…pas touche ! Ce n’est pas la première fois que nous observions les campeurs faire leur feu avec de belles buches de bois sec achetées en sachet plastic. Un comble quand on sillonne un pays aussi immense couvert à 80% de forêt. Nous avons donc pris beaucoup sur nous pour nous rendre à l’accueil et acheter pour sept dollars un paquet de belles buches de bouleau calibrées assorti d’un paquet d’allume feu. Eh oui, pas touche aux brindilles pour allumer c’est un délit !
Au menu, saucisses grillées et salade de pommes de terre…
… Imagine le bois du feu coûte plus cher que les saucisses !
J’exagère, le sac nous fera tout de même trois barbecues et les saucisses quelques bouchées.
Barbecue, tente anti moustiques et sept dollars de bois ! A ce tarif, le lendemain, les bûches partiellement consumées sont promptement récupérées. En après midi, une balade aux alentours nous conduit en bord de route forestière sans grand intérêt manière de se dégourdir les gambettes. Feuillu dense et demi-marécage, peu de fleurs…
…je stoppe net…
…retient instinctivement ma voisine…
…Là, à trois mètres en contrebas, sous les branchages, un remous vigoureux dans l’eau stagnante m’interpelle, vite cadrer, clic, clac rapide…
…Un superbe orignal, surpris à brouter quelques plantes semi-aquatiques. Déjà un beau spécimen. Il va se retourner sans hâte pour s’enfoncer dans la pénombre du sous bois. Juste le temps de déclencher trois fois à la volée pour des images douteuses. Françoise a la chance d’appuyer deux fois avec un meilleur cadrage et c’est tant mieux.
Sauf que…
… A décharger dans l’ordinateur, il nous reste une micro séquence vidéo de trois demi-secondes. Because, son appareil, par inadvertance en fonction vidéo, un premier déclic enclenche, le second arrête ! Résultat, au lieu de deux photos successives, tu te retrouves avec un film ridicule.
Le lendemain une petite rando est au programme de difficulté et dénivelé moyen. Le casse croute dans le sac, nous sillonnons à travers bois et cascades. Des buissons d’azalées en fleurs s’étalent sous nos yeux. Arrivé au belvédère prometteur, la vue s’étend sans fin sur la forêt, dommage qu’un énorme complexe hôtelier juste en contre bas ne gâche le spectacle. Contrariés, pas de photos ! Par contre un banc permet de bien s’installer pour le casse croute. Une petite équipe de joyeux lurons nous tiendra compagnie et feront causette. Nous parlons même navigation, ce sont aussi des voileux. Au retour, repas du soir conclus rapidement, une conférence sur les caribous est prévue au centre d’information du parc à deux kilomètres d’ici. Désireux d’aller observer ces animaux le lendemain au mont Jacques Cartier situé dans la plus haute partie du parc, nous nous rendons au rendez vous prévu vers dix neuf heures trente. Nous écouterons avec attention et le naturaliste nous libère une heure plus tard. Seulement, la nuit est tombée et deux petits kilomètres à pied en pleine forêt canadienne par nuit noire, qui plus est, dans un sanctuaire de la faune sauvage, avec juste une lampe torche, crois-moi tu bas tous tes records de marche rapide !
Le lendemain, mon équipière souffre de son genou, la rando un peu escarpé de la veille se fait payer au comptant. Partant du principe que le caribou n’est ni plus ni moins que le renne européen que nous avons vu par dizaines en Laponie en 2001, nous déclarons forfait pour le mont Jacques Cartier et ses hôtes pour faire route et progresser un peu.
Approchant de la réserve faunique de Matane, dépliants et guides vantent la présence de nombreux orignaux en arrière pays dans les contreforts du massif des Appalaches…
… On veut voir et ramener des photos !
Renseignement pris, le meilleur guide du pays semble t il (ce sera vrai) se propose de nous y conduire en 4X4. Le coût non négligeable nous fait hésiter un peu, mais finalement, rendez vous est pris pour quatorze heures. Les lieux d’observations étant assez éloignés, passé l’approche, les orignaux se montrent discrets. Deux sites déserts nous laissent perplexes. Francis, est tendu, il veut nous satisfaire, il explique, raconte, parle de ces animaux avec une passion rare. De piste forestières en chemins défoncés, nous passons de sous bois en zones déboisées sans le moindre indice. Demi-tour, Francis se dirige vers des lacs souvent fréquentés par ce gibier. Stationnés sous le vent du lieu, l’odorat des bêtes est toujours très développé, l’approche doit être discrète, il faut toujours veiller à éviter l’effet de surprise. On ne claque pas les portes et on ne communique plus que par gestes. Francis en tête, nous suivons silencieusement. D’un geste…
…Stop …
…Là bas…
…à cent mètres, à demi immergé, une masse foncée se distingue en arrière de très hautes herbes. Occupé à brouter ses plantes d’eaux favorites, il aurait put passer inaperçu pour les néophytes que nous sommes. Dés lors, jumelles, trépied et zooms en faction, il suffit d’un peu de patience pour que l’animal redresse la tête et lui tirer le portait. A distance, un couple en canoë est occupé à pêcher sans qu’il s’en émeuve. C’est déjà un beau spécimen adulte. Nous l’observerons un moment quand, à l’opposé du petit lac, un autre adulte apparaît tout aussi imposant. Rappelons qu’en taille, c’est minimum l’équivalent du cheval, donc respectable et impressionnant. Il a fière allure l’animal. L’environnement est conforme aux images sur papier glacé des beaux livres, c’est enivrant…
… quelques clichés…
Sur la piste des orignaux Lac suivant, l’orignal est absent par contre, l’œil avisé de Francis nous fait découvrir à la cime d’un grand arbre un magnifique aigle pêcheur. En fait, un balbuzard pêcheur. Ce rapace à lui aussi bien fière allure, son envergure peut atteindre un mètre quatre vingt ; ne manquons pas d’en faire quelques belles images. Le temps passant, Francis décide de monter un peu en altitude en empruntant un dédale incroyable d’anciennes pistes forestières plus ou moins abandonnées, envahies d’arbrisseaux parfois plus hauts que le 4X4. L’érosion à œuvré sérieusement sur un passage étroit, la majeure partie de la piste à été emportée à la dernière fonte des neiges. Le guide présente le véhicule avec précaution, la carrosserie débordant du passage, avant de s’engager, il descend voir si les roues sont bien alignées sur ce qui reste de pierraille, puis première et vite nous voici passés ! A postériori, il nous contera que ses précédents clients ont souhaité descendre de la voiture avant le passage ! Un nouveau lieu d’observation est proche. Un orignal est présent dissimulé dans le feuillu. Surpris et apeuré, il détale sur le champ. Arrivé à flan de montagne, nous stoppons et Francis nous propose un pic-nic sur cet espace dégagé permettant durant ce temps une observation des lieux. Table, chaises, réchaud et glacière sortent du coffre .Il va ainsi nous cuisiner de la viande d’orignal de sa chasse avec une sauce au vin et quelques jeunes légumes qui vont réveiller nos papilles d’européens. Fin de repas, ciel triste et quelques gouttes nous invitent à ranger et poursuivre nos recherches. Début de soirée, le jour s’effrite, c’est le meilleur moment dit le guide ; mais il pleut, dés lors, les animaux vont rester à l’abri dans la forêt, difficile pour nous de les apercevoir. La pluie ne dure pas, Francis prévoit que si la pluie s’arrête, ils vont sortir à découvert car le goutte à goutte des arbres va les faire bouger. Roulant au pas, en lisière éloignée, une bête est aperçue. Aux jumelles, c’est une grande femelle et son petit à la robe claire. Quelle belle image que voici encore. Peu de temps après…
Un jeune mâle aux bois bien formés
…Stop immédiat, un jeune mâle aux bois déjà bien formés est là à cinquante mètres, en travers de la piste. Pas un geste, il nous observe, s’inquiète mais Francis l’appelle en imitant le râle des femelles en chaleur ! A plusieurs reprises il nous fera le coup, l’animal est de ce fait remis en confiance et va jusqu’à s’approcher un peu. C’est vraiment spectaculaire. A un moment donné, son odorat va faire la différence et là seulement, il va disparaître. Plus tard, à la tombée du jour, une dizaine d’observations auront à nouveau lieu jusqu’à un jeune qui pour s’enfuir, trouvera que la piste lui convient. Francis se garde bien d’essayer de le dépasser de peur de le blesser, nous allons le suivre à petite vitesse ainsi durant un bien long moment.
Le retour se fait à vingt deux heures trente, un peu meurtri par les heures de trépidations en 4x4 mais ô combien satisfait de cette journée.
Quelques petites étapes gentilles vont nous mener vers une des extrémités de la Gaspésie, le cap Gaspé, éperon rocheux se dressant fièrement au dessus de l’océan. A nouveau en territoire protégé, c’est aussi un parc national. Les falaises de l’endroit sont un sanctuaire pour les oiseaux marins et certaines étoiles de mer. Celles-ci, par définition, nécessitant une observation en plongée nous « zapperons » rapport aux quatorze petits degrés Celsius de l’eau !
Roulant au pas sur la petite route d’accès au parc, à nouveau, les deux pieds sur le frein Tranquille, sur le bas coté à s’empiffrer les fraises des bois