Amazonie SUITE 1
SOUS LES ETOILES DU MONDE
                                                  ou les voyages de Françoise et Jacky sur la planète bleue

 
 
   
                            Boa constrictor et singe saïmiri
 Une passerelle autorise une courte balade dans le sous-bois inondé où chahutent quelques petits singes saïmiris effrontés. Au terme, une estrade permet l’observation de ces grands nénuphars Victoria au feuilles géantes en forme de « plateaux à tarte » qui peuvent atteindre jusqu’à trois mètres de diamètre. Si les feuilles sont plus « fatiguées » que celles observées l’an dernier sur le Rio Paraguay proche du Pantanal brésilien, les fleurs d’aujourd’hui sont plutôt d’un joli mauve délicat.

                                   Nénuphars Victoria Amazonica
C’est au retour qu’un petit singe va sauter de branche en branche pour frôler l’épaule de l’équipière pour ensuite revenir à la charge afin d’obtenir une nourriture facile…
… mauvais plan…
… si le guide confirme bien notre connaissance de l’interdiction de proposer sucreries ou autres aux animaux sauvages, il existe toujours parmi ces touristes ignorants et pressés quelques indisciplinés. Dès lors, le jour où la personne ne donne pas, l’animal ne comprend plus et n’hésite pas, griffes et dents dehors, à manifester une agressivité notoire. C’est aussi en cela que nous regrettons de nous mêler à ses « pseudo expéditions » de groupes insuffisamment initiés et irrespectueux des quelques règles basiques à retenir en pareille situation. Parlant français, celui-ci nous fera état de ses difficultés à se faire entendre sans qu’au retour ces insoumis se plaignent auprès de leur tour-opérateur de l’intransigeance de l’accompagnateur.
Incident clôt, par un bras mort du fleuve, nous accostons à une rive élevée devant une grande palapa, simple longue toiture de palmes qui sert de maison commune dans les communautés indigènes. Ces hommes et ces femmes, agrippés à leurs traditions ancestrales perpétuent tant bien que mal fêtes et vie en autarcie même si le modernisme frappe journellement à leur porte. C’est ainsi que se déroule sous nos yeux curieux musique et danse traditionnelles où (parmi d’autres) je serai invité à participer au bras d’une jeune fille tout juste vêtue d’une simple jupette en raphia (!)…
… j’imagine tes commentaires…
…C’est un double sentiment qui nous envahit ici…
… si, vis-à-vis de ces peuples qui, disons-le, se donnent ainsi en spectacle, un gros ressenti de pitié nous émeut, d’où à nouveau ce regret de « pseudo expédition de groupe ». Cela dit, ils semblent heureux de faire connaître leur culture, heureux aussi que des gens viennent du bout du monde pour les rencontrer. Nous ne manquons pas de leur acheter quelques jolis articles d’artisanat si cela leur permet une vie meilleure. Mais là encore, beaucoup de touristes pressés vont…
… « oublier » …
…dommage.

 


                                                      Communauté indigène

Le lendemain, moment libre, petit flottement, France Télévision sur la « 5 » avait mis en avant le quartier militaire de Manaus spécialisé dans la lutte contre le braconnage en forêt vierge. Un zoo géré par cet escadron recueillerait les animaux saisis pour les soigner et les relâcher si possible dans leur élément naturel. Pas fanatiques des zoos au cours de nos voyages, c’est bien pour meubler une matinée. L’orateur parlait de singes, paresseux, oiseaux divers et jaguars. Ces fameux jaguars qui malgré nos multiples tentatives d’observations notamment l’an dernier au Pantanal ont toujours échouées. Pas terrible, seuls deux félins tournent en rond dans leur enclos avec autour d’eux quelques oiseaux en cage et un habitat correct pour les singes. Au final, ce n’est qu’un zoo et on n’aime pas.

                                    Rencontre insolite
Manaus c’est avant tout l’ancienne capitale florissante du caoutchouc. Fin XIXème, l’argent coulait à flot et rien n’était trop beau pour Manaus qui se prétendait le Paris de la jungle. Si le théâtre parmi d’autres prestigieuses bâtisses bien rénovées évoquent bien cet état d’esprit, quelle déchéance depuis l’effondrement des cours du latex rapport à la production asiatique à bas coût. Il n’est pas une rue, une place où la végétation tropicale ne ronge irrémédiablement façades toitures terrasses ou balcons de tel ou tel édifice remarquable parti en désuétude. Palaces, châteaux, maisons de maîtres ou autres de cette grande époque sont à l’agonie. La résultante se dévoile en squats insalubres et horribles urinoirs malsains.   Il est pitoyable d’assister à cette déchéance tant les architectures subsistantes démontrent les capacités des artistes de ce siècle d’or.
 N’y ont-ils pas joué trop gros devant l’argent facile ?
Quand on apprend concernant ce fameux théâtre que pour la petite histoire, les tuiles viennent d’Alsace, mobilier et tissus de Paris, le marbre d’Italie, la ferronnerie d’Angleterre, et les luminaires de Murano (Venise), et j’en passe. Il était de bon ton de faire réaliser maints édifices en Europe, les démonter, les transporter pour les assembler ici au cœur de la jungle. Il est dit qu’aujourd’hui, la création d’une zone franche immense assortie d’un développement du tourisme concourraient à faire revivre la belle endormie.

                                           Le théâtre de Manaus 

Plus ou moins dix jours dans le petit logement d’Ernesto, il est temps de trouver un bateau pour vivre l’aventure de la descente du plus grand fleuve du monde à bord d’un navire traditionnel. Certainement pas un « speed-boat » vrombissant ! C’est sur les quai que Armando, « l’amigo » d’un « amigo » de rencontre nous apprend le processus des locaux. Rendez-vous est pris la veille sur le quai avec notre interlocuteur qui doit nous présenter le bateau fraîchement arrivé et nous délivrer les tickets. C’est que Françoise acceptait volontiers l’affaire mais sous quelques conditions…
1/ Pas de bateau en bois ! (Des bruits de pontons prétendent que les collisions avec les souches d’arbres à la dérive sont responsables de nombre de naufrage !)
2/ une cabine qui ferme ! (Moi qui rêvait de passer une douce nuit bercé d’un léger zéphire nocturne dans un hamac du pont supérieur…)
Armando avait bien compris la petite française…
… le San Maria de Nazaré, solide navire en acier était amarré au grand quai et nombre de dockers s’affairaient à charger les tonnes de marchandises à déposer aux diverses escales. Armando nous montre notre cabine, une « chuite » disait-il, comprend une suite parce qu’il y a toilettes, micro frigo air conditionné et hublot !...
… en fait…
…une caisse en fer…
…autant dire un contenaire…
…il s’avère que les hublots sont peints et coincés-fermés et l’air conditionné bloqué à 17° ! (il fait entre 35 et 42 dehors)
…peu importe, les conditions sont réunies, départ demain matin…
Néanmoins, je reprends Armando lui expliquant que la cabine…
…ok pour la sécurité de nos bagages…
… mais j’aimerais vivre l’expérience du hamac…
…Ok dit-il, c’est inclus dans le prix mais il te faut acheter les hamacs et tu les installes comme tu veux…
... C’est encore un « amigo » d’Armando qui court ventre à terre à son échoppe pour nous rapporter deux solides hamacs pour une poignée de reals.
Dernière nuit chez Ernesto qui nous conduira volontiers tôt au port au travers de l’anarchique circulation. On charge les bagages dans la… « caisse en fer » et j’installe les fameux hamacs sur le pont intermédiaire aux cotés de nos authentiques voisins amazoniens. Il y a urgence si tu veux une bonne place avec vue sur l’extérieur, ventilation naturelle et le plus éloigné possible des moteurs. En effet au final c’est près de huit cent candidats sur deux ou trois étages qui s’installeront dans un joyeux brouhaha. Inutile de dire que voisins et voisines vont doucement jouer du « frotti-frotta » durant le trajet. Pour un maximum de monde, la formule « quinconce » me gratifie des pieds d’un caboclo* sous le nez. Rassure-toi, tous ici ne vivent que pieds nus ou en tongs, rien à craindre côté odeurs suspectes.
*caboclo : génération issue de l’union de natifs et d’immigrés blancs

   
                               Transport populaire en Amazonie

Huit heures et demi, départ à douze heures, nous avons tout le temps d’observer l’activité singulière à la périphérie du San Maria de Nazaré. Si les plus volumineuses marchandises ont été chargées la veille et la nuit, ici, c’est une lancha instable amarrée au bordé qui transborde quelques centaines de caisses plastique. Mieux, la vieille mais robuste embarcation en bois voisine, chargée d’une tonne de glace en vrac et autant de magnifiques très gros poissons va charger à bord durant une heure sa précieuse marchandise pour la conditionner dans de grosses caisses en polystyrène à bord du San Maria de Nazaré. C’est par centaines d’aller et retour au seau que transite la glace et un par un les énormes poissons embarquent à bras d’hommes et bien souvent au « lancé » vu le dénivelé entre les ponts des deux bateaux. Attardé à quelques clichés sur le fret coté bâbord du navire un homme m’invite à m’approcher des poissons qui embarquent afin de mieux saisir la scène. Les pêcheurs, contents d’être immortalisés, prendront la pose avec les plus beaux spécimens.
  
                               Le matin, chargement du poisson
Curieux, je fouine parmi les ballots enchevêtrés, tout le pont inférieur est encombré comme pas possible d’un capharnaüm inimaginable. Des poissons donc, des motos sorties d’usine (souviens-toi la zone franche) des matériaux de construction, canalisations PVC, des milliers de packs de bières et sodas, mille cartons de vinaigre blanc (!), des centaines de chaises neuves, passons sur les frigos, congélateurs, cuisinières, vélos, sacs de céréales dans la soute etc… etc…  
Juste avant de faire route, sur un quai éloigné, on embarque deux véhicules retardataires dont un vieux pickup hors d’âge qui refusera de redémarrer, callé sur les planches faisant office de passerelle. Pas d’affolement, le chauffeur connait son cheval, capot ouvert deux minutes, intervention sur le fautif, ça repart juste pour enjamber et embarquer. Au débarquement… on improvisera…
Lentement, le navire évolue et tantôt rive gauche, tantôt rive droite, le paysage défile doucement. On retrouve ces villages flottants, ou de temps à autres sur pilotis lorsque le terrain l’autorise, dans chacun d’eux, une école et une église de même architecture. De grands cargos, pétrolier, porte-contenaires, croisent notre route. La dominance reste les immenses convois poussés. De gigantesques barges assemblées les unes aux autres, propulsés par des « pousseurs » aux mécaniques titanesques. On croise de tout, céréales, camions, automobiles, bois, plus curieusement une barge équipée en bétaillère avec sa centaine de bovins.

Les nombreux « convois poussés » sur le fleuve
 



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