SOUS LES ETOILES DU MONDE
                                                  ou les voyages de Françoise et Jacky sur la planète bleue

 
 
Aujourd’hui, ce sera « route inverse » pour rejoindre Rio Gallegos et la « ruta 3 » en direction de la frontière Chilienne, le détroit de Magellan et la Terre de Feu. Les douaniers chiliens sont connus pour leur paranoïa vis-à-vis d’une quantité invraisemblable de produits prohibés allant des végétaux quel qu’ils soient aux produits carnés, œufs, graines épices, produits laitiers, le bois et que sais-je qui puissent être contaminés par des bactéries malvenues au pays. Depuis plusieurs jours, plus de courses et l’équipière s’efforce de cuisiner avec les dernières réserves du frigo aujourd’hui désespérément vide. Reste trois feuilles de salade, une tête d’ail et un demi-citron. J’ai peur pour mes cales en bois et on planque nos trois plumes de perroquet !
Les démarches vont se passer agréablement au vu de la courtoisie des douaniers. Une dernière agréable et souriante jeune femme collabore à nous compléter la déclaration des produits prohibés éventuellement à bord à l’aide d’images. Document au demeurant fort simple, un contrôleur monte à bord explique, Françoise acquiesce, lui ouvre le frigo et l’homme content de trouver salade, ail et demi-citron se satisfait d’emporter cela sans chercher à fouiller de fond en comble comme il nous a si souvent été rapporté. Il est évident que ce poste de douanes est un peu particulier puisque nous repassons en Argentine en cours d’après-midi pour la seule destination possible, Ushuaia.
Passé quelques kilomètres, c’est un bac qui accueille les véhicules pour franchir le détroit de Magellan. Il est midi, rien sur la route, frigo vide, un resto de fortune propose un menu basique. Chou et carottes rappés suivi d’un bouillon patates, viande et poisson(!). Ici, pas de carte bancaire possible, pas de distributeurs donc pas de monnaie chilienne, la patronne accepte nos derniers pesos argentins. Dernière bouchée et Franky embarque illico avec quatre voitures et deux camions. Paiement à bord, pas de CB, pas de monnaie, c’est grâce à notre petite réserve de dollars US que l’affaire se traite.
  
Détroit de Magellan                             Un petit résident
 
 
                                Bienvenue en Terre de Feu

Ce sera à une demi-heure de route que le macadam disparait pour deux heures de piste exécrable. Peut-être pas « les routes de l’impossible » comme à la télé mais « ça y ressemble » tôle ondulée, ornières, pierraille et nids d’autruches seront à négocier jusqu’au poste frontière suivant atteint vers seize heures. Formalités plus simples, on repasse en Argentine sans envie de s’engager plus loin à cette heure-là. Ce lieu-dit, plus qu’un village se nomme San Sébastian, quelques bâtiments agricoles une micro station-service un hôtel restaurant genre « Route 66 » années cinquante et un terrain vague comme stationnement. Ignorant un peu la suite, toujours rien dans le frigo, juste quelques conserves qu’il est bon de garder si la situation perdure, le patron du resto nous servira un « milanaisa » frites contre quelques dollars. Ciel clair, le vent austral se lève, pour la nuit, nous déplaçons le véhicule à l’abri derrière la bâtisse de fortune qui sert d’hôtel.

                                  Au petit matin en Terre de Feu

Le ptit-déj se composera d’une boite de pâté et deux « Vache qui rit » épargnées par les douanes puis nous reprenons la route cette fois-ci asphaltée pour atteindre Rio Grande sous la pluie. Ville portuaire moyenne, nous y ferons un ravitaillement complet ainsi qu’une bombonne de propane produit sur place de dix kilos pour six euros, le chauffage étant fort sollicité. Plus que deux cent kilomètres de montagne pour Ushuaia, bonne route  on devrait y être vers dix-sept heures. Plus loin, quelques gauchos poursuivent un mouton rebelle puis défile la forêt rabougrie et envahie de lichens caractéristique de la Terre de Feu. Juste rappelons que qui dit lichens abondants, dit absence de pollution. Il va sans dire qu’en ses terres reculées où l’on compte moins d’un habitant au kilomètre carré, notre planète semble tout juste sortir de la préhistoire.
  
     La forêt originelle couverte de lichens                        les gauchos
 Pour l’horaire d’arrivée, c’était sans compter un accident de poids lourd dans une épingle à cheveux qui bloque la route deux heures durant.
Ushuaia sera enfin atteinte à la lueur des phares ce samedi huit avril 2017 à 19 heures après…
…neuf années de voyage (6mois / 6 mois) soit plus ou moins 1500 / 1600 jours…
… cent vingt mille kilomètres…
…environ cent cinquante mille photos ou vidéo…
… des souvenirs pour la vie…
… et au bord des larmes, une émotion difficile à contenir.
Nous voici stationnés sur le port d’Ushuaia la mer devant avec le canal de Beagle emprunté à l’époque par Darwin sur le « Beagle » qui donna son nom à l’endroit, derrière, les dernières aiguilles de l’immense Cordillère de Andes  enneigées et l’infinie satisfaction d’un « chalenge un peu fou » gagné ce soir.

              Le 08 avril 2017 à 19 heures, porte d’entrée d’Ushuaia

                                     Franky à Ushuaia



 
Matin frisquet au bout du monde
Fatigués mais contents par ces derniers jours, un petit resto de poisson évite cuisine et vaisselle pour ce soir. Nous fêterons l’événement demain comme il se doit.
Ushuaia, la mythique ville la plus australe du monde, mieux connue aujourd’hui grâce à Nicolas Hulot reste, parmi d’autres, dans l’imaginaire des voyageurs au long cours une marque à atteindre avec l’Ile Horne en face, point mythique lui aussi avec son fameux cap redouté des marins de toutes époques. Juste rappeler la mémoire de ceux qui se sont perdus ici que le Horne et le canal de Beagle demeurent le plus grand cimetière marin du monde.
Ce sera sous un ciel radieux que le jour se lève ce matin avec seulement quelques « nœuds*» d’une brise frisquette. Dans les eaux du port devant Franky, une jeune otarie batifole devant quelques cormorans impériaux. Les hideux puffins géants rasent l’eau verte, un cargo décharge ses containers. Au mouillage, nombre de voiliers hauturiers tirent mollement sur leurs amarres dans l’attente d’aller à nouveau en découdre avec les cinquantièmes hurlants.
* Nœud : unité de mesure de vitesse dans la navigation +/- 1,850km /h
   
               Champagne !!!


 
 

                                      Recto-verso
 Sachant qu’il est dit qu’en Terre de Feu, tu peux avoir les quatre saisons dans la même journée, usons de ce temps estival pour marcher au hasard des rives et ainsi réaliser quelques clichés-mémoires. Bien noter qu’Ushuaia, reste aujourd’hui une destination touristique majeure où hôtels, restaurants et locations saisonnières prédominent. Curieux de nature, c’est dans quelques rues arrière que se découvrent encore un peu d’authenticité et d’habitat modeste. Au fil des rues, des rives, des quais, à l’office du tourisme, il se confirme que les gens que tu croises ici ne sont pas tout à fait comme les autres…
… passionnés…
…aventureux…
…singuliers…
…souvent intéressants…
…peut-être un peu « allumés »…
…mais tous amoureux de notre belle planète.
Bref, j’avais dit, il fallait fêter l’événement comme il se doit. Dimanche midi, champagne à bord et en soirée, restaurant atypique, décor rétro où tout un bric à brac d’objets anciens tapissent murs et plafonds dans une ambiance très chansons françaises mille neuf cent cinquante. Aznavour, Trenet, Piaf, Gréco, Barbara s’écouteront durant la dégustation d’un superbe crabe King. Ces crabes géants sont légion dans les canaux de Patagonie avant de s’exposer dans les viviers d’Ushuaia.
  
                           Le crabe King frais pêché, un régal !
 

   
                         Resto Volver hors du temps sous le regard du « Che »

               La belle météo va se dégrader rapidement, pluie et vent glacial hurlant apportent neige fraiche en basse altitude. Chauffage gaz efficace, l’intérieur de Franky reste bien douillet mais, l’inquiétude de trouver la neige sur la route du col de Garibaldi juste en arrière de la ville va nous inciter à quitter bientôt l’endroit. Bien se souvenir que nous sommes par 52° en hémisphère sud, le bref automne précède le long hiver austral. Pas vraiment envie de rester coincés ici pour six mois !  Ce dernier après-midi sera consacré à la visite du magnifique musée maritime et de la prison (!). Fort bien fait et intéressant  puisque l’origine de la ville est en fait un bagne et son administration. Les travaux routiers d’accès étant réalisés par les bagnards. Côté maritime, maquettes et informations sur les exploits et les drames de la région sont nombreux et fort détaillés  ainsi que toutes les expéditions polaires en Antarctique, Ushuaia étant la seule base de départ possible.
 
Neige en arrière-plan                            maquette du Beagle de Darwin
Nous quitterons notre stationnement privilégié le lendemain matin, route sèche au col Garibaldi pour une petite étape à Tolhuin petit village sympa où nous retrouverons un camping autorisant une mise à jour dans la lessive et une connexion internet qui faisait bien défaut à l’office du tourisme d’Ushuaia. Reste le disfonctionnement du téléphone mobile assez incompris. Le réseau local a-t-il les mêmes normes qu’ailleurs ?
               Chacun l’aura compris aujourd’hui, il nous tarde de faire du nord et trouver des conditions moins extrêmes, mais ça, ce sera une autre histoire.
A bientôt.
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