Limitrophe avec les Inuit au nord, la communauté ci s’appelle les Cree (ou Crii) et disposait de toutes les terres de la fameuse baie de James, à savoir environ 70% de la surface de la France pour quinze milles personnes. Seulement, il s’est trouvé que l’état canadien à découvert des gisements de cuivre, de zinc, d’argent, d’or, des opportunités d’hydroélectricité immenses  et que s’ais je encore. La notion de propriété privée étant absente de la culture Cree, il fut assez simple de s’approprier ces richesses et par là même les terres puisque les compagnies minières tracèrent les routes et ouvrir de nombreux chantiers. Les Cree vivant de pêche, de cueillette et surtout de chasse, la cohabitation devint difficile. Néanmoins, des négociations et des procès avec l’état canadien donnèrent gain de cause au peuple. C’est ainsi que des réserves ont été crées où leurs droits ancestraux sont reconnus mais qui plus est, l’état leur à construit ces villages contemporains, ils ont ainsi accédé au confort moderne d’un jour à l’autre et sont en quelques sorte subventionnés coquettement à vie. On peut donc ne pas s étonner de les voir avec des pick up 4x4 à moteurs v6 voir v8 dernier cri, des quads et moto neige à profusion. Certain travaillotent pour la communauté, d’autres ont pensé que du business à son compte ça peut rapporter beaucoup plus, puis malheureusement, le reste entretient une oisiveté chronique. Alcool et drogue font leur ravage insidieusement. A circuler au pas dans les rues, de nombreux enfants plein de vie respirent la santé et s’éclatent en plein air en ce début d’été. Des jouets modernes des un et des autres jonchent trottoirs et ruelles (rappelle toi… pas de propriété, ce qui est à toi est à moi et vice versa). Tout traine un peu partout et tu as le sentiment qu’ici, en maisons,  ils vivent comme avant-hier dans leurs tentes de camp de chasse. Plusieurs bâtiments publics, écoles, églises, gymnases sont d’une architecture superbe à structure bois lamellé en parfaite harmonie.
Bientôt, nous voici face à un grand parking voisin de la caserne des pompiers. On se stationne discrètement. Françoise propose que nous demandions aux pompiers s’il n’y a pas d’objection. Leur avis est mitigé. L’école étant achevée, les jeunes peuvent trainer un peu disent ils, Pas méchants mais plutôt trop curieux, rares sont les véhicules de ce type qui séjournent ici. Quelques graffitis sur un bâtiment à l’écart confirment qu’il n’y a pas que des anges. Sympa, le pompier nous propose d’aller nous installer au camp en bordure de rivière, là justement ou nous avions aperçu les authentiques tipis indiens. Pas certain d’avoir bien compris, on fait répéter, il confirme. L’émotion nous serre un peu la gorge, aller s’installer là bas…
… à priori ridicules, idées reçues, vieux réflexes d’occidentaux soi disant évolués, va savoir…
…Quelques précédents dans le passé nous ont conduits à plusieurs reprises à vivre des moments forts, suite à approches délicates ou improbables. Fort de cela, prenons sur nous et suivons le conseil du pompier. Juste avant la piste d’accès au camp, le bureau de police. Aller dormir là bas… est ce bien raisonnable ??? Stationné, je descends demander l’avis des policiers. Pas le temps, notre pompier nous suivait en pick-up, il nous invite à prendre la piste du camp, nous comprenons vaguement qu’il va téléphoner au chef de bande pour l’aviser de notre arrivée, fait demi tour et disparait. Devant le fait accompli, au pas, on s’engage sur la berge de la rivière, le décor est grandiose, jours après jours, nous ne cessons d’admirer ces superbes cours d’eau gigantesques qui s’écoulent ainsi au beau milieu d’une nature vierge dépourvu de toute intervention humaine, la forêt originelle plonge ainsi des rives depuis des millénaires. Aucun plastiques, déchets, aucun béton, rien de nouveau depuis la création. Cinq à six cent mètres, apparait l’entrée du camp, tout clôturée de bois. Un espace est libre en avant. Toujours hésitant nous ignorons s’il n’est pas malvenu d’entrer et pensons un instant nous garer devant. Personne à l’horizon, nous nous enhardissons et entrons lentement. En fait, Trois ou quatre tipis sont présents ainsi que deux  plus grandes installations plus communautaires, au fond un grand et beau chalet se dresse, quelques personnes vaquent. Nous avions appris au fil de nos lectures et infos que face à des communautés autochtones quelle-quelles soient il est de bon ton d’aller saluer et présenter toutes requêtes  au  chef de clan. Stationnés en retrait, nous nous approchons d’un homme embrumé qui semble ne pas parler notre langue, il nous indique d’aller voir à l’intérieur du chalet. Là un visage Cree pur jus, taillé à la serpe nous écoute étonné, il acquiesce, accepte mais va soumettre toutefois le problème à son épouse. Aucun souci, nous pouvons nous installer où bon nous semble. Comme nous remercions, il nous surprend en nous informant qu’un jeune français campe ici pour ses études. Nous voici donc installé face au confluent des deux plus grandes rivières du coin.
  

  

               Notre installation à WASWANIPI
 A nouveau, le décor est fabuleux relevé par la présence des tipis, déserts  aujourd’hui. Ils sont réservés aux locaux de passage lors des rassemblements épisodiques liés à leurs traditions. La semaine précédente, une grande cérémonie familiale eut lieu en l’honneur du petit fils de Georges, chef de bande qui à trois ans se doit de tirer son premier coup de feu et donner ainsi l’illusion d’abattre une outarde (oie Bernache). Une oie tuée sera effectivement traînée par le poulbot jusqu’ à l’intérieur du tipi pour la partager. Il accède ainsi au rang de chasseur, activité première des Cree.
Emplacement choisi, véhicule calé, extension sortie, nous admirons le panorama ainsi offert. Quand quelqu’un frappe…
… C’est Georges,  qui vient nous saluer, monte à bord d’emblée pour faire connaissance. Il découvre, s’étonne de notre ordinateur et nous invite au café pour le petit déjeuné du lendemain au chalet. Charlotte fait du bon café insiste t il. On parle de choses et d’autres, puis persiste pour que nous le suivions au chalet pour le café… ??? Il est dix sept dix huit heures, l’idéal pour hypothéquer le sommeil de la nuit. Qu’à cela ne tienne, nous voici dans ce superbe chalet financé par l’état, en partie construit par la communauté utilisé au titre de lieu d’accueil, cuisine commune au service des plus démunis et maison culturelle. Nous y retrouvons Paul ce jeune français étudiant en anthropologie qui nous apprendra énormément sur l’histoire de ces communautés aujourd’hui reconnues et respectées. Georges nous montre et explique photos et vidéo de chasse ou de pêche (appareils numériques, caméscopes, cartes mémoires, rien n’y manque !)Les scènes défilent, on voit ainsi la famille en semi nomade dans les camps de chasse isolés du grand nord. Orignaux, ours, brochets et sandres énormes sont au programme, le castor est aussi très apprécié, les bleuets, variété locale de grosses myrtilles sont cueillis. Il nous apprend que l’hiver dernier, particulièrement rude, des loups se sont approchés du village par la rivière gelée, les hommes ont veillé pour la sécurité des enfants. Le début de soirée passe ainsi, au menu, café et café, pâtisserie et café. Un moment, Françoise me rappelle avoir enfoui au fond de ma poche des ballons à gonfler, les gamins s’illuminent et s’agitent, les parents apprécient le geste. Nous avions embarqué dans les valises une centaine de ces ballons ainsi qu’une cinquantaine de mini tours Eiffel à offrir en pareil circonstances.  
A l’extérieur, en sous bois, un feu de camp crépite, à la nuit tombante quelques familles sont là à palabrer, nous les rejoignons et Georges entonne quelques chants anciens imprégnés d’une certaine  mélancolie accompagné de sa guitare. La fumée s’élève délicatement, les étoiles  veillent, la rivière tient dans ses bras l’éclat d’argent d’une lune qui écoute. Le feu va mourir tard dans la nuit boréale…
… Et si c’était cela que nous sommes venus chercher ???
… Alors merci au peuple Cree.
 Mais plus encore, où et combien de communautés entretiennent un mode de vie aussi pur en symbiose avec la planète ? Que ces Messieurs des « Grenelle de l’environnement » écoutent donc avec l’humilité due ces civilisations ô combien avancées aux nôtres.
 
   Nous offrons des ballons aux enfants                                    Guitare et feux de bois
               Au petit matin, alors que les premiers rayons dorent et caressent les cimes des épinettes, nous rejoignons le chalet, Charlotte à préparé café bacon et toast. Charlotte réalise aussi avec les peaux tannées des animaux chassés mocassins tenues et vêtements traditionnels de superbe facture. Quelques modèles habillent les murs.  Sans stock et peu habituée à avoir des demandes sur place, ses fabrications sont transférées régulièrement aux magasins spécialisés des grandes villes. Dommage, l’occasion était belle d’acquérir un bel objet  empreint d’une chaleur humaine peu commune. De superbes peaux de loups, castors et ours noirs tapissent les rondins vernis. Rappelons que la chasse est extrêmement encadrée au Canada, mais ici, les droits ancestraux de chasse demeurent pourvu qu’aucun trafic  illicite n’en découle.
Paul est présent, note et étudie, s’intéresse  aussi à notre projet, notre style de vie, mais notre route est longue il faut bientôt s’arracher à cette entracte dont le souvenir restera gravé à vie dans nos mémoires.
Satisfait, nous reprenons notre direction nord est. Passé la rivière Chibougamau, un deuxième village autochtone est signalé à petite distance de la nationale. Un simple aller et retour et nous aurons vite compris le peu d’intérêt du lieu. Immense chantier où se construises par centaines ces maisons bientôt destinés à ces familles indigènes. Quelques quartiers sont déjà habités, les édifices publics d’une architecture mi futuriste, mi écolo-intégrée sont soignés l’ensemble est quadrillé à angle droit dans le plus pur « made in USA ». Fuyons, on n’est pas là pour ça ! A retenir tout de même l’idée d’un système ingénieux de chauffage et production d’eau chaude communautaire par combustion de billes de bois. 
Vers seize heures nous entrons dans Chibougamau, petite ville à la limite de la taïga, latitude maximum de ce premier périple nord canadien. Personne à l’accueil du camping, nous nous adressons à la mairie qui nous renvoie au centre d’information touristique aux portes closes. Fouinons un peu et nous voici bientôt installés sur le parking de la bibliothèque municipale. Encore ouverte, belle occasion de se connecter sur le net, récupérer du courrier et envoyer quelques courriels urgents. Pendant ce temps, Françoise consulte divers ouvrages sur la faune locale.
Plusieurs jours de vie en autonomie, quelques courses s’avèrent nécessaires et une lessive est à prévoir. Douches sans compter l’eau sont aussi appréciables. Le camping nous apporte ces petits éléments de confort. Il est mieux d’être branché pour notre machine à laver du bord qui assécherait un peu vite la réserve d’eau propre tout en remplissant à la même cadence la réserve d’eau usée. Une placette calibre tente de rando nous est attribuée. Tant bien que mal, nous y glissons Franky, soleil bas en direct sur les trois mètres carrés du pare brise j’en ruisselle encore de sueur, un généreux flux de clim dans la figure et me voici aphone avec une angine en prime. La semaine sera assez pénible. Tisanes, pharmacie, fièvre apparente et nuits grisâtres.
Aujourd’hui, une marque est à virer. En effet, notre route plonge dans le sud vers l’estuaire du ST Laurent. Le concessionnaire qui hivernait notre véhicule devrait avoir reçu les pièces utiles aux réparations prévues suite à la tentative d’effraction avortée sur Franky. La robustesse des ouvertures ayant  eu raison de ces malandrins.
Toujours avide de faune et flore, nous choisissons la route 167 qui traverse la réserve faunique d’Ashuapmushuart. Un seul accès et un seul camping rustique sont autorisés. Les gardes du parc veillent, nous indiquent notre emplacement et nous soustraient une poignée de dollars. L’endroit est à notre goût, certes, sous bois dégagé, espace généreux, vue sur le lac et relative sécurité. Les services s’arrêtent là. Nous payons un simple droit de stationnement en pleine nature trente cinq dollars pour la nuit. (23,00 euros)L’importance du véhicule n’y étant pour rien à l’affaire, c’est le coût de la place peu importe que tu t’installes avec une petite tente de rando ou un bus de quinze mètres.

    
   
               A la réserve faunique d’Ashuapmushuart              Juste au dessus de Franky !

Un petit homme nous observe avec attention durant la manœuvre, il s’approche, nous fait observer qu’avec nos pavillons tricolores nous ne pouvons être que français comme lui. La conversation s’engage, passionné de pêche et bourlingueur, il nous compte ses expériences où plusieurs destinations communes aux nôtres relèvent l’intérêt (Finlande, les Lofoten en Norvège, le Yukon, l’Alaska, Spitsberg et Groenland). Rappelé bientôt par son fils qui entend ne pas rater le « coup du soir », il nous compte avoir pris brochets et sandres par dizaines la semaine passée et propose si cela se renouvelle de nous offrir une prise demain matin, sans garantie toutefois. Nous apprécions le geste mais resterons sur notre faim ! Seule une modeste friture sera à leur menu.   Le site étant destiné uniquement à la pêche bien que strictement encadrée, chaque prise doit être enregistrée et leur nombre limité, peu d’autres activités sont possibles. Aucun sentiers de rando et seule une petite balade aux alentours est faisable.
            
                       Liliacée  boréale                            Tétras du Canada (femelle)
Un peu avant le lever du jour, un cri d’oiseau juste au dessus nous interpelle. Rauque et puissant, l’animal n’est pas anodin. Je risque un œil et reste penaud, plus rien, feuillus et résineux sont désertés. Il est moins de six heures mais réveillé, comme à l’accoutumé, je me mets au travail et rédige quelques page dans la quiétude de l’aube.
Assez tôt, nous reprenons la route nous menant à Doré petite bourgade nommées dans les guides pour son moulin du XIXème toujours en état de fonctionnement. Bâti sur une rivière à saumon, le moulin anime une scierie. Seuls visiteurs ce jour là, Williams le guide nous fait une démonstration complète activant vannes et machines outils où transite une grume qu’il transforme en madriers, planches et bardeaux de toiture. Williams souligne l’ingéniosité des systèmes de l’époque. Tout étant réalisé en bois. Pour exemple la conduite forcée d’une cinquantaine de mètres  issue du barrage est conçue comme un immense tonneau cerclé. Des orifices sont prévus pour évacuer le surcroit de pression lors des variations des ouvertures de vannes. Chaque poulie de bois sur axe métallique est munie d’un coussinet en écorce de bouleau qui serré à la faculté de coller les deux éléments ensembles et transmettre ainsi le mouvement aux multiples courroies en cuir issues des peaux des bêtes chassées dans le secteur. Seul le support des lourdes turbines en fonte est en bois d’ébène importé. Une intéressante démonstration de découpage de tuiles en bois va clore la démonstration. La visite du site se poursuit par une ancienne maison au mobilier et accessoires d’époque ainsi qu’un circuit des installations extérieures. Une tour de guet pour prévenir des risques d’incendies de forêts offre un panorama exceptionnel sur les environs.  
Le lac St Jean décrit dans tous les manuels est vite atteint. La physionomie change les belles propriétés inondées de verdure remplacent progressivement la forêt primaire. Les demeures restent dans le style nord  canadien sans sophistication inutiles. Pas de clôture comme partout, d’ailleurs, une biche de Virginie nous observe tout en broutant le beau gazon d’un domaine inhabité. Toujours à l’image du pays, les hectares ne se comptent pas, le premier voisin n’est pas en vue. A l’approche du lac, les bâtisses se resserrent, les rives deviennent privées et inaccessibles, on retrouve une urbanisation équilibrée au regard du lieu mais que nous avions oublié bien volontiers dans les territoires du grand nord. En rive sud-est, une petite communauté Amérindienne est signalée c’est donc naturellement vers Mashteuiatsh que Franky se dirige. Ici, pas d’habitat traditionnel, des logements honnêtes pour une tranche de population pas encore très standardisée. Aux façades de multiples signes témoignent d’un farouche attachement à la mémoire indienne.

 
     
                              Pas d’erreur, nous sommes bien en territoire Amérindien
Un superbe bâtiment contemporain abrite le musée Amérindien fort  intéressant. De nombreux objets d’époque sont présentés, leurs fabrications avec les seules matières disponibles, (peaux, os, bois, racines, écorces, pierres etc.…) sont parfaitement représentées ainsi que l’activité journalière. Situé dans une rue secondaire, nous avançons au pas, je marque l’arrêt à l’entrée du parking pour laissé le passage à un cycliste hésitant qui s’écroule littéralement contre nous. Autochtone ivre, il s’est légèrement blessé, son genou saigne modérément il me regarde hébété, Françoise lui propose un pansement et du désinfectant mais il repart à pied en titubant jusqu’à une entrée d’immeuble. Prudemment, nous allons nous stationner à distance pour visiter le musée. Passé la visite, l’endroit nous paraît opportun pour la nuit, mais à courte distance, notre indien cycliste est vautré dans le gazon entouré de ses acolytes occupés à picoler sans réserve. Passons notre chemin.
Plusieurs jours sans campings, anniversaire de mon équipière et fête des pères, que voici de bonnes raisons pour s’offrir un bel objet artisanal en souvenir de ces régions. Ici, pas de « made in China », pas de pacotille synthétique aligné au kilomètre chez les « marchands du temple » que de l’artisanat local. Les prix sont évidement en rapport avec la minutie du travail. Il faut savoir ce que l’on veut… Une petite réplique de canoë en écorce de bouleau cousu de racines séchées  va prendre place dans le salon de Franky.
                       

                              Réplique de canoë amérindien en écorce de bouleau



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